INSTANBUL : Plusieurs centaines d'étudiants de la prestigieuse Université du Bosphore à Istanbul ont de nouveau manifesté mercredi pour réclamer la démission d'un recteur nommé par le président Recep Tayyip Erdogan, les autorités procédant à de nouvelles arrestations.
Les protestataires se sont rassemblés sur le campus de l'établissement dans le calme et sous forte surveillance policière, avant de traverser le détroit du Bosphore en ferry pour poursuivre leur manifestation sur la rive asiatique d'Istanbul, a constaté une vidéaste de l'AFP.
Des étudiants ont notamment diffusé la chanson «Master of Puppets» («Le maître des marionnettes») de Metallica sous les fenêtres du bureau du nouveau recteur, Melih Bulu, qui s'était dit fan de ce groupe de métal californien.
«Tu ne seras jamais notre recteur», clamait une pancarte.
M. Bulu, 50 ans, a été choisi vendredi par M. Erdogan pour diriger l'Université du Bosphore (Bogazici, en turc), un établissement public qui a formé une partie de l'élite du pays.
La nomination de cette personnalité extérieure à l'université, qui avait tenté en 2015 de briguer un mandat de député sous les couleurs du Parti de la justice et du développement (AKP) de M. Erdogan, a provoqué un tollé.
Lors d'une première manifestation lundi, des policiers avaient bloqué la grille d'entrée de l'établissement à l'aide de menottes, une image qui a suscité une vive émotion en Turquie.
«Je suis fière d'avoir pu me réunir avec mes amis pour nous battre malgré le contexte (...) Je suis convaincue que nous lutterons tous jusqu'au bout», déclare à l'AFP Cinar Cifter, récemment diplômée de littérature.
Salih Tanik, étudiant en commerce, est venu manifester contre «tous les recteurs nommés par décret présidentiel depuis 2016», année où M. Erdogan s'est arrogé cette prérogative dans la foulée d'une tentative de putsch.
Zehra Aydemir étudie dans une autre université, mais elle est venue pour manifester sa solidarité avec ceux de Bogazici. «Nous sentons la force que nous avons entre les mains lorsque nous sommes unis», dit-elle.
Signe toutefois que la patience des autorités s'effiloche, des policiers équipés de fusils d'assaut ont interpellé mercredi 14 personnes en lien avec ces manifestations, selon l'agence de presse étatique Anadolu, portant à 36 le nombre d'arrestations depuis mardi.
Si le président Recep Tayyip Erdogan n'a pas encore réagi au mouvement de protestation, son allié Devlet Bahçeli, dirigeant du parti ultranationaliste MHP, a appelé mercredi à «écraser» les manifestations, y voyant un «complot qui vise à provoquer un soulèvement».
Bastion traditionnel d'une forte communauté d'étudiants de gauche, Bogazici a plusieurs fois été la cible des autorités ces dernières années.
En 2018, plusieurs étudiants ont été arrêtés après avoir manifesté contre une offensive militaire turque en Syrie. M. Erdogan les avait qualifiés de «traîtres» et de «terroristes».