Starmer doit envisager des liens personnels et pas seulement commerciaux avec l'Arabie saoudite

La visite du Premier ministre britannique Keir Starmer en Arabie saoudite devrait marquer un pas en avant au niveau des relations entre les deux pays. (AFP)
La visite du Premier ministre britannique Keir Starmer en Arabie saoudite devrait marquer un pas en avant au niveau des relations entre les deux pays. (AFP)
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Publié le Jeudi 12 décembre 2024

Starmer doit envisager des liens personnels et pas seulement commerciaux avec l'Arabie saoudite

Starmer doit envisager des liens personnels et pas seulement commerciaux avec l'Arabie saoudite
  • Starmer n'a pas été très exposé au monde arabe et toute visite de ce genre constituera donc un apprentissage considérable
  • Starmer et son équipe doivent envisager les choses dans une perspective à long terme et dans le cadre d'une relation personnelle

La visite du Premier ministre britannique Keir Starmer en Arabie saoudite devrait marquer un pas en avant au niveau des relations commerciales et d'affaires entre les deux pays. Même les relations historiques ont besoin d'être renouvelées et actualisées. Les nouveaux liens commerciaux seront accueillis favorablement par les deux gouvernements, qui chercheront sans aucun doute à les développer. Le commerce bilatéral a atteint des niveaux record, dépassant les 17,3 milliards de livres sterling (22 milliards de dollars; 1 dollar = 0,95 euro).

Le gouvernement travailliste britannique a un horizon économique difficile. Même si l'économie britannique est encore forte, la sixième au monde, elle connaît des difficultés, comme d'autres. Pourtant, même après le Brexit, elle a beaucoup d'atouts et le pays reste attrayant pour les investissements directs étrangers.

Mais Starmer et Rachel Reeves, sa chancelière de l'Échiquier – ce que nous appelons en Grande-Bretagne notre ministre des Finances –, ont misé leur avenir politique sur la croissance car, compte tenu de l'étroitesse des finances, la croissance de l'économie sera le seul moyen pour le gouvernement d'échapper aux contraintes rigoureuses qu'il s'est lui-même imposées. C'est pourquoi le Royaume-Uni souhaite conclure un accord de libre-échange avec le Conseil de coopération du Golfe.

Le renforcement des liens économiques avec la plus grande économie du monde arabe sera attrayant. Les deux gouvernements se sont mis d'accord sur l'objectif de porter le commerce bilatéral à 30 milliards de livres sterling d'ici à 2030, un défi important mais réalisable.

C'est pourquoi Starmer, qui a été élu en juillet, a effectué cette visite si tôt dans son mandat. Son gouvernement a besoin de résultats positifs. Ses cinq premiers mois au pouvoir n'ont pas été faciles. Le Royaume-Uni poursuit une campagne d'un an visant à stimuler les échanges commerciaux, lancée au printemps, en mettant l'accent sur les secteurs essentiels à la Vision 2030 de l'Arabie saoudite.

Même après le Brexit, le Royaume-Uni a beaucoup d'atouts et le pays reste attrayant pour les investissements directs étrangers.

                                                 Chris Doyle

L'un des aspects est la tentative britannique d'engager les entreprises saoudiennes dans l'intelligence artificielle. Par exemple, l'université de Northumbria et l'université roi Fahd du pétrole et des minéraux en Arabie saoudite travaillent ensemble sur la manière de déployer l'IA pour aider à rendre l'industrie de la construction plus verte. Les deux pays doivent réduire l'impact de ce secteur sur l'environnement.

Les investissements directs de l'Arabie saoudite au Royaume-Uni depuis 2017 s'élèvent à environ 21 milliards de dollars. D'ores et déjà, les investissements du Royaume dans le nord-est de l'Angleterre ont donné un élan majeur à l'économie dans une région longtemps considérée comme défavorisée. Ces investissements ont été annoncés peu avant la fin du dernier gouvernement britannique, lors du sommet britannico-saoudien de deux jours qui s'est tenu en mai. L'investissement saoudien de 3 milliards de livres devrait créer environ 2 000 emplois. Il est centré sur Newcastle, ville dont le club de football est désormais détenu par le Fonds d'investissement public. La ville est présentée comme «la porte d'entrée vers l'Arabie saoudite». L'Arabie saoudite investit également dans des usines chimiques dans le nord-est du pays.

D'autres investissements saoudiens importants au Royaume-Uni comprennent une participation de 40% dans le célèbre grand magasin londonien Selfridges. Le Royaume-Uni possède des marques solides et sûres dans lesquelles des États comme l'Arabie saoudite aiment investir.

Starmer espère encourager les investissements saoudiens dans les secteurs de l'énergie renouvelable et de l'énergie nucléaire au Royaume-Uni.

Starmer n'a pas été très exposé au monde arabe et toute visite de ce genre constitue donc un apprentissage considérable.

                                             Chris Doyle

Mais le Royaume-Uni est aussi le deuxième investisseur étranger en Arabie saoudite. Ses investissements en actions s'élèvent à 16 milliards de livres sterling. Quelque 52 entreprises britanniques ont établi leur siège régional dans la seule ville de Riyad. De nombreuses entreprises seront attirées par une multitude de secteurs en Arabie saoudite, notamment l'énergie, l'environnement et le tourisme.

Cette relation pourrait-elle s'épanouir? Oui, mais comme toute relation, elle doit être nourrie et nécessite un apport sincère. Le respect mutuel est essentiel. Starmer devra être à l'écoute des préoccupations et des ambitions de ses hôtes. Il ferait bien d'étudier les changements intervenus en Arabie saoudite et de considérer que les relations entre le Royaume-Uni et l'Arabie saoudite ne se limitent plus aux intérêts pétroliers et de défense, mais qu'elles offrent un éventail beaucoup plus large de possibilités. Il devrait se pencher sur l'augmentation de la part des femmes dans la main-d'œuvre, sur l'ouverture du pays et sur l'essor du tourisme et des projets culturels.

Dans le secteur de l'éducation, cinq écoles indépendantes britanniques ont ouvert des succursales en Arabie saoudite. L'université de Strathclyde est sur le point de devenir le premier établissement d'enseignement supérieur britannique à être présent dans le Royaume. Mais l'un des éléments les plus révélateurs est peut-être le fait que plus de 14 000 étudiants saoudiens étudient dans des universités britanniques.

Si Starmer souhaite réellement stimuler le volet commercial des relations entre le Royaume-Uni et l'Arabie saoudite, ses collègues et lui doivent établir des liens personnels plus étroits. C'est une chose que les hommes d'affaires britanniques ont dû apprendre au fil des ans: les liens à long terme fondés sur une dynamique personnelle permettent de progresser. Le Premier ministre devra mettre de côté les critiques internes selon lesquelles il voyage trop depuis son entrée en fonction. C'est important s'il souhaite promouvoir les intérêts commerciaux du Royaume-Uni.

Starmer n'a pas été très exposé au monde arabe et toute visite de ce genre constituera donc un apprentissage considérable. Les hommes politiques britanniques et d'autres personnes peuvent paraître distants par rapport à leurs homologues arabes. S'ils veulent prospérer sur ce marché, Starmer et son équipe doivent envisager les choses dans une perspective à long terme et dans le cadre d'une relation personnelle, pas seulement commerciale.

Chris Doyle est directeur du Council for Arab-British Understanding basé à Londres
X: @Doylech

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com