PARIS: Le nouveau Premier ministre français François Bayrou abat ses cartes mardi sur le budget et les retraite dans son grand oral devant les députés, afin de tenter d'éviter une censure.
Alors que la France traverse une période d'instabilité inédite depuis des décennies, la déclaration de politique générale du chef de gouvernement centriste --le quatrième en un an en France-- sera scrutée dans l'après-midi devant l'Assemblée nationale.
Nommé en décembre, François Bayrou, 73 ans, a pour premier défi de faire passer un budget pour 2025, sous la pression des oppositions et des marchés financiers.
Il doit pour cela éviter de subir le même sort que son prédécesseur Michel Barnier, dont le gouvernement minoritaire avait été renversé au bout de trois mois par une alliance des députés de gauche et d'extrême droite.
Il a lancé d'intenses tractations avec la gauche, centrées sur le sort de la dernière réforme des retraites. Mais l'équation reste délicate car l'Assemblée nationale est fracturée en trois blocs (gauche / centre-droit et droite / extrême droite), dont aucun ne dispose de la majorité absolue.
Alors que son prédécesseur avait tenté en vain d'obtenir un engagement de "non censure" de l'extrême droite, François Bayrou mise cette fois sur la gauche et particulièrement les socialistes pour trouver une voie de passage.
Mais le secrétaire général du Parti socialiste Pierre Jouvet a déploré lundi sur la chaîne BFMTV l'absence "d'avancée significative" et de "garantie concernant la suspension" de la réforme des retraites réclamée à cor et à cri par la gauche, estimant que François Bayrou s'était fait "rattraper par la patrouille" située "à sa droite".
De quoi précipiter les socialistes dans les bras de la censure, puisqu'une motion sera sans nul doute déposée par les Insoumis (gauche radicale) mardi.
Sans les voix des socialistes, la France insoumise et le Rassemblement national (droite nationaliste) ne peuvent pas renverser le gouvernement.
Toute la journée de lundi, l'exécutif a multiplié les pourparlers. "Ils donnent l'impression de se démener, mais à la fin c'est maigre", a résumé auprès de l'AFP la patronne des écologistes Marine Tondelier, qui a échangé par téléphone avec plusieurs ministres.
"Je n'ai toujours pas trop d'arguments susceptibles de ne pas voter la censure", a-t-elle ajouté.
Si le gouvernement ne devrait pas tomber dans l'immédiat, l'incapacité de M. Bayrou à rallier les socialistes jette un doute sur la pérennité de ce gouvernement qui pourrait, comme son prédécesseur, se heurter au mur du vote du budget en cours de négociation.
Lors de ses voeux du Nouvel an, le président Emmanuel Macron a reconnu que sa décision de dissoudre l'Assemblée nationale, qui a abouti à la défaite de son camp aux législatives de juillet, avati semé "divisions" et "instabilité".
Au centre des tensions, les socialistes réclament une suspension de la dernière réforme des retraites qui soit effective dès le début de la renégociation, et pas uniquement en cas de succès de celle-ci.
Mais cette suspension divise le camp présidentiel tandis que la droite menace de quitter le gouvernement.
Certains semblent prêts à l'accepter, comme prix de la stabilité politique, à l'instar de la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet.
D'autres en revanche s'y opposent, faisant valoir son coût, estimé autour de 3 milliards d'euros pour la seule année 2024.
"Si demain on atteignait le cœur du réacteur en termes de rendement budgétaire de cette réforme, alors on mettrait la France, pour le plaisir de la gauche, en danger, notamment budgétaire et financier", a prévenu lundi soir le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (droite).