PARIS : Des basiques, quelques audaces mais surtout une convergence des styles quelles que soient les tendances: retour sur les évolutions du vestiaire politique en France, décrypté par des experts pour l'AFP.
-Uniforme -
L'homme politique français a son uniforme, le costume bleu marine, cintré et généralement un peu étroit, accompagné d'une chemise blanche et d'une cravate fine. Une panoplie qui commence à s'imposer sous Nicolas Sarkozy, signant la fin du complet de flanelle grise.
«Ce costume bleu marine envoie la respectabilité, l'autorité et surtout la non-ostentation. On ne peut pas lui donner de prix, l'accuser d'élégance exacerbée», analyse le journaliste spécialiste de mode masculine Marc Beaugé.
Selon lui, «la social-démocratie, le centre, vont avec ce lissage du style» et une convergence des repères vestimentaires.
- Relooking express -
Avec quelques contre-exemples, comme le look longtemps austère de la socialiste Ségolène Royal avant d'opter pour un style plus décontracté dans les années 2010.
Les femmes politiques, de droite comme de gauche, ont d'ailleurs aussi progressivement abandonné les tenues de créateurs, malgré le goût de certaines pour la mode et la couture, comme la ministre de la Culture Rachida Dati, que l'on voit presque uniquement en tailleur pantalon depuis son entrée au gouvernement.
En pleine Coupe du monde 2014, le journaliste Marc Beaugé a été convoqué pour deux heures à l'Elysée, raconte-t-il à l'AFP, «avec prescription», pour un coaching d'image de François Hollande, qui lui donne comme mot d'ordre «ni trop chic, ni trop plouc».
- Lunettes, barbe, sourire... -
En 2012, une étude publiée dans le Journal of Economic Behavior & Organization, demande à un échantillon de Français d'attribuer le camp politique de 550 candidats aux européennes à partir d'une simple photo.
«On a regardé concrètement ce qui différenciait dans la tête des gens l'apparence d'un député de gauche ou de droite», explique à l'AFP son auteur, l'économiste Pierre-Guillaume Méon.
«On a réalisé que, dans des looks très uniformisés, c'est la couleur de la cravate qui jouait, rouge ou de couleur pour la gauche, bleue pour la droite. Puis la proportion de députés à barbe et à moustache qui est plus importante à gauche», ajoute t-il.
«Et, enfin, les lunettes, plus fréquentes à gauche qu'à droite. Ainsi que, pour une raison inexpliquée, le fait de montrer ses dents en souriant, un marqueur de droite», déroule l'économiste.
- Déringardisé -
La macronie a ringardisé la chaussure de ville mais porte aux nues l'uniforme du costume bleu, emblème de l'homme politique.
Pour se fondre dans le décor, l'ex-avocat devenu ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, l'adopte aussi, d'autant plus que ce grand amateur de montres de luxe est prié de les laisser à la maison.
Emmanuel Macron, qui apparait occasionnellement sur ses réseaux sociaux en tenue de sport ou en sweat décontracté maîtrise lui aussi le pouvoir de communication par le vêtement.
Le soir du 9 juin, pour annoncer la dissolution, le président avait d'ailleurs exceptionnellement décidé de porter un costume... noir.
- Dédiabolisation -
Entré en force à l'Assemblée en 2022, le Rassemblement national utilise le vêtement pour assoir sa stratégie de dédiabolisation.
Après les législatives cette année-là, Marine Le Pen impose le port de la cravate à tous ses élus, «alors même que quasi plus personne ne la porte en France», note Marc Beaugé.
«Le député RN doit être mieux habillé que le Français moyen», décrypte l'expert, à propos de cette stratégie dite «de la cravate».
- Happening cravate -
Et Jean-Luc Mélenchon, leader des insoumis, ne quitte pas son veston à col chevalière, symbole de la tradition ouvrière et révolutionnaire.
La France Insoumise (LFI) a également immédiatement politisé la question du vêtement dans l’hémicycle. Accusé par le LR Renaud Muselier de paraître «sale et débraillé», le bloc des députés LFI s'empare de l'occasion pour un happening cravate à l'Assemblée le 26 juillet 2022: tenue débraillée et cravate par-dessus.