La sécurité mondiale est en jeu au moment où l'Iran s’apprête à frapper

L’ayatollah Ali Khamenei aurait ordonné des représailles contre Israël. Le Guide suprême iranien a qualifié l’assassinat d’acte intolérable exigeant une riposte implacable. (AFP)
L’ayatollah Ali Khamenei aurait ordonné des représailles contre Israël. Le Guide suprême iranien a qualifié l’assassinat d’acte intolérable exigeant une riposte implacable. (AFP)
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Publié le Lundi 05 août 2024

La sécurité mondiale est en jeu au moment où l'Iran s’apprête à frapper

La sécurité mondiale est en jeu au moment où l'Iran s’apprête à frapper
  • L’élimination d'Ismaïl Haniyé, figure de proue du Hamas, sur le sol iranien, apparemment avec une bombe dissimulée dans une résidence, a probablement servi de catalyseur pour de nouvelles confrontations
  • Pour le régime iranien, cette attaque représente une provocation flagrante nécessitant une riposte musclée

L’apaisement observé entre Israël et l’Iran n'est qu'un voile ténu masquant des tensions profondes et persistantes. Si les affrontements directs ont momentanément cessé, les causes fondamentales du conflit demeurent intactes, créant une situation hautement volatile.

L’élimination d'Ismaïl Haniyé, figure de proue du Hamas, sur le sol iranien, apparemment avec une bombe dissimulée dans une résidence, a probablement servi de catalyseur pour de nouvelles confrontations directes. L'onde de choc de cet événement risque de propulser le conflit vers des sommets inédits.

Pour le régime iranien, cette attaque représente une provocation flagrante nécessitant une riposte musclée. L’objectif est double: prévenir toute future agression et préserver l’aura de puissance de l’Iran, tant au niveau régional que mondial. L’establishment iranien, avec à sa tête le Guide suprême Ali Khamenei, a promis des représailles pour venger la mort de Haniyé. Dans leur perception, cet assassinat constitue une remise en cause frontale de leur autorité.

L’ayatollah Ali Khamenei aurait ordonné des représailles contre Israël. Le Guide suprême iranien a qualifié l’assassinat d’acte intolérable exigeant une riposte implacable. Dans la foulée, les Gardiens de la révolution islamique ont relayé ce message belliqueux. L’élite militaire du régime a promis une vengeance cinglante, laissant présager des actions punitives d’envergure.

Ce discours belliqueux s'inscrit dans la stratégie globale de l’Iran, visant à affirmer sa puissance sur l’échiquier régional et international. Le niveau d’alerte élevé et les promesses publiques de représailles témoignent d’une montée en puissance rhétorique et laissent présager des actions concrètes imminentes. Cette escalade verbale n’est pas anodine. Elle souligne la gravité de la crise actuelle.

Une riposte énergique s’impose aux yeux des dirigeants iraniens pour plusieurs raisons stratégiques. D’abord, il s'agit de réaffirmer la puissance de l’Iran sur la scène internationale. Ensuite, cette démonstration de force vise à préserver leur crédibilité, tant auprès de leur propre population que de leurs alliés dans la région. Une réaction jugée trop timorée risquerait d’être perçue comme un aveu de faiblesse, fragilisant l’influence iranienne dans la région.

Un conflit à grande échelle avec Israël impliquerait probablement les États-Unis, mettant davantage à l’épreuve les ressources de l’Iran. - Dr Majid Rafizadeh

Face à cette situation tendue, l'Iran dispose d'un éventail d’options pour riposter. Une stratégie probable serait de coordonner des actions offensives contre Israël en s’appuyant sur son réseau d’alliés régionaux. Le Hezbollah libanais apparaît comme le partenaire de choix pour une telle opération. Cette hypothèse gagne en crédibilité à la lumière des récentes déclarations de Hassan Nasrallah. Le leader du Hezbollah a en effet promis de venger la mort de Fouad Chokr, figure éminente de l’organisation. Cette rhétorique vindicative témoigne d’une disposition à durcir le ton et à passer à l’action.

Un autre scénario envisageable verrait l’Iran opter pour une confrontation directe avec Israël, en mobilisant son arsenal sophistiqué de drones et de missiles balistiques. Cette stratégie s’inscrirait dans la continuité des opérations menées par Téhéran, rappelant notamment les frappes de missiles d’avril dernier. Cependant, cette option comporte des risques majeurs qu'il convient de souligner. Des frappes directes contre Israël pourraient rapidement mener à une escalade incontrôlée.

Une troisième option stratégique se dessine: une offensive conjointe menée par l’Iran et le Hezbollah. Cette approche permettrait aux deux alliés de satisfaire simultanément leurs désirs de vengeance respectifs. Une telle coordination augmenterait considérablement l’envergure et l’impact des attaques. En s’appuyant sur le Hezbollah, Téhéran pourrait exploiter l’expertise opérationnelle du groupe libanais pour renforcer ses objectifs stratégiques. Cette stratégie illustre parfaitement la complexité des alliances régionales. Elle met en lumière la complexité de coordonner une attaque sur plusieurs fronts.

Le rôle de Washington dans ce conflit croissant mérite une attention particulière. L’administration Biden paraît déterminée à éviter un conflit majeur. Lors d’affrontements antérieurs, les forces américaines ont réussi à intercepter un grand nombre de projectiles iraniens ciblant Israël. Face à l’aggravation des tensions, il est probable que les États-Unis se tiennent prêts à contrer d’éventuelles offensives iraniennes. Leur intervention sera sans doute décisive pour limiter les risques d'une escalade du conflit.

L’étendue et l’intensité de la possible riposte iranienne demeurent floues, mais divers éléments devraient influencer leur stratégie. Téhéran pourrait opter pour une frappe restreinte et précise, évitant ainsi une guerre ouverte tout en affirmant sa force. Cette opération ciblerait vraisemblablement des objectifs non civils et pourrait être précédée d’avertissements aux États-Unis ou à d'autres puissances majeures, afin de minimiser les risques d’une montée en puissance non souhaitée. Cette démarche illustre la réflexion stratégique iranienne, cherchant à concilier la nécessité d’une réaction ferme avec le souci d’esquiver un conflit élargi, qui serait source de graves répercussions politiques et économiques pour le pays.

Il est important de noter qu’une guerre à grande échelle serait politiquement et économiquement désastreuse pour l’Iran, compte tenu de ses défis internes. Le régime iranien fait face à des pressions économiques et des problèmes sociopolitiques importants qui limiteraient sa capacité à soutenir des engagements militaires prolongés. Un conflit d’envergure avec Israël impliquerait probablement les États-Unis, mettant davantage à l’épreuve les ressources déjà limitées de l’Iran et compliquant ses calculs stratégiques.

Ainsi, l’Iran optera probablement pour des attaques mesurées et ciblées, lui permettant de faire valoir sa force sans s’exposer aux conséquences dévastatrices d’un conflit généralisé. Néanmoins, la réaction d’Israël, même face à des frappes iraniennes circonscrites, demeure imprévisible et pourrait potentiellement envenimer la situation.

Pour conclure, tandis que l’Iran s'apprête à riposter, le spectre d’une guerre totale se profile de manière alarmante, menaçant l’équilibre régional et la sécurité mondiale de répercussions considérables.

Le Dr. Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.

X : @Dr_Rafizadeh

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Cet texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com