BEYROUTH: «Trahison», «accords de la honte», «coups de poignard dans le dos»… Les Palestiniens n’ont pas été à court de critiques pour condamner les accords de normalisation conclus récemment entre Israël et plusieurs pays arabes.
Bien que tous ces pays aient explicitement déclaré leur soutien sans faille à la cause palestinienne et à une solution à deux États, il est clair toutefois que les temps ont changé. Le conflit israélo-palestinien ne mobilise plus les masses arabes. La cause palestinienne n’est plus une priorité. Le conflit avec l’Iran n’est pas l’unique cause de ce changement. Ni le déclenchement des révoltes arabes ou la guerre contre le terrorisme.
En fait, l’une des raisons principales de cette transformation, c’est que, durant près de soixante-dix ans, les Palestiniens ont été les fossoyeurs de leur propre cause. Ils ont souvent fait des choix politiques ayant entraîné une succession d’erreurs impardonnables.
Le sujet a toujours été tabou. Il fallait défendre l’injustice commise contre les Palestiniens et les soutenir contre l’occupation israélienne. Sans jamais avoir la possibilité d’une critique objective et constructive d’une situation qui a duré trop longtemps.
Faisant fi des principes les plus basiques de l’hospitalité, l’OLP a tenté, à chaque fois qu’elle s’est installée dans un pays, de se retourner contre son hôte.
Antonio Munioz
Durant le mois du ramadan de l'année dernière, ce tabou est implicitement brisé, quand une série diffusée sur le réseau satellitaire MBC, Makhraj 7 («Sortie 7»), ouvre le sujet de la normalisation avec Israël. Dans une séquence, deux acteurs, Rashid al-Shamrani et Nasser al-Qassabi, discutent, assis nonchalamment dans un salon. Le premier veut faire des affaires avec les Israéliens. Il justifie sa décision par le fait que «l’Arabie saoudite n’a rien gagné par son soutien aux Palestiniens». Il enfonce le clou et déclare : «Le véritable ennemi est celui qui désavoue vos sacrifices et vous injurie nuit et jour, plus que les Israéliens», critiquant ainsi, selon lui, l’ingratitude des Palestiniens et énumérant tout ce que les Arabes leur ont fait en lançant des guerres, un embargo du pétrole, et le paiement des salaires de leurs fonctionnaires…
Ingratitude pour les pays hôtes
Une ingratitude qui s’est illustrée récemment par les manifestations palestiniennes contre les accords de normalisation, et au cours desquelles des portraits du prince héritier d’Abu Dhabi et des photos du roi de Bahreïn ont été brûlés.
Rappelons d’ailleurs comment l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) avait multiplié les erreurs en Jordanie, au Liban ou au Koweït, avec des conséquences encore plus catastrophiques pour les Palestiniens eux-mêmes.
Faisant fi des principes les plus basiques de l’hospitalité, l’OLP a tenté, à chaque fois qu’elle s’est installée dans un pays, de se retourner contre son hôte.
C’est ainsi que la Jordanie a expulsé les fédayins palestiniens lors des sanglants combats de Septembre noir en 1970, à la suite des velléités des Palestiniens de prendre le pouvoir au roi Hussein. Arrivés au Liban, au lieu de se concentrer sur la libération de leur terre, ils ont créé un État dans l’État, entraînant l’invasion israélienne en 1982 pour en chasser l’OLP.
Le Liban paie toujours aujourd’hui le prix de la politique de Yasser Arafat, chef de l’OLP à cette époque. Les erreurs de calcul se sont poursuivies avec le soutien de l’OLP en 1990 au dictateur irakien, Saddam Hussein, lors de son invasion du Koweït, ce petit émirat qui accueillait des milliers de Palestiniens et dont un grand nombre fut par la suite expulsé.
Parallèlement, la cause palestinienne s’est écartée de sa finalité, à travers des actions terroristes durant les années 1970 et 1980, notamment avec des prises d’otages ou des détournements d’avions.
Manipulations
La cause palestinienne a également eu la malchance d’être utilisée par des puissances régionales pour leur propre agenda. Ce fut le cas avec l’Irak de Saddam Hussein, mais aussi avec le régime des mollahs iraniens plus royaliste que le roi, refusant à chaque fois toute initiative de paix entre l’État hébreu et les Arabes. L’establishment palestinien est malheureusement toujours tombé dans le piège, se faisant manipuler tantôt par la Turquie d’Erdogan, le régime de Nasser en Égypte ou celui d’Assad en Syrie qui a accueilli et formé sur son territoire des franges radicales de mouvement palestinien, comme le Hamas, rejetées par les autres pays.
La cause palestinienne n’est toutefois pas perdue. Elle a besoin d’une introspection, d’une remise en question, d’une révolution intérieure. Seule une volonté de changement, pour faire bouger une situation sclérosée, peut redonner confiance aux soutiens arabes.
Antonio Munioz
La conséquence directe de ces manipulations est le clivage de la scène politique palestinienne. À commencer par le conflit au sein du Fatah, dirigé aujourd’hui par Mahmoud Abbas, président vieillissant de l’Autorité palestinienne. Son remplacement entraîne une guerre de succession sans merci, avec son lot de heurts et d’assassinats. Cela a encore été le cas en décembre, dans le camp de Balata, entre les partisans de Mahmoud Abbas et ceux de Mohammad Dahlan.
Ou la rivalité entre le Fatah et le Hamas qui dirige de facto la bande de Gaza. Un conflit qui fit des centaines de morts en 2007 à Gaza, alors qu’en Cisjordanie la chasse aux sorcières bat son plein contre les partisans du mouvement islamiste.
On voit ainsi que même la construction d’un État viable et efficace bute sur la corruption des uns et les rivalités des autres, alors que la situation politique, économique et sociale des Palestiniens ne fait qu’empirer et alors que les Palestiniens devraient s’unir pour libérer leur terre.
La cause palestinienne n’est toutefois pas perdue. Elle a besoin d’une introspection, d’une remise en question, d’une révolution intérieure. Seule une volonté de changement, pour faire bouger une situation sclérosée, peut redonner confiance aux soutiens arabes.