Il est préoccupant de constater qu'au Moyen-Orient, certains saluent les frappes menées par l'Iran contre Israël. D'autres ont également célébré les frappes de représailles d'Israël contre l'Iran le week-end dernier. Dans ces deux camps, un grand nombre de personnes semblent de plus en plus disposées à envisager l'idée d'une guerre totale – beaucoup semblent même souhaiter cela. Ce sentiment de fatalisme est sans doute un autre reflet de la perte de confiance en nous-mêmes, en notre société et en nos dirigeants, ainsi qu'en les institutions qui ont longtemps travaillé, mais souvent échoué, à étayer l'idée de liberté et de justice pour tous.
Plus d'un an s'est écoulé depuis les attentats du 7 octobre et le début de l'offensive israélienne de représailles à Gaza. Par ailleurs, la guerre de soutien au Hamas, lancée par des groupes alliés à l'Iran comme le Hezbollah au Liban et les Houthis au Yémen, s'est amplifiée. Au cours des quatre dernières semaines, des milliers de personnes ont été blessées et des centaines de milliers ont été déplacées au Liban. Alors que tous les efforts pour parvenir à un cessez-le-feu ont échoué, partout dans la région, les gens désespèrent et sentent le vide dans le leadership mondial.
Ce fatalisme est certainement omniprésent dans toutes les crises susmentionnées, qui ont également provoqué un sentiment de désespoir accru, car les gens ne voient pas la fin de l'état de guerre permanent au Moyen-Orient, de Gaza au Liban, sans oublier l'Irak, le Yémen, la Syrie et le Soudan. Cette situation reflète également une tendance mondiale au malaise général, qui confine à la fatalité et appelle à la fin de tout. Les dirigeants et les institutions sont de moins en moins dignes de confiance, alors que la confiance des citoyens dans leurs systèmes de gouvernement s'effrite de plus en plus. Cela conduit même à une perte de confiance dans l'éthique partagée du caractère sacré de la vie humaine et des réalisations historiques communes, ancrées dans la poursuite de la paix et du bonheur.
Ce manque de confiance universel s'est infiltré à travers des pensées populistes qui ont attisé les propos racistes et la peur de l'autre. Cela se manifeste par un isolationnisme ethnoreligieux croissant qui nous pousse presque à détruire tous les principes du droit et de l'ordre internationaux.
Partout dans la région, les gens désespèrent et sentent le vide dans le leadership mondial.
Mohamed Chebaro
Cette tendance n'est pas propre au Moyen-Orient arabe, où la question palestinienne de longue date continue d'alimenter la dépossession, le déplacement et le mécontentement. Les gens perdent alors confiance dans l'existence de la justice telle qu'elle est garantie par les lois humanitaires internationales et leur évolution au cours des siècles.
Dans le reste du monde, les événements n'ont fait qu'amplifier cette approche fataliste. Il suffit de voit la montée du populisme en Occident, qui était une forme de vote de protestation, devenu désormais la norme, reflétant la défaillance de l'État et l'intensification de la peur de l'avenir et des autres chez les gens. Nous vivons à une époque où les organes de l'État se sont efforcés de contrôler le récit au milieu de courants toxiques qui déversent le désespoir à chaque instant, stimulés par un algorithme de réseaux sociaux autodestructeur qui se nourrit de l'amplification de faux récits et de mensonges éhontés à des fins lucratives, même si ces outils ont érodé la paix et la cohésion de la société.
Dans ce contexte, le fatalisme a soudainement commencé à se manifester dans les pays développés et moins développés, car un sentiment d'incertitude et une confiance plus faible que d'habitude dans les politiciens et l'État ont conduit les gens à soutenir une refonte totale du paysage politique. Ils rejettent les normes et les valeurs qui régissent les relations entre les gouvernés et leurs gouvernants, en acceptant par exemple des approches populistes erronées qui s'expriment ensuite par un rejet total du statu quo, même si les alternatives ne sont manifestement pas de nature à atténuer leur désespoir.
Ils rejettent les normes et les valeurs qui régissent les relations entre les gouvernés et leurs gouvernants.
Mohamed Chebaro
Non loin de moi, le vote du Royaume-Uni en faveur du Brexit a été l'une de ces incursions dans l'inconnu, malgré la futilité évidente du projet, qui a encore appauvri l'État et sa population. Donald Trump, l'exemple le plus clair de la montée du populisme, est un autre cas qui reflète l'impact négatif sur les moyens de subsistance des classes populaires. Leur sécurité financière et leur sentiment d'appartenance à une communauté ont été détruits, provoquant colère et ressentiment et entraînant un rejet total de l'establishment politique et de l'État de droit qui régit la vie et la richesse dans les pays développés depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les attentats du 7 octobre et la guerre de représailles menée par Israël ont malheureusement servi à réveiller les craintes existentielles des Israéliens, qui étaient en berne depuis des décennies. La guerre a réaffirmé, pour de nombreux habitants de la région arabe, la conclusion erronée à laquelle ils étaient parvenus depuis longtemps, à savoir que les vies des Palestiniens, des Arabes et des musulmans valent moins que les autres. C'est pourquoi beaucoup ont été enclins à s'abandonner au fatalisme et à souhaiter que la guerre s'étende et détruise tout, dans l'espoir que cela favoriserait une solution et mettrait finalement fin à leurs souffrances.
Au Moyen-Orient et dans le monde entier, nombreux sont ceux qui pensent qu'une guerre totale serait une sorte de solution, mais ils ne devraient pas être si sûrs. Le théoricien de la guerre Carl von Clausewitz a écrit au début du XIXe siècle que chaque époque a «son propre type de guerre, ses propres conditions restrictives et ses propres idées préconçues». Les guerres et les conflits commencent, mais personne ne peut contrôler leur puissance ou leurs répercussions. Il est inconcevable que les guerres puissent mettre fin à la souffrance ou éliminer les adversités. Seuls la diplomatie, l'engagement et les compromis raisonnables peuvent mettre fin aux conflits, aussi insaisissables soient-ils. Pour la Palestine et Israël, seul un réengagement en faveur d'une solution à deux États ou de toute autre formule raisonnable peut remplacer le fatalisme des gens par l'espoir.
Mohamed Chebaro est un journaliste anglo-libanais, consultant en médias et formateur. Il a plus de vingt-cinq ans d’expérience dans la couverture de la guerre, du terrorisme, de la défense, de l’actualité et de la diplomatie.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com