BEYROUTH: Le président libanais Michel Aoun a rencontré jeudi le patriarche chrétien Bechara Boutros Raï, mécontent du retard dans la formation d'un gouvernement causé par les conditions de Baabda.
La réunion a eu lieu au son des avions de combat israéliens, qui ont violé l'espace aérien libanais pour la deuxième journée d’affilée. Dans une autre transgression des eaux libanaises mercredi soir, des soldats israéliens à bord de vedettes ont tiré sur des bateaux de pêche libanais, selon le commandement de l'armée libanaise.
Les discussions entre Aoun et Raï ont duré 45 minutes. Le président a ensuite déclaré que la réunion a eu lieu dans le but d’échanger des vœux, n’ayant pu se rencontrer au Patriarcat pendant la période des fêtes.
Selon Aoun, ils auraient évoqué «les conditions générales qui restent dans les coulisses, car tout n’est pas rapporté aux médias. Malheureusement, la presse interprète les événements à sa manière».
Aoun a évoqué la «possibilité» d'une nouvelle rencontre entre lui et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, sans préciser de date.
Des sources racontent que Raï prépare une réunion entre Aoun et Hariri dans le cadre de sa médiation pour accélérer la formation du gouvernement. La situation demeure dans l'impasse car Aoun n'a pas encore répondu à la liste suggérée par Hariri il y a un mois, conformément à l'initiative française. Constituée de technocrates, cette liste n'inclut pas de noms affiliés aux partis politiques au pouvoir.
Hariri est rentré jeudi à Beyrouth, après des vacances passées à l'étranger.
Le communicant du président a déclaré que les «rumeurs selon lesquelles une réunion doit se tenir à Bkerké entre Aoun et Hariri, parrainée par Raï, sont loin d’être vrais. Raï a bien fait une proposition de ce genre au président lors de leur réunion de jeudi, mais Aoun n'en était pas au courant à l'avance».
Le différend entre Hariri et le Mouvement patriotique libre (MPL), dirigé par le gendre du président, Gebran Bassil, s'est intensifié il y a quelques jours lorsque le bureau des médias de Hariri a annoncé son refus du fait que le bloc MPL tiendrait «d’autres partis pour responsables des obstacles que le mouvement crée délibérément» pour la formation d’un gouvernement.
Le bureau de Hariri a souligné: «Hariri s’est pleinement acquitté de ses devoirs nationaux et constitutionnels. Il a présenté au président une liste gouvernementale composée de technocrates non partisans connus pour leur compétence et leur performance. On attend à présent que le président finisse de l'étudier d’une manière attentive».
Le bureau de Hariri a accusé le MPL d'être «le parti qui a fait obstruction au pays pendant plus de deux ans et demi (afin de faire élire Aoun à la présidence)». Il souligne par ailleurs que «c'est le dernier parti à donner les leçons aux quant à la perte de temps et la création d'obstacles». Ce qui entrave la formation du gouvernement serait surtout «l'insistance sur des conditions impossibles qui sapent l'initiative française, éliminant tout espoir de résoudre la crise. Tout est à refaire, de l’économie qui s’effondre jusqu’à la reconstruction après l'explosion du port de Beyrouth».
Le vice-président du Mouvement du futur, Mustafa Alloush, a déclaré à Arab News que: «Rien n’a changé. Il n'y a pas de changement d'attitude, on ne fait pas le moindre effort résoudre les vrais problèmes qui font obstacle à la formation du gouvernement».
Alloush a ajouté: «Nous devons attendre le résultat de la réunion entre Aoun et Raï, mais le Premier ministre Hariri tient à former un gouvernement de dix-huit ministres, et refuse de donner le tiers de blocage à qui que ce soit».
Samir Geagea, chef du parti des Forces libanaises, voit dans ces retards un «crime contre le peuple libanais». Il a de plus souligné que : «Malgré toutes les tragédies, l'effondrement fiscal et l’inquiétude de la société au sujet du quotidien comme du futur, ce qui empêche la formation du gouvernement n'est pas un désaccord sur la nature des réformes requises, ni sur le fait de savoir quel ministre peut mettre en œuvre la réforme mieux que l'autre. Pour eux, l’enjeu réel est l’attribution des parts du butin».
Geagea insiste qu’il n’y a « aucun espoir pour ceux qui sont actuellement au pouvoir. La seule solution est de déclencher sans attendre des élections législatives anticipées».
Le député Anwar El-Khalil, membre du bloc parlementaire du président de la Chambre des députés Nabih Berri, pointe Aoun du doigt au sujet de la situation dramatique.
Il a indiqué: «Trente mois de vide présidentiel, l'enquête sur l'explosion du port n'est pas terminée, le pays affiche les pires indicateurs économiques et financiers, 55% des Libanais sont en dessous du seuil de la pauvreté, les dépôts se sont évaporés, et la valeur de la livre libanaise a chuté de 78%. Vous avez en plus empêché les formations judiciaires. Aucune réforme n’aura lieu, surtout dans le dossier d’électricité de votre gendre».
L'ambassadeur émirati au Liban, Hamad Saeed Al-Shamsi, s'est rendu jeudi chez Raï et il a déclaré: «Nous croyons fortement que le patriarche Raï peut jouer un rôle national positif».
Al-Shamsi a également rendu visite au Grand Mufti Sheikh Abdul Latif Derian, saluant les «efforts déployés pour former un nouveau gouvernement qui réponde efficacement aux ambitions et aux espoirs de tous les citoyens libanais».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com