Le président français Emmanuel Macron devrait se rendre en Arabie saoudite, lundi, pour une visite d'État historique de trois jours, marquant l'engagement de haut niveau le plus important entre les deux nations depuis des décennies. La visite a lieu à l'invitation personnelle du prince héritier Mohammed ben Salmane.
Le statut officiel de visite d'État et la délégation inhabituellement importante accompagnant le président Macron mettent en lumière la nature exceptionnelle de cette mission diplomatique. Cette visite revêt une signification particulière à la lumière de cette période remarquable qui voit s'épanouir un partenariat stratégique et une amitié franco-saoudienne.
Les relations bilatérales ont connu des progrès constants ces dernières années, alimentés par une série de sommets de haut niveau entre les dirigeants des deux nations. Cette dynamique a vu le jour grâce à la visite charnière du prince héritier Mohammed ben Salmane en France en avril 2018, qui a posé les fondements d'une nouvelle ère dans les relations bilatérales, basée sur la durabilité et le développement de liens stratégiques fondés sur l'amitié, la compréhension et des partenariats motivés par des intérêts mutuels.
La dynamique s'est poursuivie avec des visites tout aussi importantes du prince héritier en France en juillet 2022 et en juin 2023, complétées par une visite du président Macron en décembre 2021 à Djeddah, où il a tenu des entretiens cruciaux avec le prince héritier. Au cours de ces rencontres, de nombreux sujets d'intérêt mutuel ont été abordés et plusieurs accords importants liés aux intérêts partagés des deux nations amies ont été signés, englobant des domaines vitaux tels que les questions politiques, sécuritaires, économiques, culturelles et sportives, ainsi que des discussions sur diverses questions régionales et internationales d'intérêt commun. Cette visite d'État représente le point culminant de ces échanges diplomatiques, qui s'appuient sur une longue histoire de coopération et de partenariat entre les deux nations et leurs peuples.
Sur le plan commercial, les rapports officiels indiquent que le volume des échanges bilatéraux a atteint 9,5 milliards d'euros en 2023, les exportations françaises ayant augmenté de 5% par rapport aux niveaux de 2022 pour atteindre 4,2 milliards d'euros. Les statistiques du Trésor français révèlent qu'en 2023, le Royaume était le premier exportateur vers la France et le deuxième importateur de France dans les régions du Moyen-Orient et du Proche-Orient. Les échanges commerciaux entre les deux nations s'orientent de plus en plus vers les biens stratégiques et d'équipement, en particulier dans des secteurs tels que l'aviation, l'aérospatiale, les énergies renouvelables, les soins de santé, les produits pharmaceutiques et les services de réadaptation. En outre, environ 400 entreprises françaises sont actuellement engagées dans des projets et des investissements conjoints avec le Royaume. Les entreprises et les hommes d'affaires saoudiens renforcent également leurs investissements et leurs partenariats avec la France.
Le président sera accompagné, lors de cette visite, d'une importante délégation commerciale et économique composée de PDG de grandes entreprises et de fabricants français qui sont soit des partenaires existants du Royaume, soit des entités cherchant à établir des partenariats. Si la présence d'entreprises et de marques françaises n'est pas nouvelle dans le Royaume, les dernières années ont été marquées par des avancées notables à la suite de la modernisation de la réglementation saoudienne en matière de commerce et d'investissement dans le cadre de la Vision saoudienne 2030, lancée sous le patronage du prince héritier en 2016.
La coopération s'étend à des secteurs précédemment inexplorés ou sous-développés, couvrant le tourisme, la fintech, la cybersécurité, les énergies renouvelables, les télécommunications, la technologie spatiale et l'intelligence artificielle.
Fahad Al-Ruwaily
Cette vision vise à instaurer un développement global et une renaissance humaine, en encourageant des partenariats durables qui procurent des avantages mutuels aux deux parties. Elle souligne également l'importance de la formation, des compétences et de l'échange d'expertise et de connaissances. La réglementation en matière d'investissement encourage l'établissement de sièges régionaux et de filiales pour les entreprises partenaires ou celles qui cherchent à créer des partenariats, leur permettant ainsi de tirer profit des avantages offerts par le Royaume, à savoir la stabilité, la capacité économique, des systèmes modernisés, une main-d'œuvre jeune et qualifiée, des infrastructures de pointe et une situation géographique stratégique.
Les entreprises françaises s'implantent rapidement en Arabie saoudite grâce à des partenariats fructueux et durables fondés sur le principe gagnant-gagnant. Récemment, de très nombreuses entreprises françaises ont inauguré des bureaux régionaux dans le Royaume afin de renforcer et d'étendre ces partenariats.
La coopération s'étend à des secteurs précédemment inexplorés ou sous-développés, couvrant le tourisme, la fintech, la cybersécurité, les énergies renouvelables, les télécommunications, la technologie spatiale et l'intelligence artificielle. Le partenariat englobe également des initiatives environnementales, notamment la conservation de la biodiversité et des écosystèmes, la protection des récifs coralliens et la préservation des habitats marins.
Bien qu'il soit difficile de couvrir tous les aspects de la coopération dans un bref article, si l'on considère uniquement le secteur de l'intelligence artificielle, une avancée majeure a eu lieu lors du sommet sur l'IA qui s'est tenu à Riyad en septembre dernier. Au cours dudit sommet, l'Arabie saoudite a annoncé des partenariats avec 40 entreprises françaises pionnières dans le domaine de l'intelligence artificielle. Ces collaborations, qui s'inscrivent dans le cadre du programme national de développement industriel et logistique, englobent le transfert de connaissances, les programmes de qualification, l'aide au démarrage et le financement de coentreprises.
Cette initiative s'appuie sur le protocole d'accord signé lors de la visite du président Macron en Arabie saoudite en décembre 2021, qui a posé les fondements d'une coopération institutionnelle, économique et scientifique dans les domaines des technologies émergentes, de l'IA et de l'innovation numérique.
Les dirigeants du Royaume soutiennent fermement ce secteur, devenu fondamental pour le développement durable dans le cadre de la quatrième révolution industrielle. Selon les rapports de l’Autorité saoudienne des données et de l’IA , environ 70% des objectifs de l'initiative Vision 2030 sont en lien avec l'IA et les données.
Une étape importante a été franchie en septembre dernier lorsque l'Arabie saoudite, l'Unesco et le Centre international de recherche et d'éthique de l'intelligence artificielle (ICAIRE) ont signé un accord tripartite. Le bureau de Riyad de l'ICAIRE est ainsi devenu un centre de catégorie 2 (CEC) sous l'égide de l'Unesco.
Le Royaume se classe parmi les nations qui progressent le plus rapidement dans ce domaine. Il se trouve désormais au 14e rang mondial dans l'indice de préparation à l'IA des Nations unies, occupe la 7e place dans les échanges commerciaux en matière d'IA et est en tête du monde arabe parmi les 83 nations évaluées. L'Arabie saoudite s'apprête à participer au prochain sommet sur l'IA qui se tiendra à Paris les 10 et 11 février, sous l'égide du président Macron. Selon le palais de l'Élysée, le sommet abordera des questions cruciales telles que l'impact environnemental de l'IA, la durabilité et la mise en place de cadres de gouvernance mondiale complets.
Cette visite revêt une importance exceptionnelle dans le contexte régional et international actuel, au premier rang duquel figure le conflit actuel à Gaza. Le nombre de victimes civiles ne cesse d'augmenter et les opérations militaires israéliennes se poursuivent, tandis que les négociations en faveur d'un cessez-le-feu demeurent dans l'impasse et que l'accès à l'aide humanitaire se heurte à des difficultés considérables. Les deux pays se sont engagés à redoubler d'efforts diplomatiques pour répondre à ces préoccupations urgentes. Dans le contexte libanais, les efforts diplomatiques internationaux, soutenus par l'Arabie saoudite et la France, ont abouti à un accord de cessez-le-feu, que les deux pays considèrent comme une étape potentielle vers la stabilité, la souveraineté et la sécurité à long terme du Liban. Le partenariat va au-delà de la diplomatie et s'étend à l'action humanitaire, à l'aide d'urgence et au soutien médical au peuple libanais.
S'appuyant sur les engagements pris lors de la visite du président Macron à Riyad en décembre 2021, les deux gouvernements ont créé un fonds humanitaire commun destiné à répondre aux besoins urgents du Liban, afin d'aider la population libanaise à traverser la crise actuelle.
Les gouvernements des deux pays coopèrent au moyen de consultations étroites sur les questions régionales et internationales d'intérêt commun. Ces consultations dépassent le cadre régional pour aborder des sujets tels que la guerre entre la Russie et l'Ukraine, sachant que les deux pays déploient des efforts considérables pour y mettre fin et parvenir à une solution politique. Ils encouragent également la coopération au niveau multilatéral avec d'autres pays et au sein d'organismes internationaux afin de relever les défis mondiaux qui nécessitent une telle coopération.
Il s'agit notamment des efforts de coopération internationale visant à lutter contre le terrorisme, l'idéologie extrémiste et les pensées discriminatoires et haineuses, à prévenir la prolifération des armes de destruction massive et à s'attaquer au changement climatique et à ses répercussions qui entraînent la sécheresse, la pénurie d'eau et la propagation de la désertification. Dans ce contexte, la visite coïncidera avec l'organisation conjointe du One Water Summit et de la COP16 sur la lutte contre la désertification.
Cela reflète un aspect de la coopération des deux pays dans ce domaine important pour faire face au changement climatique et à ses répercussions, car le Royaume était à l'avant-garde des pays qui ont participé aux négociations et signé l'accord de Paris sur le climat de 2015. En outre, les deux pays coopèrent à divers niveaux bilatéraux et multilatéraux à cet égard par l'intermédiaire du G20, dont ils sont tous deux membres, et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), basée à Paris, avec laquelle le Royaume a signé un protocole d'accord pour un partenariat stratégique lors du Forum de Davos.
Si la présence d'entreprises et de marques françaises n'est pas nouvelle dans le Royaume, les dernières années ont été marquées par des avancées notables à la suite de la modernisation de la réglementation saoudienne en matière de commerce et d'investissement dans le cadre de la Vision saoudienne 2030.
Fahad Al-Ruwaily
Le protocole d'accord prévoit de renforcer la coopération entre les deux parties dans plusieurs domaines, notamment l'économie, la gouvernance et la durabilité, et de coopérer par l'intermédiaire d'autres organisations internationales, en particulier les Nations unies et leurs agences compétentes. Parallèlement aux efforts du gouvernement, nous voyons également le secteur privé contribuer à cet aspect au moyen de partenariats et d'échange d'expertise.
La visite du président Macron coïncide également avec des évolutions significatives dans le cadre de la coopération entre les deux pays. L'événement le plus important est sans doute l'inauguration par le roi Salmane, mercredi dernier, du réseau de métro de Riyad – le plus grand projet de métro clé en main en une seule phase jamais entrepris – réalisant ainsi le projet présenté par le roi Salmane comme un futur projet vital lorsqu'il était encore gouverneur de Riyad et chef de la Haute Commission pour le développement d'Arriyadh. La construction du réseau a bénéficié d'une présence significative de la part de nos partenaires français et d'ingénieurs français possédant une grande expertise dans le domaine, le métro de Paris étant considéré comme le plus ancien du genre, le plus efficace et le plus célèbre au monde.
L'ancienne région d'AlUla, dans le nord de l'Arabie saoudite, est un autre exemple remarquable de partenariat franco-saoudien, mettant en valeur l'expertise collaborative dans les domaines de la culture, de l'archéologie, de la construction, du tourisme et de l'hôtellerie. Le succès de ce partenariat, formalisé dans un accord bilatéral de 2018, a été célébré lors d'une réunion ministérielle de haut niveau qui s'est tenue à Paris en novembre dernier.
La deuxième session du Comité ministériel franco-saoudien a fait l'éloge du niveau élevé de coopération atteint dans de multiples secteurs, en particulier en ce qui concerne la culture et le développement professionnel, tout en discutant des grands projets actuels et futurs. Parmi ces projets, citons la Villa Hegra, une institution culturelle franco-saoudienne dédiée aux arts et à la culture des deux nations. Le programme archéologique s'est avéré particulièrement fructueux, attirant 150 archéologues et chercheurs français sur le site depuis 2018. Le partenariat entre la Commission royale pour AlUla et l'Université Paris 1-Sorbonne a fait l'objet d'une reconnaissance particulière.
L'implication des entreprises françaises dans le développement de la région a également été saluée. Alstom est le fer de lance du développement du système de tramway d'AlUla, tandis que le Sharaan Resort, conçu par le célèbre architecte français Jean Nouvel, prend forme sous l'expertise du groupe Bouygues. La réunion ministérielle s'est accompagnée d'un important forum d'affaires réunissant les dirigeants des plus grandes entreprises saoudiennes et leurs homologues français, soucieux du partenariat entre les deux pays. Ils ont eu le plaisir d'être reçus par le Président Macron à l'Élysée, en présence du ministre saoudien des Investissements et de son homologue français.
Je souhaite au Président Macron et à la délégation qui l'accompagne un agréable séjour au sein du Royaume et une visite fructueuse qui contribuera à renforcer l'amitié et le partenariat entre les deux pays. Comme nous le disons en Arabie saoudite, «Ahlan Wa Sahlan Bikom»! (Soyez les bienvenus).
Fahad al-Ruwaily est l’ambassadeur du Gardien des Deux Saintes Mosquées auprès de la République française et de la principauté de Monaco. Il est également délégué permanent du Royaume auprès de l’Unesco.