Alors que le Moyen-Orient échappe à tout contrôle et qu’un train fou appelé Netanyahou agit sans garde-fou, la question qu’il convient de se poser est de savoir qui est responsable de la mort continue d’enfants et de l’absence de paix, du piégeage d’équipements technologiques et de leur explosion dans les épiceries et les hôpitaux, ainsi que de la destruction de bâtiments civils et de tous leurs occupants. Et qui est responsable des 180 missiles balistiques iraniens qui ont violé l’espace aérien de plusieurs pays arabes en direction d’Israël?
Il n’est pas facile d’imputer à un pays aussi éloigné que les États-Unis la responsabilité de ce qui se passe au Liban et ailleurs dans la région, mais l’administration Biden ne peut plus se soustraire à la responsabilité de son rôle de complice.
Biden, qui a refusé pendant des mois de voter en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza (alors qu’il en soutenait un en Ukraine), a finalement présenté un plan en juin dernier et obtenu l’approbation du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce plan a été accepté par le Hamas et par Israël, qui a alors décidé de déplacer la barre. Les États-Unis ont demandé au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou de ne pas entrer à Rafah, ce à quoi il a répondu en occupant l’ensemble du corridor de Philadelphie à la frontière avec l’Égypte, en violation de l'accord de Camp David conclu sous l’égide des États-Unis. Qu’ont fait les États-Unis? Ils ont envoyé plus d’armes à Israël.
Ils ont envoyé le chef de la CIA, le secrétaire d’État et le conseiller à la sécurité nationale en Égypte et au Qatar pour aider à négocier un plan de paix pour Gaza, mais ils n’ont pas réussi à changer le point de vue israélien.
Pour ne rien arranger, le belliciste Netanyahou a demandé et semble avoir reçu l’approbation de Washington pour décimer le Hezbollah. Le résultat a été de piéger et de faire exploser des bipeurs et des talkie-walkies, dont certains se trouvaient dans des maisons, des épiceries ou des hôpitaux. Des civils libanais, dont des enfants et du personnel médical, ont été tués. Mais l’appétit israélien n’est toujours pas satisfait car des habitants ont été déplacés de leurs maisons à la frontière avec le Liban.
Une fois de plus, les États-Unis ont approuvé une attaque “limitée” contre le Liban – ce qui rappelle l’affirmation d’Ariel Sharon en 1982 selon laquelle Israël n’occuperait qu’environ 65 km dans le sud du Liban, et qui a fini par assiéger Beyrouth. Israël est resté une puissance occupante jusqu’en 1989, lorsqu’il a été mis en déroute par les successeurs de l’OLP modérée, le Hezbollah.
Et où sont les États-Unis dans tout cela ? Nulle part. Biden est incapable de forcer son propre allié à accepter ce qu’il avait déjà accepté en juin, à savoir un accord de cessez-le-feu global en trois phases pour mettre fin à la guerre à Gaza.
Israël insiste sur le fait que le Hezbollah est une nuisance pour les Israéliens qui ont été contraints de vivre dans des hôtels plutôt que dans leurs maisons. Le chef du Hezbollah, aujourd’hui décédé, bien que fâché par l’attaque du pager, a continué à faire connaître sa position: les attaques en provenance du Liban cesseraient si un accord était conclu sur Gaza.
S’il est une chose sur laquelle les Israéliens s’accordent, c’est sur le fait que Hassan Nasrallah était bien plus digne de confiance que leur propre Premier ministre. Netanyahou lui-même compte là-dessus, si les hostilités se terminent par un accord. Mais le problème est que les Israéliens veulent dissocier tout accord au Liban et à Gaza.
L’escalade militaire israélienne peut sembler avoir pour but de ramener la paix dans le nord d’Israël, mais il s’agit en réalité d’une manœuvre sinistre du premier ministre pour réaliser son rêve. Après avoir poussé l’administration Bush à éliminer Saddam Hussein sur la base d’une accusation fabriquée de toutes pièces, le dirigeant israélien qui persuadé Donald Trump de déchirer un accord qui limitait le développement nucléaire de l’Iran veut maintenant plus: il veut une guerre avec l’Iran, et sait que dans ce cas, Washington n’aurait d’autre choix que de défendre Israël. En outre, lorsqu’Israël a assassiné sur le sol iranien souverain la personne même avec laquelle il négociait, il a fait monter les enchères. Et si l’Iran n’a pas réagi directement, son allié au Liban l’a fait.
Heureusement, l’Iran et, dans une moindre mesure, le Hezbollah ne se laisseront pas entraîner dans une telle guerre, mais les États-Unis ont un réel problème au Liban et ils ne peuvent pas continuer à rester les bras croisés, ni même à envoyer des émissaires de haut niveau sans leur donner les véritables outils pour mettre un terme à cette folie.
Les otages israéliens, comme les dizaines de milliers de prisonniers palestiniens détenus par Israël sans jugement ni inculpation et privés des visites de la Croix-Rouge, doivent être libérés. Les Israéliens doivent se retirer de Gaza et un effort sincère doit être immédiatement déployé pour mettre fin à 57 ans d’occupation du territoire palestinien.
L’escalade militaire au Liban peut être arrêtée rapidement si l’administration Biden agit avec détermination et utilise tous les moyens politiques à sa disposition, y compris un embargo sur les armes et des sanctions si nécessaire, pour amener les Israéliens à accepter un cessez-le-feu à Gaza. Cela mettrait immédiatement fin aux attaques du Hezbollah et les Israéliens comme les Libanais pourraient rentrer chez eux. Nous pouvons revenir à la paix et à la tranquillité si Joe Biden parvient à convaincre Netanyahou de mettre en œuvre un cessez-le-feu et de commencer l’échange de prisonniers palestiniens et d’otages israéliens.
Une telle action décisive devrait être immédiatement suivie d’efforts considérables pour résoudre la question palestinienne. Les États-Unis ne peuvent pas demander aux parties de résoudre leurs propres problèmes par la négociation alors que l’une d’entre elles, Israël, refuse publiquement de négocier.
L’occupation et les implantations coloniales, qui durent depuis des décennies, ont été déclarées illégales par la plus haute juridiction du monde et par l’Assemblée générale des Nations unies. Il est grand temps de trouver une solution juste et permanente afin que les peuples d’Israël et de Palestine puissent vivre en paix.
Daoud Kuttab est un ancien professeur à l'université de Princeton et le fondateur et ancien directeur de l'Institut des médias modernes de l'université Al-Quds à Ramallah.
X: @daoudkuttab
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com