RIYAD: L'atelier ouvert de la deuxième résidence Intermix offre une immersion dans un univers créatif où des artistes du monde entier mettent en lumière les paysages et la culture du Royaume saoudien.
Durant dix semaines, quinze créateurs ont collaboré pour développer leur vision artistique, s'inspirant de la fusion entre arts visuels et mode, autour des thèmes de la transformation, de l'innovation et de la durabilité.
L'artiste italien Ivo Cotani confie à Arab News: "La résidence m'a fait énormément progresser, non seulement dans mes créations, mais aussi dans ma façon d'être en tant qu'artiste. Je me sens plus mature et à l'aise avec mon travail."
Son œuvre "I Am Nature" combine divers médiums, s'inspirant de la faune et la flore locales. Son atelier présente des sculptures en céramique d'oryx et de chameaux, des peintures florales abstraites et des masques zoomorphes réalisés en collaboration avec deux artisans.
En bref
Le programme Intermix, entièrement financé par la Commission des arts visuels d'Arabie saoudite en partenariat avec la Commission de la mode, se déroule dans le quartier de JAX de Diriyah.
Cotani ajoute: "Mon travail est toujours lié à la terre d'une manière ou d'une autre. J'ai observé la nature, le désert, et visité AlUla où j'ai vu les tombeaux et les aigles. Cela m'a inspiré pour créer et étudier les animaux du désert. Je réfléchissais à incarner la nature, et l'idée des masques est née."
L'exposition dévoile la complexité de l'expérience humaine à travers des œuvres variées. Les artistes explorent comment mémoires, émotions et codes culturels façonnent nos relations avec nous-mêmes, notre quotidien et la nature. Cette démarche créative produit un véritable catalogue d'expérimentations artistiques, ouvrant de nouvelles perspectives sur notre rapport au monde.
Dans son œuvre "Fragments of the Missing", l'artiste saoudienne Maram Alsuliman explore l'héritage culturel de sa région. Elle s'interroge sur le destin des traditions disparues, leur signification et leur impact, mettant en lumière la fragilité de la transmission orale face à l'oubli.
"Née à Jeddah, je n'ai jamais vécu à Najran, terre d'origine de ma famille," explique l'artiste à Arab News. "Cette distance a nourri ma curiosité. Si moi-même je peine à connaître mes racines, comment les autres peuvent-ils les découvrir? J'ai ressenti le devoir de documenter et partager cette culture à travers mon art."
Fidèle à l'esprit écoresponsable de la résidence, Alsuliman recycle des objets du quotidien. Noyaux de dattes et tasses brisées se métamorphosent en motifs abstraits, imprimés sur des sacs. Elle pousse le concept plus loin en créant une teinture noire naturelle à partir de noyaux de dattes broyés.
"Mon père ramenait des dattes de Najran dans de simples sacs plastiques. Pour lui, c'était de la nourriture. Moi, j'y vois un moyen de transporter mes traditions," confie Alsuliman.
Alla Alsahli, designer américaine d'origine syro-palestinienne exploite la manipulation des matériaux et la répétition pour tisser des récits ancrés dans la culture et l'espace.
Dans le cadre du projet Intermix, Alsahli s'intéresse à la préservation architecturale de Riyad et au-delà. S'inspirant des motifs géométriques triangulaires des bâtiments traditionnels en terre du Najd, elle crée des pièces de mode alliant argile, corde et tissu.
Sa première création assemble des éléments en céramique faits main, reliés par du fil. La seconde utilise de la mousseline, matériau généralement jetable après les essayages, ici nouée par des cordes. Cette technique d'assemblage symbolise l'espoir de préserver un héritage culturel.
L'art d'Alsahli reflète le cycle de vie de l'architecture, alternant construction et déconstruction.
"La phase de reconstruction - lorsque les gens essaient de faire revivre un espace - est très présente ici à Riyad, notamment à Diriyah et Al-Bujairi, où beaucoup veulent préserver cette culture et ce style si importants pour le Najd," confie-t-elle à Arab News. J'ai voulu transposer cette idée de reconstruction dans la mode."
L'artiste poursuit : "Initialement centrée sur l'Arabie saoudite, ma réflexion a évolué vers une introspection plus personnelle. En explorant mes racines syro-palestiniennes, j'ai développé ce concept alliant ruines et préservation."
Le programme Intermix vise à créer un dialogue visuel innovant, fusionnant arts plastiques et design de mode.
Maha Alasaker, artiste koweïtienne, explore les liens entre nature et culture dans son œuvre. Elle s'intéresse particulièrement aux pigments naturels issus de la terre, une recherche qui l'a menée vers l'étude des plantes médicinales et l'usage ancestral de ces remèdes dans le traitement de la douleur féminine.
Alasaker pousse l'expérience plus loin avec une performance live saisissante : elle transforme son corps en métier à tisser, une métaphore vivante du lien intime entre l'être humain et son environnement.
Somaia Abolezz, styliste égyptienne, présente des installations portables évoquant l'épopée des caravanes entre l'Égypte et La Mecque. De son côté, l'artiste saoudienne Um Kalthoom Al-Alawi dévoile "Images of Memory", une œuvre qui joue sur le visible et l'invisible à travers des motifs imprimés sur tissu.
Cette effervescence créative s'inscrit dans le cadre du programme de résidence Intermix, une initiative de la Commission des arts visuels d'Arabie saoudite, en partenariat avec la Commission de la mode.
Hébergé dans le quartier de JAX de Diriyah, ce programme ambitieux offre un tremplin aux talents émergents et confirmés, artistes visuels, créateurs de mode et commissaires d'exposition, qu'ils soient saoudiens ou internationaux. Son objectif est de créer un écosystème propice à l'innovation, l'expérimentation et la collaboration dans un environnement créatif stimulant.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com