Des conditions météorologiques difficiles touchent les extrémités opposées du monde arabe: tandis que les Émirats arabes unis (EAU) et Oman, à l’est, se remettent des pluies et des crues soudaines sans précédent de la semaine dernière, le Maroc, à l’ouest, connaît sa sixième année consécutive de sécheresse.
Les inondations ont tué au moins quatre personnes aux EAU et vingt à Oman, tandis que d’autres personnes sont confrontées à des pénuries d’eau potable, à des perturbations dans les déplacements et à des pannes d’électricité et du réseau Internet. Au Maroc, des conditions persistantes proches de la sécheresse ont réduit les niveaux d’eau. Elles ont entraîné des répercussions significatives sur le potentiel de production agricole du pays et elles ont abouti à une situation de chômage et de surpopulation dans les zones urbaines. Alors que le pays a connu une réduction de 70% des précipitations au cours des huit derniers mois, les étendues de terre arides ont nui aux rendements agricoles, ce qui a un impact sur les revenus d’exportation du pays.
Le changement climatique est le lien commun entre les crues soudaines et les sécheresses extrêmes. La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Mena) se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale et elle pourrait atteindre 4°C de plus d’ici à 2050. La hausse des températures a entraîné des vagues de chaleur, des précipitations irrégulières et une réduction de la superficie des terres arables. De plus, le golfe Arabique est la mer la plus chaude du monde, ce qui représente une menace toujours plus importante pour la biodiversité marine.
Un autre défi climatique notable dans la région est l’effondrement imminent du système météorologique du Gulf Stream, qui pourrait survenir entre 2025 et 2095. Compte tenu du rythme élevé du réchauffement, il est alarmant de constater que la région est confrontée à deux conséquences opposées et imprévisibles: un réchauffement extrême et des précipitations et inondations extrêmes.
«Compte tenu du rythme élevé du réchauffement, il est alarmant de constater que la région est confrontée à deux conséquences opposées et imprévisibles.» - Zaid M. Belbagi
Trois des fleuves les plus importants de la région – le Nil, le Tigre et l’Euphrate – ont vu leur niveau d’eau baisser ces dernières années. Selon des études, le débit du Nil est passé, au cours des cinq dernières décennies, de 3 000 mètres cubes par seconde à 2 830 mètres cubes. Les prévisions montrent que cette réduction du débit pourrait atteindre 70% d’ici à 2100 si les conditions actuelles persistent. De même, le système fluvial Tigre-Euphrate risque de s’assécher d’ici à 2040.
Si les barrages, la mauvaise gestion des eaux usées et les pratiques agricoles et industrielles non durables sont des facteurs favorisants, le changement climatique en est la principale force motrice. Des conditions proches de la sécheresse et des températures élevées ont entraîné un lent assèchement de ces rivières.
Les récentes inondations aux EAU et à Oman ont attiré l’attention sur deux aspects de la préparation requise pour faire face aux conséquences du changement climatique. Premièrement, les pays doivent tenir compte des événements climatiques dans leur planification urbaine. Compte tenu des niveaux de précipitations généralement faibles dans le Golfe, les infrastructures existantes n’ont pas pu supporter le volume du débit d’eau, car les égouts ont débordé et les réseaux électriques sont tombés en panne.
Ces dernières années, Dubaï a fréquemment amélioré son système de gestion du drainage avant la période novembre-mars, période où il pleut généralement. Pourtant, des changements climatiques sans précédent nécessitent des investissements supplémentaires dans des infrastructures résistantes au climat dans toute la région. Ceci est particulièrement important étant donné le double défi que représentent l’augmentation des précipitations et la hausse des températures.
«Les derniers dérèglements météorologiques soulignent la nécessité d’allouer des fonds à l’atténuation de l’impact du changement climatique.» - Zaid M. Belbagi
Les derniers dérèglements météorologiques soulignent également la nécessité d’allouer les fonds nécessaires pour atténuer l’impact du changement climatique. Les températures mondiales augmentent rapidement et entraînent des difficultés liées au climat, ce qui signifie qu’il est nécessaire d’investir régulièrement dans des stratégies d’atténuation. La région Mena a généralement reçu une part minoritaire du financement climatique mondial, bien qu’elle soit l’une des plus vulnérables aux changements climatiques. Une part de seulement 6,6% du financement total alloué en 2023 par les trois plus grands fonds internationaux pour le climat – le Fonds vert pour le climat, le Fonds pour l’environnement mondial et les Fonds d’investissement pour le climat – a été investie dans la région. De plus, ces fonds limités sont inégalement répartis dans la région, la grande majorité allant au Maroc et à l’Égypte, ainsi qu’à la Tunisie et à la Jordanie.
Il est indispensable que les organisations internationales et les bailleurs de fonds du climat mondial se concentrent sur l’atténuation des difficultés environnementales dans la région Mena. Toute modification significative du climat ici aura un impact sur le climat des régions voisines. Les pays de la région Mena ont participé activement aux conférences internationales sur l’environnement telles que la COP28 et la Semaine du climat de la région Mena. Cependant, il est urgent d’orienter davantage de financements climatiques vers la région et de partager les meilleures pratiques pour établir des infrastructures résistantes au changement climatique.
En outre, le changement climatique a un impact tangible sur l’économie. Quelques jours de désorganisation à l’aéroport international de Dubaï en raison des inondations ont considérablement perturbé les voyages internationaux, compte tenu de la centralité de l’espace aérien de Dubaï dans la connexion des continents. De même, les déficits de la production agricole marocaine peuvent provoquer des pénuries alimentaires en Europe, étant donné la dépendance du continent à l’égard du Maroc pour l’importation de marchandises.
Plus important encore, l'impact économique du changement climatique sera surtout ressenti par les jeunes de la région, à mesure que les possibilités d’emploi diminuent et que la qualité de vie s’affaiblit. La région doit donc élaborer une solide stratégie d’atténuation du changement climatique, avec le soutien de la communauté internationale, pour garantir que son développement socio-économique en cours ne succombe pas aux risques environnementaux.
Zaid M. Belbagi est commentateur politique et conseiller auprès de clients privés entre Londres et le CCG.
X: @Moulay_Zaid
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com