La Chine avance ses pions en Afghanistan

Cette photographie prise le 28 janvier 2024 montre un vendeur afghan arrangeant des radiateurs chinois et d'autres produits dans un magasin du complexe China Town de Kaboul. (AFP)
Cette photographie prise le 28 janvier 2024 montre un vendeur afghan arrangeant des radiateurs chinois et d'autres produits dans un magasin du complexe China Town de Kaboul. (AFP)
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Publié le Mercredi 31 janvier 2024

La Chine avance ses pions en Afghanistan

  • Les vastes ressources naturelles de l'Afghanistan, comme le cuivre, le lithium ou les terres rares ont un grand potentiel économique pour la Chine
  • Assoiffée d'hydrocarbures, la Chine s'intéresse également au pétrole afghan

KABOUL: Premier et seul pays à ce jour à avoir nommé un ambassadeur en Afghanistan depuis le retour des talibans, dont le gouvernement n'est reconnu par aucune capitale, la Chine avance ses pions chez son voisin d'Asie centrale.

Rencontres ministérielles, discussions sur l'essor du commerce bilatéral et sur un gigantesque investissement chinois dans le cuivre, ouverture d'une route entre les deux pays, Pékin entretient des relations suivies avec un pays largement considéré comme paria dans le monde.

"Les Etats-Unis se sont totalement détournés de l'Afghanistan, l'Union européenne reste inflexible sur les atteintes aux droits des femmes afghanes, alors les Chinois se disent 'c'est notre tour'", explique un ancien diplomate familier de ce pays.

"Fondamentalement, la Chine se moque des droits des femmes, si son intérêt est de se rapprocher du régime taliban, elle ne va pas y mettre des conditions", estime Valérie Niquet, de la Fondation pour la recherche stratégique, à Paris.

Au plan diplomatique, la Chine a apporté son soutien fin décembre à l'Afghanistan en étant le seul des 15 membres du Conseil de sécurité de l'ONU avec la Russie à s'abstenir lors du vote d'une résolution sur la nomination d'un envoyé spécial, dont les talibans ne veulent pas entendre parler.

Le ministère chinois des Affaires étrangères avait tenté en décembre de minimiser la portée de la nomination de l'ambassadeur Zhao Xing à Kaboul, espérant que "l'Afghanistan répondra(it) davantage aux attentes de la communauté internationale".

Mais la démarche chinoise, aussi acrobatique soit-elle -- échange d'ambassadeurs sans reconnaissance officielle -- permet bel et bien à Pékin d'avoir des relations diplomatiques avec un pays isolé, dont les avoirs sont gelés en Occident et les dirigeants sous sanctions internationales.

L'Emirat islamique d'Afghanistan "est un terrain difficile, mais la caractéristique des Chinois c’est d’aller là où personne ne va, en essayant d'obtenir des avantages", estime Valérie Niquet.

"Les Chinois tendent la main aux Afghans, qui ont besoin de toutes les aides possibles".

Ressources naturelles

"Les vastes ressources naturelles de l'Afghanistan, comme le cuivre, le lithium ou les terres rares ont un grand potentiel économique pour la Chine", relève pour sa part Jalal Bazwan, professeur en sciences politiques à l'Université Kardan, à Kaboul.

Ainsi, dès son installation en décembre, l'ambassadeur de l'Afghanistan à Pékin, Bilal Karimi, a mené des discussions avec la compagnie publique chinoise MCC sur Mes Aynak, le deuxième plus grand gisement de cuivre du monde, à 40 km de Kaboul.

MCC en avait obtenu en 2008, sous le gouvernement d'Hamid Karzai, les droits d'exploitation pour 3,5 milliards de dollars.

Le projet a été paralysé par la guerre et l'insécurité ainsi que la découverte d'un inestimable site archéologique bouddhique.

"On est en train de négocier avec les Chinois", déclare à l'AFP Hamayoon Afghan, porte-parole du ministère des Mines.

"Ces biens historiques sont un trésor culturel pour l'Afghanistan, son identité", dit-il, 23 ans après que les talibans ont stupéfié la planète en dynamitant les bouddhas de Bamiyan.

Une commission interministérielle afghane étudie une proposition de MCC de creuser à 800 mètres de profondeur, pour atteindre les filons de cuivre sans endommager le site en surface.

Assoiffée d'hydrocarbures, la Chine s'intéresse également au pétrole afghan.

Depuis la renégociation en janvier 2023, pour 25 ans, d'un ancien contrat dans le bassin de l'Amu (nord-ouest), l'extraction sino-afghane a commencé dans 18 puits, indique M. Afghan.

Toujours dans l'énergie, des entreprises chinoises viennent d'exprimer leur intention d'investir un demi-milliard de dollars dans le solaire en Afghanistan.

Nouvelles routes de la soie 

Par ailleurs, une route de 300 km qui doit relier le Badakshan (nord-est) à la frontière chinoise est en construction, a indiqué à l'AFP le porte-parole du ministère des Travaux publics, Ashraf Haqshanas.

Les deux pays partagent une frontière de seulement 76 km et cet axe va permettre l'essor du commerce, qui reste modeste, avec 1,5 milliard de dollars par an.

Mais la sécurité de ses investissements est cruciale pour la Chine. L'assaut meurtrier du groupe Etat Islamique, en décembre 2022, contre un hôtel de Kaboul hébergeant des Chinois, avait choqué Pékin.

"Les talibans ont assuré à la Chine qu'ils empêcheraient que le sol afghan soit utilisé pour des attentats terroristes contre ses voisins", dit M. Bazwan, évoquant la rébellion larvée des Ouïghours musulmans du Xinjiang.

Enfin, dans le cadre de ce rapprochement, Pékin exerce sur l'Afghanistan son "soft power" en livrant de l'aide humanitaire, notamment après le séisme d'octobre à Herat (ouest).

A Kaboul, on voit une modeste présence chinoise dans le "Chinatown", deux immeubles où l'on vend des produits chinois bon marché.

"The Belt and Road" (Ceinture et Route), est inscrit en lettres rouges au sommet de l'édifice, en référence au projet de nouvelles routes de la soie d'axes routiers, ferroviaires et maritimes entre la Chine, l'Asie centrale et l'Europe.

L'intégration de l'Afghanistan dans ce maillage titanesque est en discussion.

"La position stratégique de l'Afghanistan le long de l'initiative 'Belt and road' en fait un partenaire attrayant", estime M. Bazwan, à l'heure où Pékin "cherche à étendre son influence et à s'ouvrir de nouveaux marchés en Asie centrale et du Sud".

L'Afghanistan pourrait s'intégrer aussi au Corridor économique Chine-Pakistan devant aboutir au port de Gwadar (sud), dans le Baloutchistan, un débouché stratégique pour la Chine sur la mer d'Arabie.


Israël : Netanyahu revient sur son choix pour la direction du Shin Bet

Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien (Photo AFP)
Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien (Photo AFP)
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  • La nomination de l'amiral Sharvit a été critiquée aux États-Unis par le sénateur républicain Lindsey Graham, proche du président américain Donald Trump. 
  • M. Netanyahu avait annoncé la nomination d'Eli Sharvit comme nouveau chef du Shin Bet lundi, malgré le gel par la Cour suprême du limogeage du directeur en exercice de l'agence, Ronen Bar.

JERUSALEM : Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé mardi être revenu sur son choix pour le nouveau directeur de l'Agence de la sécurité intérieure (Shin Bet) après que son candidat a été critiqué à Washington par un influent sénateur.

« Lundi, M. Netanyahu a de nouveau rencontré le vice-amiral [Eli] Sharvit à propos de sa nomination à la tête du Shin Bet », indique un communiqué du Bureau du Premier ministre.

Il l'a « remercié [...] d'avoir répondu à l'appel du devoir, mais l'a informé qu'après plus ample considération, il avait l'intention d'examiner d'autres candidatures », a indiqué un communiqué du bureau de M. Netanyahu.

Ce revirement soudain survient après que la nomination de l'amiral Sharvit a été critiquée aux États-Unis par le sénateur républicain Lindsey Graham, proche du président américain Donald Trump. 

« S'il est vrai que l'Amérique n'a pas de meilleur ami qu'Israël, la nomination d'Eli Sharvit comme nouveau chef du Shin Bet est plus que problématique », a écrit M. Graham sur X.

« Mon conseil à mes amis israéliens est de changer de cap et d'examiner plus minutieusement le passé de leur candidat », a-t-il ajouté, notant que des « déclarations » de l'amiral Sharvit « sur le président Trump et sa politique créeraient des tensions inutiles à un moment critique ».

M. Netanyahu avait annoncé la nomination d'Eli Sharvit comme nouveau chef du Shin Bet lundi, malgré le gel par la Cour suprême du limogeage du directeur en exercice de l'agence, Ronen Bar.

La décision de démettre M. Bar de ses fonctions, en qui M. Netanyahu dit ne plus avoir confiance, est fortement critiquée en Israël où les manifestations se multiplient contre le gouvernement et contre ce qui est perçu par ses opposants comme une dérive dictatoriale du Premier ministre.


Ukraine : Poutine « reste ouvert à tout contact » avec Trump, après ses critiques selon le Kremlin

Zelensky, Trump et Poutine (Photo AFP)
Zelensky, Trump et Poutine (Photo AFP)
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  • « Le président reste ouvert à tout contact avec le président Trump », a indiqué le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
  • Ce changement de ton a tranché avec la dynamique de rapprochement impulsée par Donald Trump et Vladimir Poutine depuis le retour du premier à la Maison Blanche en janvier.

MOSCOU : Vladimir Poutine « reste ouvert à tout contact » avec son homologue américain Donald Trump, a affirmé lundi le Kremlin, après les critiques du locataire de la Maison Blanche à l'encontre du président russe malgré leur rapprochement entamé depuis plusieurs semaines.

« Le président reste ouvert à tout contact avec le président Trump », a indiqué le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, lors de son briefing quotidien, précisant qu'« aucun » nouvel appel entre les deux dirigeants n'était « prévu pour l'instant ».

Donald Trump a dit à la chaîne américaine NBC être « très énervé, furieux » envers son homologue russe, après que ce dernier eut évoqué l'idée d'une « administration transitoire » en Ukraine, sans son président actuel, Volodymyr Zelensky.

Ce changement de ton a tranché avec la dynamique de rapprochement impulsée par Donald Trump et Vladimir Poutine depuis le retour du premier à la Maison Blanche en janvier.

Ces dernières semaines, Moscou et Washington ont convenu d'une remise à plat de leurs relations bilatérales, très fortement dégradées par des années de tensions, qui ont culminé depuis 2022 avec le déclenchement de l'assaut russe contre l'Ukraine, soutenue par les États-Unis.

Donald Trump, qui souhaite mettre fin au conflit le plus rapidement possible, a également menacé la Russie de nouvelles taxes sur le pétrole russe si aucun accord n'était trouvé.

Or, la manne financière issue de la vente de son or noir est vitale pour Moscou, qui doit financer son offensive en Ukraine, particulièrement coûteuse.

Le président russe Vladimir Poutine a rejeté plus tôt ce mois-ci la proposition de cessez-le-feu inconditionnel de Donald Trump en Ukraine, que Kiev avait pourtant acceptée sous pression américaine.

Lundi, Dmitri Peskov a martelé que la Russie continuait à travailler « tout d'abord sur l'établissement de relations bilatérales et nous travaillons également sur la mise en œuvre de certaines idées liées au règlement ukrainien ».

« Le travail est en cours. Il n'y a pas encore de détails précis. Il s'agit d'un processus qui prend du temps, probablement en raison de la complexité du sujet », a-t-il poursuivi.


Lutte contre l'immigration clandestine : plus de 40 pays réunis à Londres

Des sauveteurs britanniques aident une vingtaine de migrants sur un bateau semi-rigide essayant de traverser la Manche depuis la France (Photo, AFP).
Des sauveteurs britanniques aident une vingtaine de migrants sur un bateau semi-rigide essayant de traverser la Manche depuis la France (Photo, AFP).
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  • Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, accueille ce lundi à Londres les représentants d'une quarantaine de pays pour un sommet de deux jours dédié à la lutte contre l'immigration illégale.
  • Les trois premiers mois de l'année ont toutefois été marqués par un nouveau record d'arrivées, avec un total de 5 840 personnes ayant traversé la Manche à bord de ces embarcations de fortune.

LONDRES : Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, accueille ce lundi à Londres les représentants d'une quarantaine de pays pour un sommet de deux jours dédié à la lutte contre l'immigration illégale, un dossier prioritaire pour Londres.

Le dirigeant travailliste, qui a pris ses fonctions en juillet dernier, a promis, comme ses prédécesseurs conservateurs, d'endiguer le phénomène des « small boats » (petits bateaux) en luttant contre les réseaux de passeurs.

Les trois premiers mois de l'année ont toutefois été marqués par un nouveau record d'arrivées, avec un total de 5 840 personnes ayant traversé la Manche à bord de ces embarcations de fortune.

Keir Starmer donnera le coup d'envoi de ce « premier grand sommet international organisé au Royaume-Uni pour faire face à l'urgence de l'immigration clandestine », qui se tiendra sous la houlette de la ministre de l'Intérieur Yvette Cooper.

Le ministre français Bruno Retailleau et son homologue allemande Nancy Faeser sont attendus, de même que des représentants du reste de l'Europe, d'Asie, du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Amérique du Nord, y compris des États-Unis.

Les discussions porteront sur la collaboration entre les États pour démanteler les réseaux de passeurs de migrants, notamment vers le Royaume-Uni et les pays de l'Union européenne.

« Je ne crois tout simplement pas qu'il soit impossible de s'attaquer à la criminalité organisée liée à l'immigration », a déclaré le dirigeant travailliste dans un communiqué diffusé dimanche par le ministère de l'Intérieur.

- « Consensus mondial » -

« Nous devons combiner nos ressources, partager nos renseignements et nos tactiques, et nous attaquer au problème en amont », doit-il ajouter.

Ce sommet s'inscrit dans le prolongement des discussions que Mme Cooper avait eues en décembre avec ses homologues belge, allemand, français et néerlandais.

Les cinq pays avaient alors signé un plan d'action commun destiné à renforcer la coopération pour lutter contre ces réseaux de passeurs de migrants.

Le sommet de cette semaine réunira des représentants de pays de départ de migrants, comme le Vietnam ou l'Irak, ainsi que de pays de transit, comme ceux des Balkans.

Il réunira également le directeur de la Border Force, l'agence responsable des opérations de contrôle de la frontière au Royaume-Uni, ainsi que des représentants d'Interpol, d'Europol et d'Afripol.

Selon le ministère britannique de l'Intérieur, les ministres discuteront de l'équipement, de l'infrastructure et des faux papiers que les bandes criminelles utilisent pour faire entrer des personnes illégalement.

Ils examineront également le fonctionnement des filières et chercheront à « établir un consensus mondial sur la lutte » contre le recrutement de migrants en ligne.

Les Britanniques souhaitent également voir avec la Chine comment elle peut cesser d'exporter des moteurs et d'autres pièces détachées de petits bateaux utilisés pour les traversées de la Manche.

Keir Starmer est sous pression, face à la montée du parti anti-immigration Reform UK de Nigel Farage, qui a obtenu environ quatre millions de voix lors des élections générales de juillet, un résultat sans précédent pour un parti d'extrême droite.

Le Premier ministre a comparé les passeurs d'immigrés clandestins à des « terroristes ». En réponse, son gouvernement a introduit un projet de loi conférant aux forces de l'ordre des pouvoirs comparables à ceux dont elles disposent en matière de lutte antiterroriste, afin de combattre ces réseaux.

En février, le gouvernement a durci les règles d'acquisition de la nationalité pour la rendre pratiquement impossible à une personne arrivée illégalement au Royaume-Uni.

Il a aussi annoncé des règles plus strictes en matière de droit du travail.

« Fermer les yeux sur le travail illégal fait le jeu des passeurs qui tentent de vendre des places sur des bateaux peu solides et surchargés en promettant un travail et une vie au Royaume-Uni », a déclaré dimanche Mme Cooper, citée dans un communiqué de son ministère.

Au total, plus de 157 770 migrants sont arrivés au Royaume-Uni en traversant la Manche à bord de petites embarcations depuis que le gouvernement a commencé à collecter des données en 2018.