BAGDAD: Après l'attaque de drone qui a tué dimanche trois soldats américains dans le nord-est de la Jordanie, près des frontières syrienne et irakienne, les Etats-Unis ont accusé "des groupes de combattants radicaux soutenus par l'Iran" opérant en Syrie et en Irak.
Affiliées aux anciens paramilitaires pro-Iran du Hachd al-Chaabi, ces factions jouissent d'un rôle politique incontournable en Irak, cultivant une rhétorique mettant en avant leur hostilité aux Etats-Unis et leur engagement avec ce que l'Iran appelle "l'axe de la résistance" face à Israël et Washington.
Les Etats-Unis ont promis des représailles "conséquentes" à l'attaque en Jordanie. L'Iran a démenti toute implication.
Nébuleuse de groupes armés
L'attaque en Jordanie présente le même modus operandi que les tirs de roquettes et frappes de drones menés depuis la mi-octobre contre les soldats américains et ceux de la coalition internationale engagée contre le groupe djihadiste Etat islamique (EI), en Irak et en Syrie.
Illustrant un contexte régional explosif, ces attaques - 165 au total - sont une répercussion de la guerre à Gaza opposant Israël et le Hamas palestinien depuis le 7 octobre.
La plupart ont été revendiquées par la "Résistance islamique en Irak", nébuleuse de combattants issus de groupes pro-Iran qui dit agir par solidarité avec les Palestiniens et réclame le départ d'Irak des quelque 2.500 soldats américains déployés en Irak dans le cadre de la coalition anti-EI.
En représailles, Washington a ciblé les Brigades du Hezbollah et Al-Noujaba, deux groupes qui affichent leur participation aux actions de la "Résistance", incluant également les Brigades Sayyed al-Chouhada.
Classées "terroristes" par Washington, ces factions se réclament de "l'axe de la résistance", aux côtés du Hezbollah libanais, des Houthis du Yémen et du Hamas.
Elles ont aussi des combattants engagés en leur nom propre dans le conflit en Syrie, en soutien au régime, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme.
Mardi soir, les Brigades du Hezbollah ont annoncé "suspendre" leurs opérations militaires contre les troupes américaines après les menaces de représailles des Etats-Unis, "afin d'éviter tout embarras au gouvernement irakien".
Quelles origines?
Ces groupes sont formellement affiliés au Hachd al-Chaabi -Mobilisation populaire-, coalition d'ex-paramilitaires lancée en juin 2014 pour épauler les forces irakiennes contre l'EI.
Sa création répondait à la fatwa de l'ayatollah Ali al-Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d'Irak, appelant au "jihad" contre l'EI. En 2016, une loi a intégré le Hachd aux forces régulières, sous les ordres du Premier ministre.
Le Hachd contribuera à la défaite infligée à l'EI en 2017 par l'Irak, soutenu par la coalition antidjihadistes emmenée par Washington.
Il avait puisé ses effectifs dans des groupes armés chiites ayant lutté, après l'invasion de 2003, contre les forces américaines.
Durant la guerre contre l'EI, de nouveaux groupes armés ont été fondés et entraînés par le général iranien Qassem Soleimani, haut commandant des Gardiens de la révolution iraniens tué dans une frappe américaine à Bagdad en janvier 2020.
Aujourd'hui le Hachd comprend des dizaines de groupes et plus de 160.000 membres selon des estimations. Ni les autorités, ni l'organisation ne communiquent sur le nombre de ses effectifs.
Au fil des ans, plusieurs dirigeants émergent. Notamment Abou Mehdi al-Mouhandis, ex-opposant autrefois réfugié en Iran et lieutenant irakien de Qassem Soleimani. Il a été tué avec ce dernier.
Politique et économie
Les attaques ont mis dans l'embarras le gouvernement irakien de Mohamed Chia al-Soudani, porté au pouvoir par une coalition de partis chiites pro-Iran et une majorité parlementaire incluant le Hachd qui dispose de députés depuis 2018.
M. Soudani a condamné les attaques contre la coalition internationale et souligné l'engagement du gouvernement à protéger les troupes étrangères.
Toutefois le contexte explosif l'a poussé à initier des discussions avec Washington pour un calendrier de retrait selon Bagdad.
Sa majorité parlementaire pro-Iran a salué ce processus, tout comme elle a condamné les tirs de roquettes en décembre contre l'ambassade américaine.
Outre leur rôle politique, les groupes du Hachd s'attachent à diversifier leurs activités. Cultivant leur soft power, ils disposent de chaînes de télévision, produisent films ou feuilletons télévisés.
Le gouvernement, qui veut moderniser les infrastructures, a confié au Hachd la gestion d'une entreprise de travaux publics, fondée fin 2022 avec un capital d'environ 68 millions de dollars.
La société "Al-Mouhandis" englobe notamment "des projets industriels, l'exploitation minière, des projets agricoles à grande échelle", et l'importation d'équipements", selon le Washington institute, un centre de réflexion américain.