PARIS: Le musée d'art moderne de la ville de Paris présente à partir de vendredi une grande rétrospective consacrée au peintre Jean Hélion, pionnier de l'abstraction qu'il a introduite aux Etats-Unis et figure artistique majeure oubliée du XXe siècle.
Intitulée "Jean Hélion, la prose du monde", elle met en lumière jusqu'au 18 août plus de 150 œuvres (peintures, dessins, carnets, documents...) rarement présentées au public, provenant de grandes institutions françaises et internationales, ainsi que de nombreuses collections privées.
Né en 1904 et mort en 1987, grand admirateur de Poussin et de Cézanne, ce peintre autodidacte a été très influencé à ses débuts par Piet Mondrian, devenant son ami et à son tour un maître de l'abstraction géométrique, avec "une utilisation très personnelles de la couleur et une recherche constante autour de la notion d'équilibre", selon Henry-Claude Cousseau, commissaire de l'exposition avec Sophie Krebs.
À partir de 1934, il s'installe aux États-Unis, devient l'un des acteurs les plus importants de l'abstraction et une figure éminente de la vie artistique américaine qui conseille les grands collectionneurs.
Ami de Marcel Duchamp, Calder, Arp et Giacometti, proche de Max Ernst ou de Victor Brauner et d'écrivains comme Francis Ponge ou René Char, il rédige aussi à partir de 1929 les "Carnets", réflexion sur la peinture qu'il poursuivra jusqu'en 1984.
En 1939, il se détourne de l'abstraction au moment où celle-ci commence pourtant à s'imposer sur la scène internationale, pour s'intéresser davantage à la figure humaine et "au réel". En résultent "des scènes de rue" tirées du quotidien.
Engagé aux côtés de l'armée française pendant la Seconde Guerre mondiale, il est fait prisonnier en 1940. Le récit de son évasion "They Shall Not Have Me" ("Ils ne m'auront pas"), publié en 1943 et récemment traduit en français, deviendra un best-seller.
De retour à Paris en 1946, marié à Pegeen Vail, fille de Peggy Guggenheim, il peine à trouver sa place mais réinvente la figuration et les sujets comme le nu (Nu renversé, 1946), le paysage (Le Grand Brabant, 1957), la nature morte (Nature morte à la citrouille, 1946 ou Citrouillerie, 1952) ou la peinture d'histoire (Choses vues en mai, 1969).
À la fin de sa vie, perdant progressivement la vue, son œuvre oscille entre dérision, rêve et gravité (Le Peintre piétiné par son modèle, 1983).
Salué dans les années 1960 par la nouvelle génération des peintres de la figuration narrative, comme Gilles Aillaud ou Eduardo Arroyo, et plus récemment par le peintre britannique Peter Doig, il a bénéficié de son vivant de nombreuses expositions en France. Une dernière rétrospective avait été présentée au Centre Pompidou en 2004.