Le taux de participation est un enjeu majeur de l'élection présidentielle en Iran

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Publié le Samedi 22 juin 2024

Le taux de participation est un enjeu majeur de l'élection présidentielle en Iran

Le taux de participation est un enjeu majeur de l'élection présidentielle en Iran
  • Les récentes élections parlementaires en Iran ont enregistré une participation historiquement faible, comme l’a confirmé le gouvernement iranien lui-même
  • Sur la scène internationale, la poursuite de politiques conservatrices pourrait entraîner une isolation accrue de l'Iran

La prochaine élection présidentielle en Iran, prévue pour le 28 juin, suscite un vif intérêt tant au niveau national qu’international. L'un des aspects importants à surveiller lors de ce scrutin est le taux de participation.

En effet, le gouvernement iranien attache une grande importance à garantir un taux de participation élevé, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, un taux de participation élevé serait interprété comme un soutien solide au gouvernement, démontrant qu'il bénéficie d’un large appui de la population. Cet aspect est crucial pour le gouvernement, qui cherche à renforcer sa légitimité et à consolider sa position tant à l'intérieur du pays que sur la scène internationale. En d'autres termes, la perception d'un plébiscite généralisé ne pourrait que renforcer la légitimité de ce gouvernement.

Deuxièmement, dans le contexte actuel de tensions régionales croissantes avec Israël et les États-Unis, les dirigeants iraniens pourraient tirer parti d'une forte participation au scrutin pour affirmer l’unité du peuple iranien et son soutien ferme à la politique du gouvernement face aux pressions extérieures.

Troisièmement, pour le gouvernement iranien, démontrer une unité nationale par le biais d'une forte participation électorale peut s’avérer crucial pour projeter une image de stabilité interne, en particulier face aux divers défis intérieurs.

Démontrer une unité nationale par le biais d'une forte participation électorale peut s’avérer crucial pour projeter une image de stabilité interne.

Majid Rafizadeh

Néanmoins, les récentes élections parlementaires en Iran ont enregistré une participation historiquement faible, comme l’a confirmé le gouvernement iranien lui-même. Cette tendance suscite des inquiétudes quant à la potentielle répétition de ce scénario lors de la prochaine élection présidentielle. Plusieurs facteurs contribuent à cette anticipation d'un faible engagement des électeurs.

L'une des principales raisons d'une participation potentiellement faible serait le mécontentement généralisé généré par la situation économique actuelle. L'Iran est confronté à une forte inflation et à un taux de chômage élevé, entraînant un mécontentement public considérable. En juillet dernier, le taux d'inflation officiel annuel de l'Iran s'élevait à 47,5%, le plus élevé que le pays ait connu depuis plus de trois décennies.

Les difficultés économiques auxquelles font face les citoyens iraniens, notamment la forte baisse de leur pouvoir d'achat en raison de la dévaluation de la monnaie nationale, ont poussé beaucoup en dessous du seuil de pauvreté. En effet, ces difficultés économiques risquent de dissuader de nombreux électeurs de participer aux élections, car ils pourraient avoir le sentiment que leur vote ne débouchera pas sur les réformes économiques et les améliorations nécessaires.

En plus des défis économiques, un sentiment généralisé de mécontentement sociopolitique règne parmi la population iranienne. L'application de lois religieuses strictes, particulièrement celles touchant les femmes, a provoqué dans le passé d'importantes manifestations et protestations, comme observé par la communauté internationale. Le paysage sociopolitique en Iran est fortement influencé par des idéologies conservatrices et rigides, largement contestées par de nombreux citoyens qui les jugent déconnectées des valeurs sociétales modernes. Ce désenchantement constitue un autre facteur majeur contribuant à l'anticipation d'une faible participation électorale.

La faible participation attendue pourrait saper davantage la légitimité du gouvernement et exacerber les défis socio-économiques existants.

 

Majid Rafizadeh

De plus, le manque apparent d'enthousiasme pour les candidats à la présidence de la République iranienne constitue un autre problème majeur. Le Conseil des gardiens, chargé de la sélection des candidats, n'a approuvé que six candidatures: Masoud Pezeshkian, Mostafa Pourmohammadi, Amir-Hossein Ghazizadeh Hashemi, Mohammed Baqer Qalibaf, Saïd Jalili et Alireza Zakani. Ce choix restreint, combiné à la prédominance de candidats conservateurs, a probablement laissé de nombreux électeurs désabusés et peu enclins à participer à l’élection.

Par ailleurs, la surreprésentation de partisans de la ligne dure parmi les candidats approuvés dans la sélection finale du Conseil des gardiens constitue un aspect important qui aura des implications significatives pour le paysage politique en Iran, désormais fortement axé sur des idéologies conservatrices. Ces conservateurs sont connus pour leur adhésion stricte aux principes révolutionnaires de la République islamique et leur défense d’une interprétation et d’une application plus rigoureuses de ces idéaux.

Sur le plan intérieur, les conservateurs prônent l'application stricte des lois religieuses, ce qui a conduit à un mécontentement généralisé, en particulier parmi les jeunes et les femmes, qui se sentent de plus en plus marginalisés par ces politiques. L'approche conservatrice de la gouvernance adoptée par ces candidats est également souvent perçue comme un obstacle au progrès social et à la modernisation.

À l’échelle régionale, les vues des conservateurs s'alignent étroitement avec les objectifs des cadres supérieurs du Corps des gardiens de la Révolution islamique (CGRI), ce qui suggère une poursuite de la position actuelle de la politique étrangère de l'Iran, caractérisée par une approche conflictuelle envers Israël et une posture défensive contre les menaces perçues de la part des États-Unis et de leurs alliés.

Le résultat de la prochaine élection présidentielle en Iran aura des répercussions considérables pour l'avenir du pays, tant sur le plan intérieur qu'international. La faible participation attendue pourrait saper davantage la légitimité du gouvernement et exacerber les défis socio-économiques existants. De plus, la domination des candidats conservateurs suggère qu'il y aura peu de changements dans les politiques intérieures et étrangères de l'Iran.

Sur la scène internationale, la poursuite de politiques conservatrices pourrait entraîner une isolation accrue de l'Iran, ainsi qu'une intensification des tensions avec les puissances régionales et mondiales. Cette situation se répercutera sur l’économie iranienne, limitant ainsi la capacité du pays à s'engager dans des négociations diplomatiques significatives.

En bref, à l'approche de l'élection présidentielle en Iran, le taux de participation sera l’enjeu essentiel à surveiller. Le désir du gouvernement de voir une forte participation se heurtera probablement au mécontentement public généralisé en raison des conditions économiques du pays, des problèmes sociopolitiques et au choix limité de candidats. La domination des idéologies conservatrices parmi les candidats complique davantage la situation. Les résultats de cette élection seront un indicateur crucial de la direction future de l'Iran, tant sur le plan intérieur que sur la scène internationale.

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard.

X: @Dr_Rafizadeh

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com