La maladie et la famine, deux menaces qui gagnent en ampleur à Gaza

Des Palestiniens assis sur des décombres, après des frappes israéliennes nocturnes, dans le camp de réfugiés d’Al-Bureij, au centre de la bande de Gaza, le 18 juin 2024. (AFP)
Des Palestiniens assis sur des décombres, après des frappes israéliennes nocturnes, dans le camp de réfugiés d’Al-Bureij, au centre de la bande de Gaza, le 18 juin 2024. (AFP)
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Publié le Vendredi 21 juin 2024

La maladie et la famine, deux menaces qui gagnent en ampleur à Gaza

La maladie et la famine, deux menaces qui gagnent en ampleur à Gaza
  • L’ONU a prévenu que, d’ici à la mi-juillet, plus d’un million de Palestiniens mourront de faim
  • Environ 210 000 personnes dans le nord de Gaza sont déjà en situation de famine

On se demande combien de Palestiniens viendront s’ajouter à la terrible liste des 40 000 morts à Gaza depuis octobre. Aussi choquant que cela puisse paraître, ces chiffres vont encore s’aggraver. 

Il est probable que ces statistiques augmenteront considérablement une fois les décombres déblayés. D’autres fosses communes devraient être découvertes. Un cynisme ignoble battra son plein chez les antiarabes qui aiment contester sans cesse la réalité des événements et jeter à la boue les Palestiniens qui pleurent leurs pertes quotidiennes. 

La mort par bombardement israélien peut sembler insignifiante par rapport à la mort par famine et maladie. La plupart des gens s’accordent à dire qu’une mort immédiate par une bombe de fabrication américaine serait préférable à une mort lente et inexorable par inanition, déshydratation ou maladie. 

L’ONU a prévenu que, d’ici à la mi-juillet, plus d’un million de Palestiniens mourront de faim. Environ 210 000 personnes dans le nord de Gaza souffrent déjà de la famine. Les évaluations prennent du temps, donc à l’heure actuelle, la situation est sans aucun doute bien pire. 

Il s’agit d’une famine provoquée par l’homme. Israël a utilisé la famine comme arme de guerre – une accusation portée par le procureur de la Cour pénale internationale contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et le ministre de la Défense, Yoav Gallant. Jusqu’à présent, 32 décès ont été attribués à la malnutrition, parmi lesquels on déplore 28 enfants de moins de 5 ans. Pourtant, ces chiffres peuvent augmenter très vite. Selon l’ONU, plus de 8 000 enfants de moins de 5 ans ont déjà été diagnostiqués comme souffrant de malnutrition aiguë. Beaucoup sont hors de la portée de telles évaluations. 

Israël a maintenu fermé le passage de Rafah depuis le début du mois de mai. Contrairement à ses promesses, il n’a pas autorisé l’acheminement de l’aide vers Gaza. Les dirigeants israéliens ont pris goût au siège total imposé en octobre dernier, contrant la pression internationale par des initiatives comme une courte pause des bombardements pendant le week-end. Les personnes responsables de l’acheminement et de la distribution de l’aide ont également été tuées. Plus de travailleurs humanitaires sont décédés au cours de cette guerre que dans tout autre conflit depuis l’émergence de l’ONU. Il est temps de dire haut et fort qu’Israël n’a pas fait les efforts nécessaires pour éviter de nuire aux travailleurs humanitaires, mais qu’il les a plutôt pris pour cible. 

Les maladies tueront probablement encore plus de Palestiniens. Carl Skau, directeur général adjoint du Programme alimentaire mondial des Nations unies, qualifie les défis d’«inédits». La situation dans le sud de Gaza se détériore rapidement. Un million de personnes dans le sud de Gaza n’ont accès ni à l’eau potable ni aux installations sanitaires. «Nous avons traversé des cours d’eaux usées», a confié M. Skau. Les maladies se propagent, notamment les maladies de peau, l’hépatite, la gastro-entérite et les maladies respiratoires. Avec la chaleur estivale qui frappe Gaza, une épidémie majeure de choléra est probable. 

Israël y est pour beaucoup. Quatre des six usines de traitement des eaux usées de Gaza – essentielles pour gérer l’accumulation des eaux usées et la propagation des maladies – auraient été endommagées ou détruites. Les deux autres ont également fermé en raison d’un manque de carburant ou d’autres fournitures. 

Les décès par maladie, aggravés par la malnutrition et les conditions insalubres, vont exploser, notamment parce qu’Israël a détruit le service de santé de Gaza. L’Organisation mondiale de la santé a recensé 464 attaques contre des établissements de santé à Gaza depuis octobre. Pas un seul hôpital ne fonctionne à Rafah. 

Les Palestiniens sont contraints de boire de l’eau sale ou salée. Lors d’une évaluation effectuée le 7 juin à Deir al-Balah, la disponibilité moyenne d’eau par personne et par jour était inférieure à deux litres dans un site de déplacement et aussi basse que 0,7 litre dans un autre. C’est inférieur au minimum internationalement requis pour la survie, à savoir trois litres par jour. Même lorsque l’eau est disponible, elle n’est pas toujours salubre. 

L’analyse des données satellite montre que la moitié des installations d’eau et d’assainissement de Gaza ont été détruites en avril. La situation s’est encore détériorée depuis. 

Cela ne peut continuer. Israël continue son petit manège avec l’aide à Gaza. Moins d’aide est entrée en mai qu’en avril. Mercredi dernier, un camion d’aide rempli d’aide médicale et alimentaire pour 10 000 enfants palestiniens a été refoulé «sans raison», selon l’Unicef. 

«Si nous ne réagissons pas, beaucoup plus de personnes mourront de malnutrition et de maladie que des bombardements.» 

Chris Doyle 

Les solutions immédiates sont claires, même si elles semblent lointaines. Un cessez-le-feu est nécessaire, ainsi qu’un accès humanitaire complet et la capacité de distribuer l’aide à travers Gaza. Beaucoup auront besoin de soins critiques en dehors de la bande de Gaza. Si nous ne réagissons pas, beaucoup plus de personnes mourront de malnutrition et de maladie que des bombardements. Cela ne fera que renforcer les nombreuses preuves selon lesquelles ce qu’Israël est en train de faire n’est rien d’autre qu’un génocide, appliquant à la lettre les menaces de nombreux dirigeants, y compris le président, le Premier ministre et le ministre de la Défense. 

La mort par maladie et par famine n’est pas un processus que l’on peut arrêter d’un simple coup de baguette magique. Des milliers de Palestiniens ont peut-être déjà atteint le point de non-retour. D’autres sont sur le point d’y parvenir. Un cessez-le-feu peut mettre un terme aux bombardements, mais ces facteurs de mortalité ont leur propre dynamique inexorable. 

 

Chris Doyle est directeur du Council for Arab-British Understanding, basé à Londres.  

X: @Doylech 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français. 

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com