Combien de fois les observateurs s'émerveillent-ils de l'efficacité technique et du succès des opérations israéliennes, tout en demeurant perplexes face à la nature du jeu à long terme et aux résultats obtenus? L'opération de la semaine dernière visant à faire exploser des milliers de bipeurs et d'autres appareils électroniques au Liban a été remarquable, bien que terrifiante et sanglante.
Les chefs du Mossad seront indéniablement ravis. À court terme, le Hezbollah aura été compromis, ses communications exposées et infiltrées. Ses capacités seront désormais réduites. Le groupe armé est vulnérable, sa confiance est ébranlée.
Israël peut également affirmer qu'il a montré qu'il avait rétabli la dissuasion. Israël gagne ainsi un temps précieux, mais l'utilisera-t-il de manière constructive?
Les Israéliens croient trop souvent à la propagande de leur propre gouvernement. Les porte-parole israéliens peuvent prétendre que les attaques de bipeurs étaient toutes très ciblées, mais la réalité est que les Libanais de tous bords y voient une attaque qui a fait de nombreuses victimes, une attaque qui était loin d'être chirurgicale et qui a terrifié toute une population, les gens ayant désormais peur de leurs propres appareils et de ce qui va se passer par la suite. Les Israéliens peuvent croire à la version officielle selon laquelle l'anéantissement de Gaza est pleinement justifié, mais ceux qui en sont victimes connaissent la vérité. De nombreux habitants de Gaza auront été imprégnés d'une haine qui s'étendra sur plusieurs générations. Le Hamas et le Hezbollah n'auront plus de problème de recrutement à l'avenir.
Les Israéliens peuvent croire à la version officielle selon laquelle l'anéantissement de Gaza est pleinement justifié, mais ceux qui en sont victimes connaissent la vérité.
-Chris Doyle
Où tout cela nous mènera-t-il? La paix et la sécurité seront-elles instaurées? Des dizaines de milliers d'Israéliens et de Libanais pourront-ils rentrer chez eux?
Dans l'ensemble, Israël n'a pas réussi à se faire accepter dans la région après plus de 75 ans. Il accuse ses adversaires, mais à quel moment cela devient-il un simple prétexte?
Le Hezbollah a vu le jour dans l'enfer de l'invasion israélienne du Liban en 1982, il y a 42 ans. Jusqu'au retrait israélien du Liban-Sud en 2000, pour de nombreux Libanais, le Hezbollah avait un rôle légitime à jouer dans la résistance à cette occupation.
De même, le Hamas a été créé dans les premiers jours de la première Intifada, qui a éclaté à Gaza en décembre 1987. Il peut lui aussi revendiquer un rôle de résistance.
Dans les deux cas, Israël n'est pas seulement confronté aux mêmes adversaires, mais à des adversaires considérablement plus puissants, plus riches et mieux organisés qu'à l'époque. On peut se demander à quel moment les Israéliens intelligents et clairvoyants remettent en question l'approche unique de leur pays, fondée exclusivement sur la force.
On assiste à la même tendance avec l'Iran. Sur le plan opérationnel, l'assassinat en juillet d'Ismaïl Haniyeh à Téhéran, à l'occasion de l'investiture du président iranien, était à la fois audacieux et brillamment exécuté. Comme pour les opérations au Liban, aucun agent israélien n'a été identifié ou photographié.
Mais qu'a réellement accompli Israël, si ce n'est rappeler au monde qu'il dispose d'importantes capacités que l'Iran et le Hezbollah ont peut-être sous-estimées ces dernières années? L'assassinat du principal négociateur des pourparlers de cessez-le-feu à Gaza doit être considéré comme une escalade.
L'agression israélienne contre l'Iran a donné aux partisans de la ligne dure les moyens de s'engager encore plus sur la voie du nucléaire.
-Chris Doyle
Il s'agit également d'une croyance inébranlable qu'il existe des solutions militaires, malgré les preuves du contraire. Le Hamas et le Hezbollah ont démontré, à maintes reprises, que les dirigeants assassinés pouvaient être remplacés. Souvent, leurs remplaçants sont encore plus intransigeants. La plupart des gens s'accordent à dire que Yahya Sinwar est plus intransigeant que son prédécesseur.
La stratégie israélienne a-t-elle permis d'empêcher l'Iran de se doter d'armes nucléaires? Le Premier ministre Benjamin Netanyahou n'a qu'un seul moyen d'action: l'escalade. En 2010, Israël a déployé le code malveillant Stuxnet pour saboter des éléments de l'installation nucléaire iranienne de Natanz. Cela a certainement provoqué la régression du programme nucléaire iranien, tout comme l'assassinat d'un grand nombre d'experts dans le domaine.
Pourtant, aujourd'hui, l'Iran est un État nucléaire dit «du seuil». L'agression israélienne contre l'Iran a donné aux partisans de la ligne dure les moyens de s'engager encore plus sur la voie du nucléaire. Était-ce vraiment dans l'intérêt d'Israël ou de la région?
Le mouvement des colons, en revanche, a une stratégie. La plupart des événements ne sont pas le fruit du hasard, mais se concentrent sur des communautés spécifiques que les colons veulent expulser par la force et sur des ressources qu'ils veulent contrôler. Le mouvement sait quelles colonies et quels vols de terres rendront un État palestinien moins probable. À Jérusalem, le cercle intérieur des colonies autour de la vieille ville est conçu pour isoler les Palestiniens – musulmans et chrétiens – des principaux lieux saints et historiques, pour les repousser à la périphérie de la ville et, idéalement, à l'extérieur.
Le recours à la force est également une accusation qui peut être portée contre le Hamas et le Hezbollah. Laquelle de leurs actions militaires a réellement apporté la liberté et les droits aux Palestiniens? Combien de centimètres de la Palestine ont été libérés par des tirs de roquettes?
Cependant, Israël, avec toutes ses capacités, ses alliances diplomatiques et sa puissance économique, dispose de bien plus d'options. Il dispose d'institutions universitaires, de groupes de réflexion et de recherche – un véritable appareil intellectuel pour envisager ces options à long terme.
Mais il est difficile de déterminer ce que veulent les futurs dirigeants israéliens. Mettre le feu à la région, c'est aussi courir le risque de se brûler soi-même. Il est temps que les dirigeants israéliens réfléchissent longuement à la possibilité de s'engager auprès de leurs voisins de manière pacifique et non expansionniste. Ce serait un changement bienvenu par rapport à un Israël qui baigne constamment dans des succès tactiques, mais des échecs stratégiques.
Chris Doyle est directeur du Council for Arab-British Understanding basé à Londres.
X: @Doylech
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com