L'Irak est confronté à une crise de l'eau d'une ampleur stupéfiante. Des températures extrêmes, des sécheresses prolongées et une gestion inadéquate de l'eau ont plongé le pays dans un état d'urgence.
Un rapport publié ce mois-ci par le Conseil norvégien pour les réfugiés souligne que le déclin agricole de l'Irak est aggravé par «des températures extrêmes et de longues périodes de sécheresse», obligeant une famille sur deux à cultiver moins de terres ou à utiliser moins d'eau en 2024 par rapport aux années précédentes. Le rapport met en lumière la façon dont ces défis affectent les revenus, les rendements des récoltes et la capacité des populations à se remettre de décennies d'instabilité.
La dépendance de l'Irak à l'égard de techniques d'irrigation dépassées a très probablement exacerbé la crise. Pas moins de 70% des agriculteurs dépendent encore d'une irrigation par inondation inefficace, malgré de graves pénuries d'eau.
Des années de conflit ont également plongé les infrastructures hydrauliques de l'Irak dans un état de délabrement qui les rend incapables de relever les défis actuels et futurs. La réduction des intrants agricoles a eu des conséquences économiques et sociales désastreuses. En outre, les communautés agricoles ont assisté à une baisse constante des récoltes de blé, de légumes et de fruits pour la deuxième année consécutive. Cette tendance a pour effet non seulement d'éroder les revenus des ménages, mais aussi d'accroître la vulnérabilité de millions de personnes à la faim et à la pauvreté. Sans une intervention urgente, l'Irak est confronté à une crise en spirale qui menace de déstabiliser les communautés rurales et d'aggraver les inégalités socio-économiques.
L'infrastructure vieillissante de l'eau en Irak nécessite une amélioration urgente et complète pour remédier à ses inefficacités.
Majid Rafizadeh
Pour résoudre la crise de l'eau en Irak, il faut une stratégie globale qui intègre les efforts de modernisation, d'investissement et de renforcement de la résilience, y compris la transition vers des techniques d'irrigation efficaces telles que les systèmes de goutte-à-goutte et d'arrosage. Cela permettrait de réduire considérablement le gaspillage de l'eau. La promotion de cultures résistantes à la sécheresse est une autre mesure essentielle pour garantir que l'agriculture puisse s'adapter à l'évolution des conditions climatiques.
L'infrastructure vieillissante de l'eau en Irak, qui comprend des réservoirs, des canaux d'irrigation et des réseaux de distribution, doit être améliorée d'urgence et de manière globale afin de remédier à ses inefficacités et à ses vulnérabilités. Des décennies de négligence et de conflit ont laissé ces systèmes essentiels en mauvais état, entraînant des pertes d'eau importantes qui exacerbent les défis posés par le changement climatique. La modernisation de ces infrastructures en investissant dans des installations de stockage avancées peut jouer un rôle central dans la gestion de l'eau. Ces installations pourraient permettre de capter et de conserver l'eau pendant la saison des pluies, garantissant ainsi un approvisionnement fiable pendant les périodes de sécheresse prolongées.
Il est tout aussi important de doter les agriculteurs des connaissances et des compétences nécessaires pour adopter des pratiques durables en matière d'utilisation de l'eau. Les programmes de formation sur les techniques agricoles modernes, les systèmes d'irrigation efficaces et la diversification des cultures pourraient réduire considérablement le gaspillage de l'eau dans l'agriculture, qui est le secteur qui utilise le plus grand volume d'eau en Irak. Pour encourager l'adoption généralisée de ces mesures, des initiatives gouvernementales offrant des incitations financières telles que des subventions ou des allègements fiscaux pour les pratiques de conservation de l'eau pourraient s'avérer très efficaces.
Parallèlement, la mise en place de cadres réglementaires solides est essentielle pour une distribution équitable de l'eau et une gestion efficace des ressources dans tout l'Irak. En l'absence de réglementation et de contrôle clairs, les litiges concernant l'accès à l'eau et la mauvaise gestion risquent de persister, mettant encore plus à l'épreuve un système déjà fragile. Ces cadres devraient inclure des mécanismes de suivi et de contrôle de l'utilisation de l'eau, imposer des pratiques durables et assurer une distribution équitable entre les secteurs urbains, ruraux et agricoles.
Il est important de souligner que la crise de l'eau en Irak n'est pas un problème isolé, mais un défi mondial qui nécessite un soutien international. Les puissances mondiales et les organisations internationales ont la responsabilité morale et pratique d'aider l'Irak à surmonter cette crise. Les puissances mondiales et les nations les plus riches, en particulier celles qui sont responsables d'importantes émissions de gaz à effet de serre, doivent partager la responsabilité du financement des projets de transformation en Irak.
Les puissances mondiales et les organisations internationales ont la responsabilité morale et pratique d'aider l'Irak à surmonter cette crise.
Majid Rafizadeh
Sue Clarke, directrice nationale du Conseil norvégien pour les réfugiés pour l'Irak, a souligné que «les plus grands pollueurs du monde, qui sont aussi parmi les plus riches, doivent partager la responsabilité collective d'investir dans des projets de transformation résistants aux changements climatiques dans des pays comme l'Irak».
Des organisations comme l'ONU et la Banque mondiale peuvent offrir une assistance technique pour moderniser les systèmes d'irrigation et les infrastructures hydrauliques de l'Irak. La communauté internationale doit reconnaître la charge disproportionnée qui pèse sur des pays comme l'Irak, qui subissent de plein fouet les effets du changement climatique alors que leur contribution aux émissions mondiales est minime. Cette reconnaissance devrait se traduire par un soutien tangible aux efforts d'adaptation de l'Irak.
Si des mesures immédiates ne sont pas prises, les conséquences pour l'Irak et l'ensemble de la région pourraient être catastrophiques. Tout d'abord, le déclin continu de l'agriculture entraînera une insécurité alimentaire généralisée, plongeant des millions de personnes dans la pauvreté et la faim. Les groupes vulnérables, notamment les populations déplacées, seront les plus touchés. Avec l'assèchement des ressources en eau et l'effondrement des moyens de subsistance, les pressions migratoires s'intensifieront, mettant à rude épreuve les centres urbains irakiens et les pays voisins.
En outre, la concurrence pour les ressources en eau pourrait aggraver les tensions au sein de l'Irak et avec les pays voisins, ce qui pourrait déboucher sur des conflits régionaux plus vastes. En outre, les difficultés de l'Irak pourraient perturber les chaînes d'approvisionnement alimentaire mondiales, exacerbant l'inflation des prix des denrées alimentaires et l'instabilité économique dans le monde entier. Enfin, la négligence prolongée de la gestion de l'eau accélérera la désertification, réduisant encore les terres arables et la biodiversité de l'Irak.
En conclusion, la crise de l'eau en Irak nous rappelle brutalement la nature interdépendante des défis climatiques. Si l'Irak doit prendre des mesures décisives pour moderniser ses systèmes d'approvisionnement en eau et adopter des pratiques durables, la communauté internationale a un rôle tout aussi important à jouer. Les puissances mondiales et les nations les plus riches doivent investir dans des projets de résilience climatique, jouer un rôle de médiateur dans les conflits régionaux et plaider en faveur de la justice climatique afin d'aider l'Irak à surmonter cette crise. Les enjeux sont trop importants pour être ignorés. L'inaction ne dévastera pas seulement l'Irak, mais entraînera aussi des répercussions considérables sur la région et le monde.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard.
X: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com