BEYROUTH : Le Parlement libanais doit se réunir jeudi pour élire un président de la République dans un pays privé de chef d'État depuis plus de deux ans et en proie à une grave crise économique.
Des analystes doutent cependant que les députés parviennent à s'entendre sur un candidat, même si le puissant mouvement chiite Hezbollah, accusé par ses détracteurs d'avoir bloqué l'élection d'un président lors de la dizaine de tentatives précédentes, semble avoir été affaibli par une guerre avec Israël.
Israël a infligé un sérieux revers au Hezbollah pro-iranien lors d'un conflit de deux mois, tuant notamment son chef, Hassan Nasrallah, à l'issue duquel une trêve a été conclue le 27 novembre.
De plus, ce groupe, qui avait un poids prépondérant dans la vie politique du Liban, a perdu un allié clé en Syrie en la personne de Bachar al-Assad, renversé le 8 décembre par une coalition de rebelles islamistes radicaux.
En vertu du système confessionnel de partage du pouvoir, la présidence du Liban est réservée à un chrétien maronite, le poste de Premier ministre à un musulman sunnite et celui de président du Parlement à un musulman chiite.
Dans un pays secoué par une guerre civile de 1975 à 1990, la classe dirigeante parvenait habituellement à se mettre d'accord sur un nom, mais elle a échoué à trouver un consensus depuis la fin du mandat du dernier président, Michel Aoun, en octobre 2022.
Plusieurs pays étrangers, dont les États-Unis, l'Arabie saoudite ou la France, font pression depuis lors pour qu'un président soit enfin choisi.
Lundi, l'envoyé spécial américain Amos Hochstein a exhorté la classe dirigeante à parvenir à un « consensus politique », notamment pour reconstruire l'économie du pays.
« Le candidat préféré est le commandant en chef de l'armée libanaise, Joseph Aoun, qui semble bénéficier du soutien des États-Unis, mais aussi, dans une moindre mesure, de la France et de l'Arabie saoudite », estime l'analyste libanais Karim Bitar.
- « Obstacles » -
Mais, a-t-il ajouté, « il y a encore une certaine réticence à l'élire chez certains partis politiques des deux camps ».
Selon M. Bitar, « les grandes puissances régionales et internationales indiquent souvent leur préférence pour un candidat à la dernière minute et exercent des pressions sur les députés qui suivent simplement la ligne ».
« Le Hezbollah n'est plus capable aujourd'hui d'imposer quelqu'un de vraiment proche de son camp après la chute du régime syrien et son affaiblissement durant la guerre », indique-t-il.
Mais « il peut toujours s'opposer à quelqu'un dont il se méfie vraiment ».
Jusqu'à présent, le Hezbollah et ses alliés soutenaient l'ex-ministre Sleimane Frangieh, un ami de Bachar al-Assad.
Pour David Wood, analyste pour le groupe de réflexion International Crisis Group, le Hezbollah et son allié, le mouvement Amal, dirigé par Nabih Berri, le président du Parlement, « envisagent d'autres options en coulisses ».
Parmi les autres noms qui circulent figurent ceux des dirigeants des deux principaux partis chrétiens, Gebran Bassil, gendre de Michel Aoun, et Samir Geagea, fervent opposant au Hezbollah.
L'ancien ministre des Finances et fonctionnaire du Fonds monétaire international (FMI), Jihad Azour, le chef de la sécurité par intérim, Elias Baissari, ainsi que deux députés, Nehmat Afram et Ibrahim Kanaan, pourraient aussi être des candidats potentiels.
Selon M. Wood, Joseph Aoun doit encore « surmonter de sérieux obstacles », notamment le manque de soutien des principaux partis chrétiens.
M. Aoun devrait obtenir une majorité des deux tiers — soit au moins 86 des 128 députés — pour être élu président.
Si lui ou tout autre candidat échoue à obtenir un tel score, le Parlement doit tenir un second tour, où une majorité simple de 65 voix suffit pour l'emporter.
La Constitution stipule que les candidats à la présidence ne doivent pas avoir occupé de hautes fonctions publiques au cours des deux dernières années, ce qui disqualifierait M. Aoun.