BEYROUTH: Les politiciens libanais ont échangé des insultes et des accusations vendredi, tandis que les infections au coronavirus dans le pays continuaient d'augmenter de manière spectaculaire, avec près de 5000 cas signalés en une seule journée.
Au second jour d’un confinement national de 25 jours, des journalistes, des artistes, des médecins, des infirmières, des soldats et des enseignants - certains dans la vingtaine et la trentaine - faisaient partie des victimes de ce virus, tandis que les hôpitaux luttent pour faire face à l'afflux des cas.
Jeudi soir, l'ancien ministre Nicolas Nahas est apparu à la télévision après s'être remis de la maladie. «Les deux derniers mois ont été très difficiles pour moi. J'ai complètement perdu la capacité de respirer», a-t-il avoué.
Alors que les autorités sanitaires mettaient en garde contre l’aggravation de la crise, les politiciens échangeaient des accusations concernant les retards dans la nomination d'un cabinet, tout en aggravant le conflit entre le président Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri au sujet des conditions imposées par le président.
Le député Waleed Al-Baarini, membre du Mouvement du futur, a accusé le Mouvement patriotique libre d’Aoun de «tyrannie et d’adopter une politique de la terre brûlée».
Le Liban «n'a nullement besoin d'un autre détonateur qui déclenchera une autre guerre pour le détruire», a-t-il souligné.
Vendredi, le conflit politique se limitait plus au choix des ministres du prochain gouvernement, mais l’a dépassé pour atteindre des problématiques de système et de prérogatives en relation avec la nature même du régime parlementaire au Liban.
S’adressant aux aux membres du Conseil constitutionnel, Aoun a expliqué que cette institution organe ne devrait pas se limiter au contrôle de la constitutionnalité des lois, mais devrait également interpréter la Constitution conformément aux réformes convenues dans le cadre de l'accord de Taif de 1989.
Les commentaires du président ont provoqué la colère de nombreux députés, dont l’ancien Premier ministre Najib Mikati et le président du parlement Nabih Berri, qui ont répliqué en disant: «Le vrai rôle du conseil se limite seulement à contrôler la constitutionnalité des lois. L'interprétation de la constitution est le droit absolu du parlement».
Marwan Hamadeh, qui a démissionné de son poste de député, a décrit les propos d’Aoun comme une violation de la constitution et une tentative d’abolir les droits du Conseil constitutionnel.
«Cela nous ramène tout droit à une autre guerre civile libanaise», a-t-il révélé.
Toutefois, Khaled Qabbani, constitutionnaliste et ancien membre du Conseil constitutionnel, a déclaré à Arab News que «l'accord de Taif donne au conseil le droit d'interpréter la constitution, ainsi que le droit de contrôler la constitutionnalité des lois et même les élections législatives».
Qabbani a affirmé qu'il était responsable de rédiger le texte constitutionnel des amendements approuvés par l'accord.
«Cependant, lorsque le parlement s'est réuni un an plus tard afin d’approuver ces amendements, le regretté Georges Saade (le chef du parti des Phalanges libanaises) n'a pas accepté de donner ce droit au Conseil constitutionnel, et son avis a été soutenu par tous les autres députés. Tous les amendements ont été approuvés à l’unanimité, sauf celui-ci».
Qabbani s'est dit surpris «que cette question soit à nouveau discutée, surtout en ce moment-là, alors que la constitution libanaise n'est pas du tout respectée et que le parlement est devenu très susceptible à tous les sujets liés à ses droits et ses pouvoirs».
«Une telle erreur n'est aucunement acceptable», a-t-il signalé.
Dans une interview télévisée jeudi soir, le chef druze Walid Joumblatt a demandé à Hariri de se retirer complétement de la tâche de former un gouvernement et de «laisser le Hezbollah et ses alliés diriger le pays, puisque nous sommes devenus un silo à missiles».
«Nous sommes incapables de gouverner. Laissons le camp de la résistance assumer la responsabilité du pays en temps de paix, de guerre et encore d'effondrement économique », a-t-il dévoilé.
Joumblatt a, en outre, exhorté le Hezbollah «à penser aux dizaines de milliers de Libanais dans les pays du Golfe afin d'éviter leur expulsion, car ils sont le seul espoir en temps d’une telle crise économique».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com