BAKOU : À deux jours de la fin de la conférence de l'ONU sur le climat, les délégués de pays africains et en développement demandent aux États riches de mettre sur la table un chiffre pour leur aide financière, mais les Européens ne semblent pas prêts à abattre leurs cartes.
Un projet d'accord doit être publié mercredi soir dans la nuit de mercredi à jeudi (mercredi 20 heures GMT) pour faire avancer les négociations entre près de 200 pays.
Cependant, comme l'a prévenu Jennifer Morgan, la négociatrice allemande, ce sera peut-être « au petit matin ».
Les pays en développement s'impatientent, par la voix du président du groupe G77+Chine, qui regroupe plus de 130 pays.
« C'est le silence radio de la part des pays développés, il n'y a aucun plan détaillé ni engagement », a dénoncé Adonia Ayebare, le président du groupe. « On a besoin d'un chiffre ».
Le diplomate ougandais réclame un texte partant des 1 300 milliards de dollars de besoin annuel des pays en développement, charge ensuite aux États de négocier comment le financer exactement.
« C'est maintenant que la partie la plus dure commence », a admis mercredi le coordinateur azerbaïdjanais des négociations, Ialtchine Rafiev.
Les points de blocage restent très nombreux car le texte final doit équilibrer de multiples sujets : la finance, mais aussi la manière d'accélérer la réduction des gaz à effet de serre.
« La pente est raide », a concédé le négociateur de l'Union européenne, Wopke Hoesktra, les traits tirés. « Mais on ne ménage pas nos efforts. »
Un négociateur chevronné s'attend déjà à un ultime texte vendredi soir, à la toute dernière heure.
Le manque de progrès nourrit les frustrations des uns et des autres dans les couloirs surchauffés du stade de Bakou.
« Aucune avancée n'a pu être réalisée sur la plupart des sujets clés, et nous avons désormais des textes plus longs et plus complexes qui rendront les décisions encore plus difficiles », a déploré mercredi le représentant français, Kevin Magron.
- « Inimaginable » -
Combien devront fournir les pays développés par an, dans le nouvel objectif financier ? Leur engagement actuel est de 100 milliards par an.
« Nous avons entendu trois propositions (...) de 900 milliards, 600 milliards et 440 milliards », a déclaré l'Australien Chris Bowen, résumant ainsi les consultations menées ces derniers jours avec les différents pays par lui-même et l'Égyptienne Yasmine Fouad.
Les deux derniers chiffres sont des demandes anciennes de l'Inde et du Groupe arabe, décrypte une observatrice.
« Tous les pays en développement sont d'accord pour dire qu'il faut au minimum 600 milliards par an de fonds publics de la part des pays riches », résume à Bakou Iskander Erzini Vernoit, de l'institut marocain IMAL.
Quant aux rumeurs de « couloirs » de 200 milliards, le négociateur en chef bolivien Diego Pacheco a simplement réagi : « C'est une blague ? »
- « Préoccupant » -
Les pays développés attendent en fait jusqu'au dernier moment pour proposer un engagement financier.
Les Européens, très attendus après l'élection de Donald Trump, multiplient les rencontres. Ils affichent également leur coopération avec la Chine : l'Allemande Jennifer Morgan a déambulé mardi soir dans les couloirs des délégations en compagnie de l'émissaire chinois pour le climat, Liu Zhenmin.
Les Vingt-Sept ne sont cependant pas forcément d'accord entre eux, selon certaines sources.
« Ce qui est préoccupant, c'est qu'en ce moment personne ne met un chiffre sur la table », déplore auprès de l'AFP Susana Muhamad, la ministre colombienne de l'Environnement. « Il n'y a rien sur quoi négocier », s'impatiente-t-elle.
« Je ne vois pas l'intérêt de discuter de ces choses publiquement avant d'avoir établi les bases », rétorque Wopke Hoekstra.
Les pays riches réclament d'abord de savoir comment leur argent public sera associé à d'autres sources de financement (fonds privés, taxes mondiales nouvelles, etc.). Ils veulent également s'assurer que l'argent ira vraiment aux plus vulnérables.
« Il faut aussi élargir la base de contributeurs, car des pays qui étaient pauvres en 1990 ont aujourd'hui un niveau de vie qui se rapproche beaucoup - et dans certains cas dépasse - celui des pays européens les plus pauvres », explique à l'AFP le ministre danois du Climat, Lars Aagaard.