NANTES: "Habituellement, je suis la seule fille à aimer les maths à côté de plein de garçons", apprécie Clara, 15 ans, venue avec quelque 75 collégiennes et lycéennes assister à Nantes à une journée "filles, maths et informatique" dans une école d'ingénieurs.
Une journée organisée pour la première fois à Centrale Nantes pour encourager les vocations dans une école qui n'accueille que 25% d'étudiantes. Tout en discutant du "sexisme ordinaire" qui règne parfois dans le milieu scientifique, au risque de rebuter certaines candidates potentielles.
Au programme: jeux mathématiques, conférences, "speed-meeting" avec des femmes scientifiques et pièce de théâtre contre les préjugés sexistes.
"C’est encourageant de voir des femmes réussir dans ce domaine", s'enthousiasme Clara, élève en seconde dans un lycée de Gorges (Loire-Atlantique), qui se dit confortée dans sa vocation scientifique après cette journée.
"En s’adressant aux collégiennes, on espère avoir une influence le plus tôt possible", confie Marianne Bessemoulin, 39 ans, chargée de recherche en mathématiques au CNRS et à Nantes Université, qui organisait cette journée.
"Je ne me suis jamais empêchée de faire des maths parce que j’étais une fille mais j'ai eu de plus en plus de réflexions pas très sympathiques au fur et à mesure de mes études".
Maître de conférences en informatique à Nantes Université, Charlotte Truchet n’a pas voulu cacher aux adolescentes le "sexisme ordinaire" qui règne dans son secteur. "La différence, c’est que maintenant on en parle alors que dans ma génération, on faisait comme si cela n’existait pas".
Elève en 3e au collège La Durantière à Nantes, Fatoumata, 14 ans, avoue "ne pas trop aimer les maths, sauf le théorème de Pythagore".
Mais elle juge cette journée importante pour briser les clichés.
"On entend trop souvent les garçons dire qu’ils sont supérieurs aux filles, confie-t-elle. Dans ma classe, quand une fille est bonne en sport, ils font tout pour la rabaisser et la faire perdre... "
Remarques sexistes
Zoé, 16 ans, en seconde à Guérande (Loire-Atlantique), a aussi souffert de "remarques sexistes" dans son ancien lycée où elle était en filière professionnelle d’aquaculture.
"Les garçons disaient que les filles devaient écrire et nettoyer pendant les expériences. Maintenant, je vais m’orienter vers une première en Sciences et technologies de laboratoire sans me préoccuper de l’avis des autres".
Les enseignants qui les accompagnent savent qu’ils ont un rôle à jouer en la matière.
"Je veille à donner autant la parole aux filles qu’aux garçons et à ce qu’ils ne leur coupent pas la parole", souligne Aurélie Soulard, 45 ans, enseignante de mathématiques au lycée Charles-Péguy de Gorges.
"C’est une vigilance de tous les instants quand on voit à quel point les filles manquent de confiance en elles. Il faut d’ailleurs sensibiliser les parents qui sont plus enclins à encourager leurs garçons à aller vers les maths, même quand ils ne travaillent pas assez ".
Sorti le 25 janvier 2024, le livre "Matheuses, Les filles, avenir des mathématiques" (CNRS éditions) rappelle que cette discipline est la moins féminisée de l’université, avec 14% de femmes enseignantes chercheuses, et que la spécialité maths au lycée ne regroupe que 40% de filles quand elles représentent 54% des lycéens.
A l’échelle internationale, l’UNESCO souligne que seul un tiers des chercheurs en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques sont des femmes. Elle lancera le 9 février à Paris un appel à l’action pour "combler l’écart entre les genres en sciences".