La détermination des États-Unis reste forte malgré l'incertitude des élections

Le président américain Joe Biden et le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg participent à une réunion à Washington. (Reuters)
Le président américain Joe Biden et le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg participent à une réunion à Washington. (Reuters)
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Publié le Mercredi 17 juillet 2024

La détermination des États-Unis reste forte malgré l'incertitude des élections

La détermination des États-Unis reste forte malgré l'incertitude des élections
  • Le sommet de l'OTAN s'est déroulé au milieu d'une campagne électorale présidentielle historique, sans précédent - même avant la tentative d'assassinat de samedi contre Trump.
  • Pendant leur séjour à Washington, les chefs d'État de l'OTAN et leurs responsables de la défense et de la politique étrangère ont vu une Amérique divisée et un président politiquement faible, abandonné par de nombreux membres de son parti

Lors du sommet de l'OTAN en occasion de la célébration du 75e anniversaire de l'Alliance à Washington la semaine dernière, j'ai assisté à la réception de la Conférence de Munich sur la sécurité en marge du sommet. Washington a participé en force à la conférence, qu'il s'agisse de fonctionnaires américains, de membres du Congrès ou de membres de groupes de réflexion. Les ministres des affaires étrangères et de la défense d'Europe, les conseillers en politique étrangère et les dirigeants des institutions mondiales de sécurité et de défense avaient tous une chose en tête : la campagne électorale américaine et la prestation désastreuse du président Joe Biden lors du débat.

Les questions par lesquelles ils se préoccupaient, étaient de savoir si Biden se retirerait de la course, si l’ancien président Donald Trump remporterait les élections, et quelles seraient les conséquences concernant l’avenir de l’OTAN. La présence de l'ancienne présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, a fait d'elle le centre d’attention. Tout le monde voulait lui demander ce qu’il adviendrait du président, alors que des rapports indiquaient qu'elle se réunissait avec l'ancien président Barack Obama pour discuter de l'avenir de Biden en tant que candidat du parti démocrate.

Le sommet de l'OTAN s'est déroulé au milieu d'une campagne électorale présidentielle historique, sans précédent - même avant la tentative d'assassinat de samedi contre Trump. Qu'il s'agisse des profondes divisions du pays ou de la scission du parti du président, qui a été invité à se retirer de la course seulement quatre mois avant l'élection, la résilience politique de l'Amérique est mise à l'épreuve maintenant plus que jamais. Ces divisions ne s’agissent pas seulement de la question de savoir qui est apte à gagner les élections et à gouverner, mais aussi du rôle de l'Amérique dans le monde et du rôle de chef de file dans des alliances comme l'OTAN.

Les deux candidats, président Biden et ancien président Trump, ont utilisé le sommet de l’OTAN pour leurs propres gains politiques au cours de leur campagne. Biden a décrit l’alliance comme étant la plus importante “dans l’histoire du monde”. Mais lors de sa conférence de presse à la fin du sommet, Biden, défendant sa décision de rester dans la course malgré les appels à y abandonner, même par certains membres de son propre parti, a déclaré qu'aucun des alliés européens ne lui avait dit : "Joe, ne te présente pas. Ce que je les entends dire, c'est 'qu'il faut gagner, qu'il ne faut pas que ce type (Trump) se présente, il serait un vrai désastre'."

Les détracteurs du président ont réagi à cette remarque, la qualifiant d’inhabituelle et d’erreur politique, prédisant qu’elle serait utilisée contre lui par la campagne républicaine. Le président a également déclaré que ses résultats dans les sondages étaient meilleurs en Israël qu’aux États-Unis, montrant ainsi sa déception à l’égard des sondages qui l’ont récemment montré derrière Trump.

Quant à Trump, il n'était pas présent au sommet de l'OTAN ni à Washington, mais son ombre planait sur le sommet et ses participants. Tous les interlocuteurs voulaient savoir s'il allait remporter les élections en raison de ses opinions sur l'OTAN et de l'expérience que les Européens ont eue avec lui au cours de sa présidence. L'ancien président faisait campagne en Floride lorsqu'il a commenté le sommet de Washington. Il a déclaré : "Je ne savais pas pourquoi l'OTAN était si importante. Mais il ne m'a pas fallu longtemps pour le comprendre, environ deux minutes. La première chose que j'ai comprise, c'est qu'ils n’allaient pas payer. C’est nous qui payions, presque entièrement pour l'OTAN. Et j'ai dit : ‘C'est injuste’.”

Il a expliqué comment il avait prévenu les alliés américains de l'OTAN qu'ils devaient respecter leurs obligations en matière de dépenses militaires, faute de quoi il ne les défendrait pas. Les membres de l'OTAN sont tenus de consacrer chaque année au moins deux pour cent de leur produit intérieur brut aux dépenses de défense. Au crédit de Trump, sa stratégie a fonctionné et les alliés ont commencé à adhérer à cette contribution.

La semaine dernière, Biden l'a attaqué en l’accusant de ne pas comprendre la valeur de l’alliance, et qu'il s'en attribuait le mérite parce que les chefs d'État présents au sommet ont remercié les États-Unis et lui-même pour "tout ce que l'OTAN a accompli". Il a comparé cette situation à celle de son adversaire en déclarant que "pendant ce temps, mon prédécesseur a clairement fait savoir qu'il n'avait aucun engagement vis-à-vis de l'OTAN. Il a fait savoir qu'il ne se sentirait pas obligé d'honorer l'article 5 (défense mutuelle). Il a déjà dit (au président russe Vladimir) Poutine, et je cite, 'faites ce que vous voulez'."

Les experts en politique étrangère considèrent que la période comprise entre ce mois-ci et janvier prochain est la plus dangereuse au niveau international.  Dr. Amal Mudallali

Alors que de nombreux alliés européens ont exprimé en privé leur inquiétude à l’égard de la possibilité du retour de Trump à la Maison Blanche et à ce que cela signifierait pour eux et pour l'OTAN, ils ont "travaillé frénétiquement" pendant leur séjour à Washington pour entrer en contact avec les alliés politiques de Trump, selon CNN, afin d'établir des liens et d'avoir accès à ses responsables potentiels en matière de politique étrangère. Ils étaient impatients de savoir ce que Trump allait en faire d’eux et de l’alliance.

Pendant leur séjour à Washington, les chefs d'État de l'OTAN et leurs responsables de la défense et de la politique étrangère ont vu une Amérique divisée et un président politiquement faible, abandonné par de nombreux membres de son parti et attaqué par les médias. C'était un contraste frappant avec l'image de force que l'alliance voulait projeter à l'occasion du 75e anniversaire de sa fondation.

Les experts en politique étrangère considèrent que la période comprise entre ce mois-ci et janvier prochain est la plus dangereuse sur le plan international, car les États-Unis et leur leadership mondial sont accaparés par la campagne électorale. Les appels à l'abandon de Biden - et la possibilité qu'il abandonne à ce stade tardif - suscitent l'inquiétude des alliés, déjà préoccupés par la faiblesse politique et l'imprévisibilité qui entourent leur allié et le commandant de l'OTAN.

Certains s'inquiètent également du fait que, si Biden quitte la course, le président s'affaiblira à l'intérieur et à l'extérieur du pays, certains appelant même le président à démissionner et affirmant qu'il lui sera difficile d'aller jusqu'au bout de son mandat sans nuire au leadership américain dans le monde. Qu'adviendra-t-il de la guerre en Ukraine ? De la guerre à Gaza ? Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu écoutera-t-il un Joe Biden encore plus faible, alors qu’il ne l'avait pas écouté depuis neuf mois ?

Lors de sa conférence de presse de jeudi soir, à l'issue du sommet de l'OTAN, Biden a exprimé sa frustration face à son incapacité à convaincre les Israéliens de ne pas "commettre la même erreur que l'Amérique" en Afghanistan. Il a également évoqué la difficulté de mettre en œuvre certaines de ses propositions à Gaza, alors peut-on imaginer son pouvoir d'influence lorsqu'il est un “canard boiteux”?

Dans un article du journal US News and World Report repris par le Council on Foreign Relations, Liana Flix écrit que l'abandon de la course par Biden "pourrait également encourager les adversaires à tester la force de la détermination de l'Amérique. Cela pourrait se traduire par une nouvelle série d'attaques des rebelles houthis soutenus par l'Iran contre le trafic maritime mondial dans la mer Rouge et dans le golfe d'Aden, une escalade russe en Ukraine, une menace accrue de l'arsenal nucléaire de la Corée du Nord et de son commerce d'armes avec la Russie, ou encore des provocations chinoises à l'égard de Taïwan ou des Philippines". Elle conclut qu'un président affaibli "perçu comme incapable de faire son travail laisse l'Occident sans gouvernail dans les moments dangereux".

Il s'agit là d'une vision pessimiste de la détermination des États-Unis, même au cours d'une campagne électorale contestée. Les divisions politiques de l'Amérique sont réelles, comme le montre l'attentat manqué contre Trump, mais elles sont toujours suspendues. La campagne sera terminée dans quelques mois, quel que soit le vainqueur, et “on peut toujours faire confiance” aux Américains, comme le dit le célèbre dicton, "de faire ce qu'il faut, une fois que toutes les autres possibilités ont été épuisées".

 

Dr Amal Mudallali est consultante sur les questions mondiales. Elle a été ambassadrice du Liban auprès des Nations unies.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com