Inde: la perspective d'une troisième victoire de Modi tourmente les chrétiens

Le BJP admet qu’il existe un « niveau de perception de menace », mais affirme qu’il essaie de changer cela. (DOSSIER/AFP)
Le BJP admet qu’il existe un « niveau de perception de menace », mais affirme qu’il essaie de changer cela. (DOSSIER/AFP)
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Publié le Mardi 26 mars 2024

Inde: la perspective d'une troisième victoire de Modi tourmente les chrétiens

  • Les défenseurs des droits humains et l'opposition accusent le BJP de vouloir transformer l'Inde, officiellement laïque, en une nation hindoue, ce qu'il dément
  • Des extrémistes hindous accusent depuis longtemps les chrétiens d'obliger des hindous à se convertir, et malgré leurs dénégations, ils subissent des agressions

IRPIGUDA: L'église d'Irpiguda tombe en ruines, dans le district indien de Kandhamal, théâtre de violences antichrétiennes après le meurtre de cinq hindous en 2008, où aujourd'hui les chrétiens se sentent à nouveau menacés par la montée en puissance de la majorité hindoue.

Avec des élections nationales en vue et le Premier ministre nationaliste hindou Narendra Modi donné probable gagnant, de nombreux chrétiens craignent d'être à nouveau pris pour cible.

Deepti a été l'une des victimes des attaques hindoues qui se sont déroulées il y a seize ans dans l'Etat de l'Odisha, dans l'est du pays, faisant au moins 101 morts, en représailles au meurtre d'un prêtre hindou et de quatre de ses fidèles.

Agée de 19 ans à l'époque, elle a été violée en réunion parce que son oncle avait refusé de renier la religion catholique.

"J'y pense chaque minute", confie en larmes cette femme de ménage de 35 ans, utilisant un pseudonyme par crainte d'autres représailles. "Je vis ici depuis mon enfance, je reconnais leur voix", dit-elle, "je me souviens encore de chacun d'eux."

Elle est au nombre de la quarantaine de femmes qui ont alors subi des agressions sexuelles dans son village, dont elle préfère taire le nom pour sa sécurité.

Des dizaines d'églises, de lieux de culte et de foyers chrétiens ont été la cible d'attaques qui ont entraîné la fuite de dizaines de milliers de chrétiens.

Un simple mémorial a été érigé dans le village de Tiangia pour les victimes, sur lequel est inscrite une citation de saint François d'Assise: "Là où est la haine, laisse-moi semer l'amour".

Mais l'an dernier, le Vatican a donné son feu vert au processus de béatification de ses "martyrs de Kandhamal", un groupe de 35 catholiques assassinés pendant cet accès de violences.

L'archevêque de l'Odisha, John Barwa, voit dans cette décision une "source de foi et d'espoir renouvelés".

«Le danger persiste»

Pour Prasanna Bishnoi, président de l'association des survivants de Kandhamal, la reconnaissance par l'Eglise de ces "morts en raison de leur foi" est bienvenue, mais le fait d'honorer la mémoire des défunts ne suffit pas à rassurer les vivants.

"Par ailleurs, je doute que cela soit bénéfique à notre population", rappelle-t-il.

Les élections nationales débuteront le 19 avril et dureront jusqu'au 4 juin, et pour beaucoup il ne fait guère de doute que le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP) du Premier ministre Narendra Modi emportera un troisième mandat.

Les défenseurs des droits humains et l'opposition accusent le BJP de vouloir transformer l'Inde, officiellement laïque, en une nation hindoue, ce qu'il dément.

Mais les minorités religieuses s'inquiètent. Des extrémistes hindous accusent depuis longtemps les chrétiens d'obliger des hindous à se convertir, et malgré leurs dénégations, ils subissent des agressions.

L'Inde compte 1,4 milliard d'habitants et, selon le recensement de 2011, plus de 2% sont chrétiens, une présence qui remonterait à l'apôtre Thomas venu dans le pays en 52 après JC.

Le Forum chrétien uni (UCF), organisation de surveillance des droits humains basée à New Delhi, a enregistré l'an dernier 731 attaques contre des Indiens chrétiens, et met en garde contre "des milices impliquant des extrémistes religieux".

Les violences de 2008 hantent les survivants traumatisés, craignant d'être à nouveau pris pour cible.

«Ce pays appartient à tous»

Raheli Digal a emmené l'AFP voir les ruines carbonisées de son ancienne maison d'Irpiguda où elle remet rarement les pieds.

Elle décrit, en sanglotant, ce dont elle a été témoin, cachée dans les collines boisées environnantes, observant avec effroi la foule aux slogans antichrétiens qui allumait des incendies.

"Ils ont détruit notre maison, en y mettant le feu", raconte-t-elle, "nous avions nos jeunes enfants avec nous, nous les avons attrapés et avons couru dans la forêt."

"Même aujourd'hui, le danger persiste", assure cette femme au foyer de 40 ans, vivant dans un camp, "au souvenir de ces vieilles scènes (...) nous avons peur". "Ils disent depuis longtemps qu'ils ne laisseront pas les chrétiens vivre ici", ajoute-t-elle.

Le BJP admet "la perception d'un certain degré de menace" mais veut y remédier, affirme le porte-parole national du parti, Mmhonlumo Kikon.

M. Modi "s'est adressé à la communauté chrétienne et ses dirigeants afin de les rassurer. Ce pays appartient à tous, pas qu'à la communauté majoritaire", poursuit M. Kikon.

M. Bishnoi s'est dit rassuré par la rencontre de M. Modi avec des chrétiens. Pourtant, des informations sur de nouvelles violences jettent le trouble dans son esprit. Selon lui, "si ce gouvernement reste au pouvoir, les minorités seront sous pression".


L'Otan en plein doute sur son avenir face à la tempête Trump

Le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, s'exprime lors d'une conférence et d'une réunion avec des étudiants de l'École d'économie de Varsovie (SGH), à Varsovie (Pologne), le 26 mars 2025. (Photo Wojtek RADWANSKI / AFP)
Le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, s'exprime lors d'une conférence et d'une réunion avec des étudiants de l'École d'économie de Varsovie (SGH), à Varsovie (Pologne), le 26 mars 2025. (Photo Wojtek RADWANSKI / AFP)
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  • Sous les coups de butoir de Donald Trump et de son équipe, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, vieille dame de plus de 75 ans, doit rapidement changer.
  • les États-Unis restent membres de l'OTAN, y compris pour la dissuasion nucléaire, mais se désengagent des forces conventionnelles, comme l'a évoqué le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth. 

BRUXELLES : Les tirs de barrage américains contre les pays européens de l'Otan ébranlent jusqu'aux fondements de l'Alliance atlantique, qui a cependant toutes les peines du monde à imaginer un avenir sans les États-Unis.

Sous les coups de butoir de Donald Trump et de son équipe, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, vieille dame de plus de 75 ans, doit rapidement changer. Un diplomate interrogé sous couvert d'anonymat décrit l'agressivité de la nouvelle administration américaine comme un « traumatisme ».

Ce changement se fera-t-il avec ou sans les États-Unis ? La question agite les couloirs du siège de l'Alliance à Bruxelles.

« On connaît la direction : moins d'États-Unis et plus d'Europe », résume un diplomate sous couvert d'anonymat. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens.

En deux mois, Donald Trump s'en est pris au Canada qu'il entend voir devenir le 51ᵉ État américain, et au Danemark, dont il revendique l'un des territoires, le Groenland. 

Plusieurs responsables américains, dont le vice-président J. D. Vance, n'ont pas caché leur mépris à l'égard des Européens, considérés comme des « profiteurs » et des passagers clandestins d'une alliance où, dénoncent-ils, ils ne paient pas leur dû.

Depuis le 20 janvier, date du retour de Donald Trump à la Maison Blanche, « l'optimisme est de moins en moins de mise », confie un diplomate. « Les États-Unis n'ont pas encore pris de décisions concrètes, mais on dirait que chaque jour est porteur d'un nouveau coup contre les fondations de l'Alliance. »

- Transition « désordonnée » -

Pour Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l'Otan et chercheur auprès de l'ECFR, trois scénarios sont possibles.

Celui de la transition ordonnée : les Américains se désengagent, mais en bon ordre, à la suite d'une négociation qui donne aux Européens le temps de se préparer. « Cela permet d'éviter les incertitudes », assure-t-il dans un entretien avec l'AFP.

Celui de la transition « désordonnée » : les États-Unis restent membres de l'OTAN, y compris pour la dissuasion nucléaire, mais se désengagent des forces conventionnelles, comme l'a évoqué le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth. 

Le retrait se fait « en mode crise », avec des « menaces et des annonces désordonnées ». C'est « le scénario dominant » aujourd'hui, estime l'analyste.

Il y a aussi le scénario cauchemar pour nombre d'Alliés : le retrait « de facto ou de jure ». Les États-Unis se désintéresseront de la défense du continent européen.

Donald Trump exige que les Européens et les Canadiens consacrent au moins 5 % de leur PIB à cette défense, alors qu'ils sont à moins de 2 % pour l'Italie ou l'Espagne. La marche est très haute. Mais tous savent qu'il faudra « annoncer » quelque chose au sommet de l'OTAN en juin, selon un diplomate.

Le Secrétaire général de l'Alliance Mark Rutte a évoqué un chiffre entre 3,5 et 3,7 %. Ce sera difficile, mais c'est une question de priorités dans les dépenses nationales, ajoute-t-il. 

Personne ne sait si ce chiffre sera suffisant pour Donald Trump.

- "Cinq ans" -

En attendant, beaucoup à Bruxelles et dans les autres capitales européennes s'interrogent sur un "après" Etats-Unis.

"Nous avons toujours su que le moment viendrait où l'Amérique se retirerait en quelque sorte et où l'Europe devrait faire davantage", rappelle ainsi Jamie Shea, ancien porte-parole de l'Otan et expert auprès du think tank londonien Chatam House.

Et le calendrier est très serré. Les Européens ont "cinq ans" pour recréer une dissuasion face à la menace russe, juge ainsi Camille Grand. Un calcul basé sur le temps jugé nécessaire, selon plusieurs services de renseignement, pour que la Russie reconstitue son armée et soit en mesure de menacer un pays de l'Otan, explique-t-il. 

Selon cet expert français, les Européens en sont capables, même si un investissement substantiel sera nécessaire pour combler l'apport américain en termes de renseignement, de satellites ou de logistique. « Il n'y a pas de raison que 500 millions d'Européens ne puissent pas dissuader 140 millions de Russes », assure-t-il.

Plusieurs pays en doutent. « Les États-Unis restent indispensables pour une dissuasion crédible », estime ainsi un diplomate européen auprès de l'Otan.


Le Wisconsin, théâtre d'une première défaite électorale pour Trump et Musk

 Donald Trump et Elon Musk. (Photo AFP)
Donald Trump et Elon Musk. (Photo AFP)
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  • Le président américain Donald Trump a essuyé mardi son premier revers électoral avec l'élection d'une juge démocrate dans le Wisconsin,
  • En Floride, deux législatives partielles ont également eu lieu mardi dans des circonscriptions solidement ancrées à droite et qui resteront dans l'escarcelle des républicains, selon les projections de plusieurs médias

WASHINGTON : Le président américain Donald Trump a essuyé mardi son premier revers électoral avec l'élection d'une juge démocrate dans le Wisconsin, un scrutin habituellement d'ampleur locale, marqué cette fois-ci par la forte implication d'Elon Musk.

Selon les projections de plusieurs médias américains, Susan Crawford, soutenue par les démocrates, a remporté un siège pour dix ans à la Cour suprême de cet État de la région des Grands Lacs.

Elle faisait face à Brad Schimel, soutenu par Donald Trump et par le multimilliardaire Elon Musk, et dont la victoire aurait fait basculer la haute instance du Wisconsin du côté conservateur.

En Floride, deux législatives partielles ont également eu lieu mardi dans des circonscriptions solidement ancrées à droite et qui resteront dans l'escarcelle des républicains, selon les projections de plusieurs médias.

Mardi soir, le président a mis à profit sa plateforme Truth Social pour se féliciter des deux « larges » victoires de son camp en Floride, mettant en avant son « soutien » aux candidats.

Il n'a en revanche pas commenté le résultat pour la Cour suprême du Wisconsin, préférant y retenir l'adoption, par un référendum organisé le même jour, d'une mesure obligeant les électeurs à présenter une pièce d'identité avec photo afin de pouvoir voter.

« C'est une grande victoire pour les républicains, peut-être la plus grande de la soirée », a-t-il écrit.

« Le plus important » 

Elon Musk n'a pas non plus réagi à la défaite de Brad Schimel, et a plutôt salué l'issue du référendum local. « C'était le plus important », a-t-il affirmé sur son réseau social X.

Le patron de Tesla et Space X s'inquiétait d'un potentiel rééquilibrage par la Cour suprême locale dans le découpage des circonscriptions électorales, en faveur des démocrates. État pivot, le Wisconsin avait été remporté par Donald Trump à la présidentielle de novembre.

« C'est l'une de ces situations étranges où une petite élection en apparence pourrait déterminer le destin de la civilisation occidentale », avait lancé Elon Musk mardi.

Le président républicain avait, lui, publié lundi sur Truth Social un message de soutien à Brad Schimel. Il s'en était surtout pris à Susan Crawford, qui serait, selon lui, « un désastre pour le Wisconsin et pour les États-Unis d'Amérique ».

Un peu plus de deux mois après le début de son mandat, les enquêtes d'opinion indiquent une baisse relative de la popularité de Donald Trump. Ces élections dans le Wisconsin et en Floride étaient les premières véritables épreuves auxquelles il faisait face dans les urnes depuis novembre.

Campagne onéreuse 

Mardi, le trumpiste Randy Fine a bien remporté le siège en jeu à la Chambre des représentants face au démocrate Josh Weil, mais avec une avance bien plus mince qu'il y a quelques mois.

Ces résultats ont « de quoi donner des sueurs froides à mes collègues républicains », a déclaré sur la chaîne MSNBC Hakeem Jeffries, responsable de la minorité démocrate à la Chambre des représentants. Cela fait écho à la difficulté de l'opposition à se faire entendre depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.

Dans le Wisconsin, les deux camps avaient sorti l'artillerie lourde pour une élection qui, d'ordinaire, passe inaperçue dans le reste du pays.

Selon le Centre Brennan de l'université de New York, c'est « le scrutin judiciaire le plus coûteux de l'histoire américaine », avec plus de 98 millions de dollars déversés dans la campagne, dont 53 millions en faveur du candidat conservateur.

Elon Musk n'est pas étranger à cela.

« Il a dépensé plus de 25 millions de dollars pour essayer de m'empêcher de siéger à la Cour suprême du Wisconsin », a lancé dimanche Susan Crawford lors d'un rassemblement.

Son équipe de campagne avait récemment accusé Elon Musk de vouloir « acheter un siège à la Cour suprême du Wisconsin afin d'obtenir une décision favorable » dans des poursuites engagées par Tesla, son entreprise de véhicules électriques, contre les autorités du Wisconsin.


Amnesty International demande à la Hongrie d'arrêter M. Netanyahou

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. (Photo d'archives de l'AFP)
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. (Photo d'archives de l'AFP)
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  • Le Premier ministre israélien doit se rendre cette semaine dans un pays membre de la Cour pénale internationale
  • Cette visite " ne doit pas devenir un indicateur de l'avenir des droits humains en Europe "

LONDRES : Amnesty International a demandé à la Hongrie d'arrêter le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, à la suite d'informations selon lesquelles il se rendra dans cet État membre de l'UE mercredi à l'invitation de son homologue hongrois Viktor Orban.

M. Netanyahou fait l'objet d'un mandat d'arrêt délivré en novembre par la Cour pénale internationale en raison de la conduite d'Israël à Gaza.

M. Orban, proche allié de M. Netanyahu, a déclaré qu'il n'exécuterait pas le mandat. En tant qu'État membre, la Hongrie est tenue d'exécuter tout mandat d'arrêt délivré par la CPI.