L'Iran et Israël: des armées redoutables, des atouts différents

Alors que les tensions entre Israël et le gouvernement iranien s'intensifient, le conflit dépasse la simple guerre asymétrique pour s'orienter vers des frappes directes sur le sol de l'autre partie. Cette nouvelle phase d'hostilités suscite des inquiétudes quant aux capacités militaires des deux pays, alors que les analystes et les experts évaluent les forces et les faiblesses de leurs forces armées.

Pour comprendre toute la portée de la confrontation potentielle, il est essentiel de reconnaître que toute guerre entre ces deux nations ne les dévasterait pas seulement, mais pourrait également attirer d'autres acteurs régionaux et mondiaux, y compris des acteurs étatiques et non étatiques. L'importance stratégique d'Israël et de l'Iran fait de ce conflit un déclencheur potentiel d'une instabilité régionale plus large.

Les capacités militaires peuvent être analysées à travers plusieurs catégories qui révèlent l'état de préparation opérationnelle et la puissance stratégique d'une nation. Ces catégories fournissent un cadre pour évaluer la comparaison entre Israël et l'Iran.

Le budget de la défense d'un pays est un indicateur crucial de sa puissance militaire et de ses priorités. Il reflète les ressources consacrées au développement et à l'entretien des actifs militaires, tels que le personnel, la technologie et les systèmes d'armes.

Le budget de la défense d'Israël est nettement supérieur à celui de l'Iran, grâce à l'aide militaire considérable des États-Unis.

                                                    Majid Rafizadeh

Le budget de la défense d'Israël est nettement supérieur à celui de l'Iran et bénéficie d'une aide militaire considérble des États-Unis. Les dépenses annuelles d'Israël en matière de défense s'élèvent actuellement à 23,4 milliards de dollars (1 dollar = 0,92 euro), auxquels s'ajoutent 3,18 milliards de dollars par an fournis par les États-Unis dans le cadre d'un accord conclu il y a dix ans. Ce soutien financier permet à Israël de se procurer des systèmes d'armes avancés, tels que le Dôme de fer et les avions de combat furtifs F-35, ce qui signifie qu'il est très probablement la force supérieure sur le plan technologique.

L'Iran dépense beaucoup moins en raison des sanctions internationales et des contraintes économiques. Ses dépenses de défense pour 2023 ont été estimées à 10,3 milliards de dollars, bien qu'elles puissent être plus élevées en raison de fonds non divulgués utilisés pour le Corps des gardiens de la révolution islamique. L'Iran compense son faible budget en s'appuyant sur des tactiques asymétriques, telles que l'utilisation de mandataires et le déploiement de forces de missiles capables de frapper ses adversaires régionaux.

Les effectifs sont une composante essentielle de la puissance militaire. En termes de personnel actif, Israël maintient environ 170 000 soldats dans ses forces de défense, avec une force de réserve qui peut être rapidement mobilisée, ce qui porte le total des effectifs militaires potentiels à environ 465 000. L'armée israélienne est très bien entraînée, le service militaire obligatoire garantissant un approvisionnement constant en soldats bien préparés. Toutefois, les effectifs disponibles de l'Iran dépassent largement ceux d'Israël. On estime à 587 000 le nombre de militaires actifs répartis entre l'armée régulière, le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) et les forces paramilitaires.

Le CGRI, une institution puissante au sein de l'Iran, supervise également les forces mandataires régionales du pays, ce qui lui permet d'étendre sa portée militaire au-delà de ses frontières. En termes de préparation des forces, cependant, les deux pays sont généralement considérés comme entraînés et équipés grâce à des engagements continus et à des programmes d'entraînement modernes.

En ce qui concerne les systèmes d'armes, Israël semble bénéficier d'un avantage technologique, en particulier en termes de puissance aérienne. Il possède 339 avions de combat, dont des F-35 et des F-16, ainsi que divers drones de pointe, ce qui lui permet de maintenir sa supériorité aérienne dans la région. Israël dispose également de systèmes de défense antimissile de pointe, tels que le Dôme de fer, la Fronde de David et l'Arrow, qui peuvent intercepter des missiles à courte et moyenne portée. Son réseau logistique est robuste, assurant une mobilité et un déploiement rapide des forces.

L'Iran compense son manque de supériorité aérienne par un vaste arsenal de missiles balistiques, notamment le Shahab-3 et le Fateh-110, qui sont capables d'atteindre des cibles dans tout le Moyen-Orient. L'Iran dispose également d'une capacité croissante en matière de drones et s'appuie fortement sur sa capacité à déployer des tactiques de guerre asymétriques. Ses capacités logistiques, bien qu'elles ne soient pas aussi avancées que celles d'Israël, sont renforcées par son réseau de mandataires régionaux, en particulier au Liban, en Irak et en Syrie.

Sur le plan géographique, l'Iran dispose d'un avantage stratégique en raison de sa situation le long du détroit d'Ormuz, une voie d'eau vitale par laquelle transite une part importante de l'approvisionnement mondial en pétrole. En cas de conflit, l'Iran pourrait menacer ou perturber l'approvisionnement mondial en pétrole en bloquant ou en attaquant des navires dans cette région. Israël, quant à lui, a une empreinte géographique plus réduite, mais sa proximité avec d'autres pays lui permet de projeter rapidement sa puissance militaire au Moyen-Orient.

L'Iran dispose d'une capacité croissante en matière de drones et s'appuie fortement sur sa capacité à déployer des tactiques de guerre asymétriques.

                                                        Majid Rafizadeh

L'un des principaux avantages de l'Iran est sa capacité à tirer parti de ses mandataires régionaux. Israël, quant à lui, bénéficie de ses alliances étroites avec les États-Unis, qui lui garantissent une technologie militaire supérieure et un soutien en matière de renseignement.

En termes de sophistication technique, l'armée israélienne est considérée comme l'une des plus avancées au monde. Ses services de renseignement, ses cybercapacités et ses armes à guidage de précision lui confèrent un avantage qualitatif dans la guerre moderne. Israël est également considéré comme l'un des meilleurs pays du monde en termes de technologie de défense antimissile, de guerre électronique et de collecte de renseignements, avec l'appui de la technologie satellitaire. De son côté, l'Iran, bien qu'il ne soit pas à la hauteur des technologies avancées d'Israël, a fait des progrès considérables dans le développement de ses propres technologies de défense.

Les capacités de cyberguerre de l'Iran se développent et sa technologie de missiles est considérée comme l'une des plus avancées de la région. Bien qu'il n'ait pas la sophistication de l'armée israélienne, l'Iran compense par le nombre de ses missiles et sa capacité à perturber ses ennemis par une guerre non conventionnelle.

Enfin, les alliances et les partenariats jouent un rôle essentiel dans le développement des capacités militaires. Le principal allié de l'Iran, la Russie, lui fournit depuis des années des équipements militaires et un soutien politique. Mais l'implication de Moscou en Ukraine a quelque peu limité sa capacité à se concentrer sur le Moyen-Orient. Téhéran entretient également des liens avec la Chine, bien que cette relation semble moins axée sur le soutien militaire. Israël, en revanche, bénéficie d'une alliance sans pareille avec les États-Unis, qui lui fournissent à la fois du matériel militaire et un soutien politique. En cas de conflit, le soutien américain à Israël pourrait faire pencher la balance en sa faveur, comme on l'a vu lors de guerres précédentes.

En conclusion, si une guerre totale entre Israël et l'Iran serait dévastatrice pour ces deux pays et pour l'ensemble de la région, leurs capacités militaires révèlent des forces et des faiblesses différentes. Les deux pays restent redoutables, mais leurs stratégies et leurs doctrines militaires reflètent des approches très différentes de la guerre.

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard.

X: @Dr_Rafizadeh

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com