L'Arabie saoudite s'est imposée comme un acteur central dans les efforts visant à résoudre certaines des questions régionales les plus pressantes affectant le Moyen-Orient, ce qui signale un changement profond dans son approche de la politique étrangère.
Sous la direction du roi Salman et du prince héritier Mohammed bin Salman, le Royaume ne se contente plus d'opérer dans l'ombre de la diplomatie américaine ou de maintenir une posture réactive. Au contraire, il prend des mesures proactives pour redéfinir son rôle en tant que force stabilisatrice indispensable dans la région.
Cette nouvelle approche est particulièrement évidente dans les engagements récents avec le Liban et la Syrie post-Assad, Riyad se positionnant comme un garant clé de la paix et de la normalisation, et comme un intermédiaire pour la stabilité régionale.
L'un des exemples les plus clairs de l'évolution de la politique étrangère saoudienne est son leadership dans le rapprochement des États du Golfe avec la Syrie. Après plus d'une décennie de guerre civile, le pays reste fracturé et instable. La chute du régime de Bachar Assad a laissé la place à un nouveau gouvernement dirigé par Ahmad Al-Sharaa, qui contrôle désormais la situation et joue ses cartes avec beaucoup de prudence.
Reconnaissant la nécessité d'un engagement pragmatique avec les nouvelles autorités, l'Arabie saoudite a pris la tête des efforts visant à ramener la Syrie dans le giron de la Ligue arabe, une démarche qui reflète un pivot stratégique de l'isolement vers l'intégration.
Ce changement n'est pas sans controverse. Ses détracteurs affirment que le réengagement avec la Syrie risque de légitimer une nation encore aux prises avec les conséquences d'un conflit et d'une influence extérieure. Toutefois, le calcul saoudien est clair : la poursuite de l'isolement de la Syrie ne contribuera guère à atténuer les souffrances de son peuple.
Riyad propose un cadre prometteur pour résoudre les crises complexes qui affectent depuis longtemps le Moyen-Orient. Azeem Ibrahim
En dirigeant les États du Golfe dans le processus de normalisation des liens avec Damas, Riyad vise à placer la reconstruction de la Syrie sous la responsabilité des États arabes plutôt que sous celle de puissances extérieures.
Le rôle de chef de file du Royaume dans ce domaine souligne son engagement à promouvoir un nouvel ordre régional dans lequel les États arabes prennent la tête des efforts visant à résoudre leurs propres crises.
Au Liban également, l'Arabie saoudite est redevenue un acteur important de la dynamique politique du pays. Pendant des années, Riyad a pris ses distances, frustré par l'influence démesurée du Hezbollah.
Toutefois, l'aggravation des crises politiques et économiques au Liban - exacerbée par un vide présidentiel prolongé qui a finalement été résolu ce mois-ci - a incité les Saoudiens à se réengager. Cette interaction renouvelée a contribué à façonner le paysage politique alors que le Liban élit un nouveau président et espère mettre en œuvre des réformes indispensables.
L'implication saoudienne a été particulièrement évidente sous la forme d'une diplomatie en coulisses destinée à contribuer à l'établissement d'un consensus entre les factions politiques fracturées du Liban. L'influence de Riyad s'est également fait sentir par son soutien à une initiative française visant à résoudre l'impasse politique dans laquelle se trouve le pays, ce qui témoigne d'une volonté de travailler en collaboration avec des partenaires internationaux.
Alors que l'engagement renouvelé de l'Arabie saoudite au Liban est encore en cours, son rôle proactif contribue déjà à remodeler le calcul politique à Beyrouth. En réaffirmant son influence, Riyad espère favoriser un environnement politique plus équilibré, propice à la stabilité et à la reprise économique.
Les rôles actifs du Royaume en Syrie et au Liban sont emblématiques d'un changement plus large de sa stratégie régionale. Sous la direction du roi Salman et du prince héritier, la nation s'est éloignée de sa politique étrangère historiquement prudente et réactive pour adopter une approche plus affirmée et dynamique.
Ce changement reflète à la fois la reconnaissance de l'évolution des réalités géopolitiques et la volonté de positionner l'Arabie saoudite en tant que leader du monde arabe.
L'un des principaux moteurs de cette transformation est le projet Saudi Vision 2030, qui représente un plan ambitieux de diversification et de modernisation de l'économie. Un Moyen-Orient stable et prospère est essentiel à la réussite de cette vision, car l'instabilité régionale fait peser des risques importants sur les ambitions économiques de l'Arabie saoudite. En jouant un rôle de premier plan dans les efforts de résolution des conflits régionaux, Riyad cherche à créer un environnement plus propice à la croissance économique et à l'investissement.
Un autre facteur de cette évolution est le rééquilibrage de la politique américaine à l'égard du Moyen-Orient. Alors que Washington se tourne vers l'Asie et adopte une approche plus distante de la région, l'Arabie saoudite a reconnu la nécessité de combler le vide du leadership régional. Cela a conduit le Royaume à adopter une politique étrangère plus indépendante et autonome, caractérisée par un engagement pragmatique avec d'anciens adversaires et une plus grande volonté de prendre des risques calculés.
Si ce rôle régional proactif offre des opportunités significatives, il s'accompagne également de défis. En Syrie, le chemin de la normalisation est semé d'embûches, notamment en ce qui concerne le retour des réfugiés et la reconstruction d'un pays déchiré par la guerre.
Au Liban, les efforts de Riyad pour contrer l'influence du Hezbollah risquent de se heurter à une certaine résistance, étant donné la position bien ancrée du groupe dans la politique libanaise.L'équilibre entre ces priorités concurrentes nécessitera une diplomatie prudente et habile, ainsi qu'une volonté de s'adapter à l'évolution des circonstances.
Le rôle croissant de l'Arabie saoudite en tant que chef de file dans les efforts visant à résoudre les problèmes régionaux urgents marque un tournant important dans sa politique étrangère. En jouant un rôle proactif en Syrie et au Liban, le Royaume démontre son engagement à favoriser la stabilité régionale et à tracer une nouvelle voie pour le monde arabe.
Bien que des défis subsistent, l'approche audacieuse de l'Arabie saoudite offre un cadre prometteur pour traiter les crises complexes et interdépendantes qui affectent depuis longtemps le Moyen-Orient. S'ils réussissent, les dirigeants saoudiens pourraient ouvrir la voie à une région plus stable et plus prospère, avec Riyad à sa tête.
- Azeem Ibrahim est directeur des initiatives spéciales au Newlines Institute for Strategy and Policy à Washington, DC. X : @AzeemIbrahim
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Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com