Ce qui se passe en Amérique ne reste pas en Amérique

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Publié le Jeudi 11 juillet 2024

Ce qui se passe en Amérique ne reste pas en Amérique

Ce qui se passe en Amérique ne reste pas en Amérique

Le pays d’abord, le parti ensuite”, tels étaient les mots rassurants prononcés la semaine dernière par le nouveau Premier ministre britannique, KeirStarmer, sur les marches du 10 Downing Street. Alors que les divisions et la polarisation paralysent de grandes démocraties, y compris la France et les États-Unis, une telle attitude envoie des signaux rassurants aux électeurs, aux investisseurs étrangers, ainsi qu’aux partenaires et alliés à travers le monde. L’avenir nous montrera si cette attitude restera celle du gouvernement travailliste.

Je crains que l’on ne puisse pas en dire autant du décevant débat présidentiel américain du mois dernier.

Le gouvernement saoudien travaillera en étroite collaboration avec le président que le peuple américain choisira, quel qu’il soit.

                                                                                Faisal J. Abbas

Je voulais partager mes premières réflexions immédiatement après les 90 minutes pénibles au cours desquelles le président démocrate sortant, Joe Biden, s’est débattu avec le prétendant républicain, Donald J. Trump. Cependant, j’ai choisi de ne pas écrire à ce moment-là. Pourquoi me suis-je retenu ? À part les quelques mots décevants prononcés par les deux candidats au sujet de la Palestine, j’ai pensé qu’il serait inapproprié pour moi, en tant que rédacteur en chef d’un journal saoudien, de faire des commentaires. Après tout, la position du Royaume a toujours été de ne pas interférer dans les affaires intérieures des autres pays, et notre gouvernement travaillera en étroite collaboration avec le président que le peuple américain choisira, quel qu’il soit.

L’administration Biden en est un bon exemple. Nombreux sont ceux qui ont supposé qu’après tout le battage médiatique et l’animosité qui ont précédé l’élection de 2020, l’Arabie saoudite ne travaillerait pas avec M. Biden et son équipe. Que s’est-il passé en réalité ? Grâce à une politique étrangère saoudienne judicieuse, patiente et pragmatique, les deux pays ne pourraient pas être plus étroitement alignés sur des intérêts mutuels et un désir de répandre la paix et la prospérité dans toute la région. En outre, les avantages commerciaux et économiques d’un éventuel nouvel accord américano-saoudien sur les garanties de sécurité et l’assistance nucléaire civile, avec ou sans renforcement des relations avec Israël, sont impressionnants. Quant à savoir si l’accord se concrétisera ou non, c’est une autre question. Ce qu’il faut retenir, c’est que ces résultats ont été obtenus avec une administration que beaucoup pensaient, à tort, être opposée au Royaume. Si Trump avait remporté l’élection présidentielle de 2020, la situation n’aurait pas été différente : l’Arabie saoudite aurait travaillé tout aussi dur pour améliorer et renforcer ses relations avec son partenaire le plus important et le plus fort.

Alors pourquoi dis-je que le débat présidentiel du 27 juin a été pénible ? Le manque de respect envers Joe Biden, qui a déclaré plus tard ne pas s’être senti bien ce jour-là, m’a profondément dérangé. Que cela nous plaise ou non, cet homme a tout donné à son pays. S’il a commis sa part d’erreurs, dont beaucoup ont été évoquées par Trump, cela ne justifie pas les attaques personnelles, les mèmes et les commentaires désagréables envers un ancien patriote et dirigeant élu.

Maintenant, la décision de Biden de se retirer ou non pour permettre à un autre candidat d’affronter Trump est une affaire interne, qui dépend de lui et de son parti. Toutefois, il est évident que Trump est ressorti du débat présidentiel mieux préparé, ce qui a amélioré son soutien dans les sondages d’opinion. Il est également vrai qu’au cours de sa présidence, il a obtenu de nombreux résultats en matière de politique étrangère, notamment avec la Chine, les accords d’Abraham au Moyen-Orient, l’élimination de certains des terroristes les plus odieux et les plus recherchés de la planète, et l’annulation de l’accord nucléaire de 2015 avec l’Iran.

Pourtant, au lieu de chercher à impressionner les électeurs et les téléspectateurs, de nombreux commentaires échangés pendant le débat étaient personnels et se concentraient sur les capacités physiques et mentales des candidats – ce qui, franchement, n’était ni rassurant ni encourageant. Après tout, il s’agissait d’un débat présidentiel et non pas d’une épreuve de boxe.

Il est toutefois surprenant que l’IA n’ait pas été mentionnée une seule fois au cours du débat présidentiel.

                                                                           Faisal J. Abbas

Nombreux sont ceux qui, comme moi, pensent que ce débat n’a pas été une source d’inspiration. Je m’attendais peut-être à mieux, car je vis dans un pays et une région du monde où se déroulent des événements captivants en ce moment. Par exemple, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane sera le parrain du sommet mondial sur l’intelligence artificielle (IA) qui se tiendra à Riyad en septembre. Le patronage du prince héritier est limité à quelques événements chaque année, ce qui témoigne de l’importance et de la signification de cet événement. Des annonces passionnantes sont attendues, et de nombreux leaders de l’industrie participeront à cet événement, destiné à aider le monde entier à façonner et à mieux comprendre cette révolution technologique.

Il est toutefois surprenant que l’IA n’ait pas été mentionnée une seule fois au cours du débat présidentiel dans un État leader mondial qui est confronté à une concurrence sévère de la part de ses rivaux internationaux dans ce domaine particulier.

De même, alors que l’économie spatiale devrait atteindre 1,8 trillion de dollars d’ici l’année prochaine, pas un seul mot n’a été prononcé sur l’exploration spatiale par deux candidats qui ont tous deux vécu l’époque passionnante du premier atterrissage sur la Lune et qui sont conscients du potentiel et de la capacité de la NASA. Entre-temps, l’Agence spatiale saoudienne a envoyé la première femme musulmane à bord de la Station spatiale internationale et travaille ardemment à inspirer toute une génération à conquérir ce nouveau domaine et à tirer le meilleur parti de son économie.

Ce n’est pas que les sujets débattus par Biden et Trump n’étaient pas importants, mais les hommes politiques américains devraient s’arrêter et réfléchir à la manière dont les discussions sans fin sur l’immigration et l’avortement donnent l’impression que leur pays est incapable de progresser. La décision de la Cour suprême dans l’affaire Roe vs Wade a été rendue en janvier 1973 : elle ne devrait pas demeurer un problème 50 ans plus tard. Je suis conscient que les droits des femmes ne constituaient pas le point fort du bilan antérieur du Royaume, mais grâce aux réformes entamées il y a huit ans, la plupart des questions ont été définitivement résolues et ne font plus partie du débat public. Personne ne songe à réimposer les lois sur la tutelle ou à rétablir l’interdiction faite aux femmes de conduire. Le pays a évolué : la participation des femmes à la main-d’œuvre saoudienne a plus que doublé, passant de 17 % à 36 % entre 2017 et 2023.

En résumé, les deux candidats doivent se rappeler que ce qui se passe en Amérique ne reste pas en Amérique et que lorsque Washington éternue, le reste du monde s’enrhume. Par conséquent, quel que soit le candidat élu en novembre, il devra raviver la foi dans le rêve américain et mettre fin au cauchemar de la division, de la polarisation et des querelles politiques. Ces dynamiques affectent non seulement la réputation mondiale du pays, mais aussi l’investissement direct étranger et les intérêts de ses principaux partenaires et alliés.

 

Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d’Arab News.

X: @FaisalJAbbas

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com