Le drapeau Français levé à Damas, mais la vigilance reste de mise à Paris

A l’ambassade de France à Damas, le drapeau français a été à nouveau levé dans le but de « montrer que la France se prépare à être aux côtés des Syriens dans la durée » a-t-il assuré, ajoutant que dans un premier temps ce rôle sera humanitaire et non politique. (AFP)
A l’ambassade de France à Damas, le drapeau français a été à nouveau levé dans le but de « montrer que la France se prépare à être aux côtés des Syriens dans la durée » a-t-il assuré, ajoutant que dans un premier temps ce rôle sera humanitaire et non politique. (AFP)
Short Url
Publié le Jeudi 19 décembre 2024

Le drapeau Français levé à Damas, mais la vigilance reste de mise à Paris

  • La transition du pouvoir syrien a bien eu lieu, mais le pays est tombé entre les mains du dirigeant de « HTC » Ahmad El Chareh, plus connu sous le pseudonyme de Abou Mohamad Al Joulani
  • Situation extrêmement embarrassante pour les pays occidentaux et pour la France d’autant plus qu’Al-Joulani, tout juste âgé de 42 ans revient de loin

PARIS: Amorce d’un timide retour de la diplomatie française en Syrie, le drapeau français flotte à nouveau depuis mardi sur le bâtiment de l’ambassade de France à Damas, douze ans après la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.

Il y a douze ans, l’ancien dictateur syrien Bachar Al-Assad réprimait à feu et à sang des manifestants pacifistes appelant à la démocratie et la liberté, et ignorait les appels lancés par la communauté internationale, à des réformes qui prennent en compte les aspirations des Syriens. 

En représailles, la France qui avait pendant longtemps fait en vain le pari du changement et de l’ouverture, misant sur les velléités affichées du jeune président qui a succédé à son père Hafez Al-Assad, a rallié la revendication des opposants syriens appelant à son départ du pouvoir.

Officialisant ce ralliement, la France opte en mars 2012 pour une rupture des relations diplomatiques avec la Syrie, et joue un rôle des plus actif au niveau de l’adoption de sanctions européennes et internationales visant le régime syrien.

L’avancée spectaculaire et surprenante début décembre, des forces rebelles se réclamant de Hayat Tahrir Al-Cham « HTC » et la fuite précipitée du président syrien à Moscou est venu percuter de front les chancelleries occidentales qui n’ont rien vu venir.

Flottement

La transition du pouvoir syrien a bien eu lieu, mais le pays est tombé entre les mains du dirigeant de « HTC » Ahmad El Chareh, plus connu sous le pseudonyme de Abou Mohamad Al Joulani, chef djihadiste fondateur du tristement célèbre Front Al-Nosra, devenu par la suite Hayat Tahrir Al-Cham.

Situation extrêmement embarrassante pour les pays occidentaux et pour la France d’autant plus qu’Al-Joulani, tout juste âgé de 42 ans revient de loin, il a beau s’efforcer de projeter une image modérée de son mouvement, ce dernier est toujours inscrit sur la liste des groupes terroristes de l’Union Européenne et des États-Unis.

Après plusieurs jours de flottement, la diplomatie française s’est réjouie de la chute de la dictature d’Al-Assad, assurant vouloir se tenir aux côtés des Syriens dans cette nouvelle phase de leur histoire.

Ce premier pas a suivi des contacts entamés par le ministre des Affaires Européennes et Étrangères Jean-Noël Barrot avec ses homologues dans la région, qui par la suite a annoncé l’envoi d’une délégation diplomatique à Damas, avec à sa tête l’envoyé spécial pour la Syrie Jean-François Guillaume.

Sur place la délégation s’est entretenue avec des représentants de « HTC » et non avec Al-Joulani lui-même, dans le cadre de ce que Guillaume a qualifié de « prise de contact avec les autorités de fait à Damas, qui vont nous permettre d’assurer la sécurité des positions françaises en Syrie et de reprendre notre travail ici ».

Auparavant, Guillaume et sa délégation s’étaient rendus au siège de l’ambassade de France à Damas, où le drapeau français a été à nouveau levé dans le but de « montrer que la France se prépare à être aux côtés des Syriens dans la durée » a-t-il assuré, ajoutant que dans un premier temps ce rôle sera humanitaire et non politique.

Situation volatile

Ces propos illustrent parfaitement la prudence et la vigilance qui sont de rigueur à Paris, à l’égard de la Syrie et des ses nouveaux dirigeants appelés à opérer une véritable transition sur la base de la résolution 2254 du conseil de sécurité.

Paris insiste sur le caractère inclusif de cette transition, afin de protéger la totalité des minorités du pays, et de permettre  une représentation pleine et entière des droits de tous les Syriens. 

Du point de vue français la situation est encore très volatile et l'objectif, c'est de stabiliser la Syrie et de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'impact et de répercussions possibles sur la région.

À ce niveau, Paris tient particulièrement à préserver le Liban à l’égard duquel il nourrit l’inquiétude de voir une tentation d'un certain nombre de groupes radicaux sunnites se dire qu'ils pourraient enjoindre le pas de « HTC », et l’autre enjeu est évidemment le retour en force du Hezbollah, qui risque de polariser la situation interne au Liban, et fragiliser le cessez le feu récemment instauré.
 


Syrie: Paris salue l'accord avec les Kurdes

L'accord a été signé lundi par le président par intérim, Ahmad al-Chareh, et le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, Mazloum Abdi, pour une application prévue d'ici à la fin de l'année. (AFP)
L'accord a été signé lundi par le président par intérim, Ahmad al-Chareh, et le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, Mazloum Abdi, pour une application prévue d'ici à la fin de l'année. (AFP)
Short Url
  • L'accord a été signé lundi par le président par intérim, Ahmad al-Chareh, et le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, Mazloum Abdi, pour une application prévue d'ici à la fin de l'année
  • La France, qui souligne y avoir "contribué en lien avec ses partenaires américains", ajoute qu'elle "poursuivra ses efforts pour faciliter le dialogue entre les autorités syriennes de transition et ses partenaires kurdes du Nord-Est de la Syrie"

PARIS: La France a salué mardi l'accord pour intégrer au sein de l'Etat syrien toutes les institutions relevant des Kurdes, y voyant "une étape positive vers une solution négociée et pacifique pour l'unification de la Syrie" et une "garantie" des droits et intérêts kurdes.

L'accord a été signé lundi par le président par intérim, Ahmad al-Chareh, et le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, Mazloum Abdi, pour une application prévue d'ici à la fin de l'année.

La France, qui souligne y avoir "contribué en lien avec ses partenaires américains", ajoute qu'elle "poursuivra ses efforts pour faciliter le dialogue entre les autorités syriennes de transition et ses partenaires kurdes du Nord-Est de la Syrie", selon un communiqué du porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

"La France rappelle son attachement à la mise en œuvre d'un processus de transition politique pacifique, qui représente l'ensemble des composantes de la société syrienne, en vue de la construction d'une Syrie libre, unie, stable, en paix, souveraine et pleinement intégrée à son environnement régional et à la communauté internationale", poursuit Christophe Lemoine.

L'administration autonome kurde, soutenue par les Etats-Unis, contrôle de vastes territoires dans le nord et l'est de la Syrie, riches en blé, pétrole et gaz, des ressources cruciales pour les autorités de Damas dans cette période de reconstruction.

Son bras armé, les FDS, ont joué un rôle clé dans la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique, battu dans son dernier bastion en 2019.

L'accord est intervenu alors que la Syrie a connu ces derniers jours dans l'ouest du pays ses pires violences depuis la chute de l'ancien président Bachar al-Assad en décembre.


Ukraine, sécurité européenne: Paris s'active pour coordonner une réponse

Avec ses 800.000 hommes, l'armée ukrainienne est la plus importante d'Europe, rappelle fréquemment le président ukrainien Volodymyr Zelensky.  La semaine passée, ce dernier a appelé à l'instauration d'une trêve dans les airs et en mer pour entamer des discussions sur une "paix durable" avec Moscou. (AFP)
Avec ses 800.000 hommes, l'armée ukrainienne est la plus importante d'Europe, rappelle fréquemment le président ukrainien Volodymyr Zelensky. La semaine passée, ce dernier a appelé à l'instauration d'une trêve dans les airs et en mer pour entamer des discussions sur une "paix durable" avec Moscou. (AFP)
Short Url
  • Cette réunion comprendra des responsables militaires de 30 pays appartenant à l'UE et/ou à l'Otan, dont le Royaume-Uni et la Turquie, selon l'état-major des Armées
  • Elle intervient au moment où une délégation ukrainienne retrouve une équipe américaine en Arabie saoudite pour discuter des moyens de mettre fin à la guerre entre l'Ukraine et la Russie, trois ans après l'invasion russe de sa voisine

PARIS: La France multiplie cette semaine les consultations avec ses partenaires européens pour tenter de définir les garanties de sécurité en faveur de l'Ukraine en cas de cessez-le-feu et renforcer la défense du continent sur fond de rapprochement entre Washington et Moscou.

Sur le plan intérieur, les autorités françaises s'activent également pour faire émerger un consensus politique en ce sens.

Le président Emmanuel Macron ouvre le bal mardi après-midi en s'exprimant devant "les chefs d'état-major des pays qui souhaitent prendre leurs responsabilités" et qu'il a conviés à Paris.

Cette réunion comprendra des responsables militaires de 30 pays appartenant à l'UE et/ou à l'Otan, dont le Royaume-Uni et la Turquie, selon l'état-major des Armées.

Elle intervient au moment où une délégation ukrainienne retrouve une équipe américaine en Arabie saoudite pour discuter des moyens de mettre fin à la guerre entre l'Ukraine et la Russie, trois ans après l'invasion russe de sa voisine.

Cette réunion est "importante", selon le ministre français des Armées Sébastien Lecornu car elle "vient poser une première pierre sur ces garanties de sécurité".

"Il s'agit simplement de se projeter et de réfléchir à ce que doit être l'armée ukrainienne à l'avenir, et donc repartir du principe que la première des garanties de sécurité reste l'armée ukrainienne, que nous refuserons toute forme de démilitarisation de l'Ukraine", a-t-il déclaré en ouvrant le Forum de défense et de sécurité de Paris (PDSF).

Avec ses 800.000 hommes, l'armée ukrainienne est la plus importante d'Europe, rappelle fréquemment le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

La semaine passée, ce dernier a appelé à l'instauration d'une trêve dans les airs et en mer pour entamer des discussions sur une "paix durable" avec Moscou.

L'idée, également évoquée par Emmanuel Macron et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, est considérée par Moscou comme "absolument inacceptable" car le conflit finirait, selon la diplomatie russe, par reprendre. Elle permet, selon ses promoteurs, de tester la bonne volonté russe à discuter.

L'idée de déployer des troupes européennes en Ukraine a été évoquée à plusieurs reprises, en particulier ces dernières semaines.

"Réarmement nécessaire"

Paris et Londres notamment sont étroitement impliqués dans les discussions sur la mise en oeuvre d'une telle option. Le Premier ministre britannique Keir Starmer organise à son tour samedi une réunion virtuelle avec les dirigeants des pays prêts à aider à empêcher une reprise des hostilités en Ukraine en cas de cessez-le-feu.

Avant d'envisager de déployer des troupes, il faut définir les contours de ce que serait la mission de cette coalition de volontaires, a affirmé Sébastien Lecornu dans le journal La Tribune Dimanche: "Troupes de paix à des fins d'observation, de réassurance ou de déconfliction… La réunion des chefs d'état-major mardi va permettre de nourrir cette réflexion", selon lui.

Le ministre français réunira ensuite mercredi ses homologues du groupe E5 (France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Pologne), ainsi que des représentants de l'Union européenne et de l'Otan et, en visioconférence, le ministre ukrainien de la Défense.

Les entretiens porteront sur l'aide à l'Ukraine, alors que les Etats-Unis ont suspendu leur soutien militaire et en matière de renseignement, et sur le "réarmement nécessaire de l'Europe et de nos pays respectifs", selon son entourage.

Les pays de l'UE ont donné leur feu vert à un plan visant à mobiliser jusqu'à 800 milliards d'euros sur quatre ans, afin de renforcer la défense du continent et aider l'Ukraine.

En France, dans un contexte de finances publiques moribondes, le budget de la Défense devra lui aussi être augmenté, Sébastien Lecornu évoquant un "horizon autour de 100  milliards d'euros par an", contre 50,5 milliards en 2025.

Pour en convaincre les députés et sénateurs, qui auront à voter toute évolution du budget, et les tenir informés des discussions avec les partenaires étrangers et de la situation en Ukraine, le ministre des Armées doit rencontrer jeudi les présidents des groupes parlementaires.

Le chef de l'Etat doit enfin réunir vendredi, selon son entourage, les industriels français de défense, appelés à augmenter leurs cadences depuis l'invasion de l'Ukraine en 2022 et qui doivent se préparer à un afflux potentiel de nouvelle commandes.


Terrorisme: «Plus ils nous haïssent, plus ils nous grandissent», lance Macron

L'hommage s'est déroulé quelques semaines après l'attaque au couteau survenue le 22 février à Mulhouse ( au sud de Strasbourg), "un scénario d'horreur dont nous sommes encore meurtris", a déclaré le président français. (AFP)
L'hommage s'est déroulé quelques semaines après l'attaque au couteau survenue le 22 février à Mulhouse ( au sud de Strasbourg), "un scénario d'horreur dont nous sommes encore meurtris", a déclaré le président français. (AFP)
Short Url
  • "Nous ne pouvons nous résigner à l'innommable", a déclaré le chef de l'Etat
  • "Cette mémoire est ce qui nous sépare de la barbarie", a-t-il insisté devant des victimes et leurs proches présents à Strasbourg. "Nous n'oublierons jamais"

STRASBOURG: "Plus ils nous haïssent, plus ils nous grandissent", a déclaré Emmanuel Macron lors d'une cérémonie d'hommage aux victimes du terrorisme mardi à Strasbourg, dans l'est de la France, alors que la "menace rôde toujours".

L'hommage s'est déroulé quelques semaines après l'attaque au couteau survenue le 22 février à Mulhouse ( au sud de Strasbourg), "un scénario d'horreur dont nous sommes encore meurtris", a déclaré le président français.

Avec cet attentat, qui a fait un mort, "Mulhouse a rejoint un douloureux cortège" de villes frappées par le terrorisme, a poursuivi M. Macron, mentionnant également Israël, touché par une attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre 2023.

"Nous ne pouvons nous résigner à l'innommable", a déclaré le chef de l'Etat.

"Cette mémoire est ce qui nous sépare de la barbarie", a-t-il insisté devant des victimes et leurs proches présents à Strasbourg. "Nous n'oublierons jamais".

"Si neuf attentats ont été déjoués en 2024, la menace rôde toujours", a aussi souligné M. Macron.

Pour la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, "ce jour de mémoire doit être aussi un jour d'engagement. Un engagement absolu à lutter sans relâche contre le terrorisme".

"Nous travaillons avec nos États Membres et nos partenaires dans le monde entier, pour combattre la radicalisation, anticiper la menace terroriste, prévenir les attaques et protéger nos citoyens", a martelé Mme Metsola, présente à la cérémonie qui intervient en pleine session du Parlement européen à Strasbourg.

Des responsables d'associations, des victimes d'attentats et leurs proches ont assisté à l'hommage, qui se tient à la date anniversaire de l'attentat le plus meurtrier d'Europe, en 2004 à Madrid (191 morts).

Dix ans après les attentats du 13 novembre 2015 (130 morts) à Paris et ses environs, Michel Catalano, qui avait été pris en otage dans son imprimerie, a témoigné.

"Il y a dix ans, ma vie a basculé, la mort a frappé à ma porte, m'entraînant dans un cauchemar inimaginable", a-t-il décrit, saluant l'action des associations et le rôle de sa famille qui a été "essentielle" dans sa "reconstruction".

Lui qui intervient dans des collèges, lycées et en milieu carcéral, espère pouvoir "peut être même un petit peu changer le monde dans lequel nous vivons".