PARIS: Le feu couve encore sous des "braises brûlantes": le Salon de l'agriculture ferme ses portes dimanche au terme d'une 60e édition marquée par la colère des agriculteurs, qui promettent de rester mobilisés en attendant de voir dans leur ferme la traduction des multiples annonces gouvernementales.
La fréquentation a légèrement baissé en 2024, avec 603.652 visiteurs (-2%), en raison d'une première journée chahutée.
Le président du syndicat agricole majoritaire FNSEA, Arnaud Rousseau, a prévenu dimanche sur BFM TV qu'il y aurait encore "des actions sur le terrain" après le Salon car "sur le plan politique, les choses ne sont clairement pas terminées". "Les braises sont brûlantes", a-t-il affirmé.
Le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a, lui, estimé sur la même chaîne que "le temps de la contestation (avait) eu lieu", invitant à "se mettre autour de la table" pour avancer.
La puissante Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) avait donné le ton dès la veille de l'ouverture, le 23 février, en organisant une marche achevée en veillée d'armes devant l'entrée du Parc des expositions à Paris.
Au petit matin, des dizaines de manifestants forcent une grille et entrent, décidés à se faire entendre du chef de l'Etat.
Un premier jour "plus que chaotique", un "début violent", juge Arnaud Rousseau.
Au milieu des allées du Hall 1, l'incontournable pavillon des vaches, cochons et ovins, des empoignades ont lieu entre la sécurité - visiblement dépassée - et des militants arborant des signes distinctifs de trois syndicats, FNSEA, Jeunes agriculteurs et Coordination rurale.
Haute surveillance
Le programme de la visite d'Emmanuel Macron est chamboulé. Après une rencontre avec les représentants officiels des syndicats et filières, il débattra finalement avec quelques agriculteurs choisis dans les rangs des syndicats.
Le Salon ouvre au public avec une heure de retard, le Hall 1, six heures plus tard. "Du jamais vu" pour son directeur Arnaud Lemoine, qui confie dimanche à Ouest-France vouloir "réfléchir dans les semaines à venir sur l'accueil des politiques".
L'habituelle déambulation du président est maintenue, mais sous haute surveillance policière.
"On montre les muscles une fois de plus contre un peuple qui souffre et qui en a marre", tempête Moïse Blin, éleveur en Bretagne.
Après cette première journée tumultueuse, la vie du Salon reprend dans une ambiance bon enfant, mais ponctuée jusqu'au bout de sifflets ou "coups de gueule".
Les visiteurs s'empressent autour de son égérie, la vache Oreillette, se régalent des spécialités régionales, grimpent dans la moissonneuse-batteuse.
La fête donne lieu, comme toujours, à certains débordements mais loin des excès constatés l'an dernier grâce notamment à de nouvelles restrictions. Résultat: "un seul stand a été fermé pour ne pas avoir respecté le règlement" et "aucun coma éthylique contre 82 l'an dernier", relève Arnaud Lemoine.
Un premier bilan chiffré sera donné dimanche soir, mais "l'affluence est là", avec des centaines de milliers de visiteurs, saluent les organisateurs.
Après la mobilisation des campagnes et des engagements gouvernementaux, allant de centaines de millions d'aides d'urgence à la promesse d'un choc de simplification, le Salon a été l'occasion de présenter de nouveaux gages.
Jet d'oeufs
Accédant à une demande forte de la FNSEA, Emmanuel Macron s'est engagé à reconnaître l'agriculture "comme un intérêt général majeur de la nation française"; répondant à la Coordination rurale, il a évoqué "un plan de trésorerie d'urgence"; et à l'adresse de la Confédération paysanne, a ouvert un débat sur les "prix planchers".
Le gouvernement a aussi multiplié les annonces: plans pour l'élevage et le blé dur, 40 millions d'euros supplémentaires pour l'agriculture bio, 100 millions de plus pour la filière fruits et légumes. Ont aussi été publiés des décrets sur la dénomination des viandes ou les métiers en tension.
Mais pour Jérome Despey, premier vice-président de la FNSEA, ce salon a été "un rendez-vous manqué" avec l'exécutif: "On attendait du président de la République une stratégie et la définition d'un cap pour l'agriculture", a-t-il expliqué à l'AFP.
Ministres, élus ou candidats, le défilé des politiques a été permanent, sur fond de campagne pour les élections européennes.
Les ministres Christophe Béchu (Transition écologique) et Marc Fesneau (Agriculture) ont été la cible d'oeufs, tandis que Gabriel Attal a déambulé tranquillement; à l'extrême droite, Marion Maréchal a été aspergée de bière quand le président du RN Jordan Bardella a multiplié les selfies.
La Coordination rurale, accusée d'accointances avec le RN par le chef de l'Etat, a maintenu la pression dans la rue, avec vendredi matin un rassemblement surprise avec tracteurs et ballots de paille au pied de l'Arc de Triomphe.