Lafarge en Syrie: vers un premier procès en France pour financement du terrorisme

Le parquet demande un renvoi en procès pour Lafarge SA, désormais filiale d'Holcim, et pour neuf personnes, parmi lesquelles l'ex-PDG Bruno Lafont. (Photo, AFP)
Le parquet demande un renvoi en procès pour Lafarge SA, désormais filiale d'Holcim, et pour neuf personnes, parmi lesquelles l'ex-PDG Bruno Lafont. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 09 février 2024

Lafarge en Syrie: vers un premier procès en France pour financement du terrorisme

  • Les deux infractions retenues sont le financement d'entreprises terroristes et le non-respect de sanctions financières internationales
  • Le groupe est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), cinq millions d'euros à des groupes djihadistes, dont l'organisation Etat islamique (EI)

PARIS: Le cimentier Lafarge et d'ex-dirigeants ont-ils financé en 2013 et 2014 les activités en Syrie de groupes terroristes dont l'Etat islamique ? Le parquet antiterroriste français a requis vendredi un premier procès pour la société, avant un éventuel second pour complicité de crimes contre l'humanité.

Le parquet demande un renvoi en procès pour Lafarge SA, désormais filiale d'Holcim, et pour neuf personnes, parmi lesquelles l'ex-PDG Bruno Lafont, l'ex-directeur général adjoint opérationnel Christian Herrault ou encore l'ex-directeur de la sûreté du groupe, Jean-claude Veillard, selon des éléments des 275 pages de réquisitions dont l'AFP a eu connaissance vendredi.

Les deux infractions retenues sont le financement d'entreprises terroristes et le non-respect de sanctions financières internationales.

Sollicités, les avocats de Lafarge et de Bruno Lafont n'ont pas commenté dans l'immédiat.

Le groupe est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), cinq millions d'euros à des groupes jihadistes, dont l'organisation Etat islamique (EI), ainsi qu'à des intermédiaires, afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, alors même que le pays s'enfonçait dans la guerre.

Des juges d'instruction parisiens enquêtent depuis juin 2017 après deux plaintes, l'une du ministère de l'Economie en septembre 2016 sur le non-respect de sanctions financières internationales, et l'autre deux mois plus tard déposée par les associations Sherpa, Centre européen pour les droits constitutionnels (ECCHR) ainsi que onze anciens salariés de LCS.

D'après le ministère public, Lafarge SA, des cadres et intermédiaires ont fourni ces cinq millions d'euros "dans l'intention de voir ces fonds utilisés ou en sachant qu'ils étaient destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre des actes de terrorisme, indépendamment de leur survenance, au profit des entités terroristes Ahrar al-Sham, Jabhat al-Nosra et État islamique".

"L'ensemble des mis en examen (inculpés, Ndlr) ont, dans une logique de recherche de profits" pour Lafarge ou pour eux-mêmes, "organisé, validé, facilité ou mis en œuvre une politique supposant de faire parvenir un financement aux organisations terroristes implantées autour de la cimenterie, à des périodes où cette qualification était factuellement établie, voire internationalement reconnue", assène le magistrat antiterroriste.

Pour l'ex-PDG Bruno Lafont, le Pnat estime qu'il "a validé la stratégie suivie en maintenant l'activité de la cimenterie en connaissance des financements distribués aux groupes terroristes".

Le parquet évacue aussi le serpent de mer du dossier, celui de "l'influence éventuelle des autorités étatiques" françaises dans ce maintien de l'activité de la cimenterie.

Pour le parquet antiterroriste, il n'est "pas établi que le groupe Lafarge ait fait l'objet d'une quelconque incitation directe à se maintenir en Syrie dans le contexte de la guerre civile en contradiction avec son propre intérêt économique et donc avec son propre processus de décision".

Le ministère public recentre la responsabilité sur Lafarge et ses cadres en estimant derechef qu'il n'est pas prouvé qu'au moment des faits visés, "les cadres du groupe aient partagé avec les services diplomatiques (français) les détails du fonctionnement sécuritaire mis en œuvre et supposant des paiements à des groupes armés terroristes".

"Victoire d'étape"

En juin, les magistrats instructeurs avaient disjoint et clôturé la partie financement du terrorisme pour continuer l'enquête sur un autre volet, portant sur une possible complicité de crimes contre l'humanité de la société.

Mi-janvier, la Cour de cassation a définitivement validé cette rarissime mise en examen, rendant plausible un autre procès, cette fois devant les assises, juridiction en charge des crimes.

Mais certaines parties civiles doutent désormais de la volonté de la justice française: "On espère vraiment que ce n'est pas une disjonction pour renvoyer aux calendes grecques ce volet portant sur les crimes contre l'humanité", a indiqué Me Clémence Bectarte, avocate du Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression.

La plus haute juridiction judiciaire avait en revanche annulé les poursuites pour mise en danger des salariés de la cimenterie.

"Ce réquisitoire est une victoire d'étape pour les clients, le parquet sollicitant le renvoi des mis en cause pour l'écrasante majorité des faits dénoncés" s'est félicité auprès de l'AFP l'un des avocats de salariés syriens, Me Joseph Breham.

En octobre 2022, Lafarge a plaidé coupable et accepté de payer une sanction financière de 778 millions de dollars aux Etats-Unis pour ces faits.

 


La manifestation de soutien à Le Pen "n'est pas un coup de force", dit Bardella

La présidente du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN), l'eurodéputé Jordan Bardella (G) et la présidente du groupe parlementaire du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, quittent le palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 26 août 2024, après leur rencontre avec le président français. (Photo by Bertrand GUAY / AFP)
La présidente du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN), l'eurodéputé Jordan Bardella (G) et la présidente du groupe parlementaire du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, quittent le palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 26 août 2024, après leur rencontre avec le président français. (Photo by Bertrand GUAY / AFP)
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  • « Ce n'est pas un coup de force, c'est au contraire une défense très claire et très profonde de l'État de droit et de la démocratie française.
  • « Cela nous semblait nécessaire que nous puissions nous exprimer directement aux Français.

STRASBOURG : La manifestation de soutien à Marine Le Pen prévue dimanche à Paris « n'est pas un coup de force », mais une mobilisation « pour la démocratie », a assuré mercredi Jordan Bardella, président du Rassemblement national, à des journalistes au Parlement européen à Strasbourg.

« Ce n'est pas un coup de force, c'est au contraire une défense très claire et très profonde de l'État de droit et de la démocratie française. C'est une mobilisation en réalité, non pas contre, mais pour la démocratie française », a déclaré l'eurodéputé au sujet de ce rassemblement annoncé par le RN après la condamnation de la triple candidate à la présidentielle à une peine d'inéligibilité immédiate.

« Cela nous semblait nécessaire (...) que nous puissions nous exprimer directement aux Français par l'intermédiaire de ces discours qui seront prononcés dimanche avec l'ensemble de nos cadres, de nos parlementaires et de nos militants », a-t-il ajouté.

Cette condamnation, que le RN qualifie de « scandale démocratique », compromet grandement ses chances de concourir une quatrième fois à la fonction suprême en 2027.

Pour Jordan Bardella, cela ne change « absolument rien » à sa relation avec Marine Le Pen, « si ce n'est qu'elle est peut-être encore plus forte qu'elle ne l'a été par le passé ».

« Je suis à ses côtés, je vais continuer à l'être (...) Nous allons évidemment mener le combat », a assuré l'eurodéputé qui faisait son retour au Parlement européen après avoir manqué les deux premiers jours de la session.

Il a qualifié de « bonne nouvelle » l'annonce de la justice qu'une décision en appel devrait être rendue « à l'été 2026 », donc bien avant la présidentielle.


Condamnation de Marine Le Pen: Macron rappelle au gouvernement l'indépendance de la justice

Le président français Emmanuel Macron (Photo AFP)
Le président français Emmanuel Macron (Photo AFP)
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  • Le président français Emmanuel Macron a « rappelé » que l'autorité judiciaire est indépendante et que les magistrats doivent être protégés
  • Le chef de l'État a également affirmé que « tous les justiciables ont droit au recours ».

PARIS : Mercredi en Conseil des ministres, le président français Emmanuel Macron a « rappelé » que l'autorité judiciaire est indépendante et que les magistrats doivent être protégés, après la condamnation de la cheffe de l'extrême droite Marine Le Pen qui a suscité des attaques contre les juges, ont rapporté des participants.

Le chef de l'État a également affirmé que « tous les justiciables ont droit au recours », selon ces sources. La justice a déjà fait savoir qu'un nouveau procès en appel pourrait se tenir dans des délais qui laissent une porte ouverte à une éventuelle candidature présidentielle en 2027 de la leader du Rassemblement national (RN), principale formation d'extrême droite française. 

Devant la presse, à l'issue du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas a rapporté mercredi les propos du chef de l'État.

« La première chose qu'il a rappelée, a poursuivi Mme Primas, est que la justice est évidemment indépendante et prend ses décisions en toute indépendance, et qu'il faut donc la respecter comme l'un des piliers de notre démocratie. La première, a-t-elle dit, est que la justice est indépendante et qu'elle prend ses décisions en toute indépendance et qu'il faut donc la respecter comme un pilier de notre démocratie.

« La troisième chose, pour rappeler que les menaces qui sont faites à l'encontre des magistrats sont absolument insupportables et intolérables, puisque nous sommes encore une fois dans une démocratie. Et la justice est tout à fait indépendante et doit être respectée », a-t-elle ajouté.

« Et la troisième chose, pour rappeler que chacun a le droit à une justice équivalente et que le droit est le même pour tous. »


Bac: l'épreuve de maths en première se précise pour l'an prochain

La ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Elisabeth Borne, lors d'une conférence de presse à l'issue d'une visite à l'école élémentaire Claude-Monnet à Rueil-Malmaison, en banlieue parisienne, le 28 mars 2025. (Photo Thomas SAMSON / AFP)
La ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Elisabeth Borne, lors d'une conférence de presse à l'issue d'une visite à l'école élémentaire Claude-Monnet à Rueil-Malmaison, en banlieue parisienne, le 28 mars 2025. (Photo Thomas SAMSON / AFP)
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  • Le Conseil supérieur de l'éducation (CSE, qui rassemble syndicats, associations de parents, collectivités, etc.) a majoritairement voté contre le projet de décret et d'arrêté
  • L'ex-ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, avait annoncé en décembre 2023 la création de cet examen sur le modèle de l'épreuve anticipée de français pour le baccalauréat en fin de première,

PARIS : Le projet d'épreuve de mathématiques en classe de première pour l'an prochain, qui vise à mettre en œuvre le « choc des savoirs » annoncé par l'ex-ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal, a été présenté mardi devant une instance consultative de l'Éducation nationale, étape-clé avant sa publication.

Le Conseil supérieur de l'éducation (CSE, qui rassemble syndicats, associations de parents, collectivités, etc.) a majoritairement voté contre le projet de décret et d'arrêté instaurant cette « épreuve terminale de culture mathématique aux baccalauréats général et technologique ».

Ils ont recueilli 0 voix pour, 27 contre, 31 abstentions et 4 refus de prendre part au vote (l'administration ne votant pas dans cette instance), un vote indicatif qui n'empêche pas la mise en œuvre de la réforme, selon des sources syndicales.

Cette épreuve écrite d'une durée de deux heures, qui entrera en vigueur au printemps 2026, sera « affectée d'un coefficient 2 » (points pris sur l’épreuve du Grand oral en terminale), selon ces textes, consultés par l'AFP.

L'ex-ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, avait annoncé en décembre 2023 la création de cet examen sur le modèle de l'épreuve anticipée de français pour le baccalauréat en fin de première, un projet confirmé en novembre 2024 par sa successeure, Anne Genetet.

Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, principal syndicat du second degré (collèges et lycées), qualifie auprès de l'AFP la mesure de « rafistolage supplémentaire du bac Blanquer », décidé en 2019 par l'ex-ministre Jean-Michel Blanquer.

Pour Jérôme Fournier, secrétaire national du SE Unsa, la nouvelle épreuve « alourdit la fin de l'année pour les élèves et les correcteurs ».

La première partie, qui est commune à tous les élèves, sera sous forme de QCM et pourrait être corrigée automatiquement, ce à quoi « de nombreuses organisations syndicales sont opposées », a-t-il ajouté, tandis que la deuxième partie devrait consister en des résolutions de problèmes.

Des projets de textes ont par ailleurs été votés au CSE relatif à « la mise en place du +parcours renforcé+ en classe de seconde générale et technologique » ou professionnelle à partir de la rentrée 2026, avec trois votes pour, 45 contre et 13 abstentions.

Mis en place par la ministre Élisabeth Borne, ce parcours est destiné aux élèves n’ayant pas obtenu le diplôme du brevet. Son organisation relèvera « de l’autonomie de l’établissement sur la base indicative de deux heures hebdomadaires sur tout ou partie de l’année », selon le projet d'arrêté.

Sophie Vénétitay déplore « une coquille vide » tandis que Tristan Brams (CFDT Éducation) regrette l'absence de « moyens supplémentaires ».