À quel point les enquêtes israéliennes sur la guerre sont-elles efficaces et à qui profitent-elles exactement?

Cette photo prise lors d’une tournée médiatique organisée par l’armée israélienne le 8 janvier 2024, montre des troupes opérant dans la zone d’al-Bureij dans le centre de la bande de Gaza. (AFP)
Cette photo prise lors d’une tournée médiatique organisée par l’armée israélienne le 8 janvier 2024, montre des troupes opérant dans la zone d’al-Bureij dans le centre de la bande de Gaza. (AFP)
Malgré la portée limitée de l’enquête, les organisations humanitaires ont salué la volonté de l’armée de rendre des comptes. (AP)
Malgré la portée limitée de l’enquête, les organisations humanitaires ont salué la volonté de l’armée de rendre des comptes. (AP)
Malgré la portée limitée de l’enquête, les organisations humanitaires ont salué la volonté de l’armée de rendre des comptes. (AP)
Malgré la portée limitée de l’enquête, les organisations humanitaires ont salué la volonté de l’armée de rendre des comptes. (AP)
Malgré la portée limitée de l’enquête, les organisations humanitaires ont salué la volonté de l’armée de rendre des comptes. (AP)
Malgré la portée limitée de l’enquête, les organisations humanitaires ont salué la volonté de l’armée de rendre des comptes. (AP)
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Publié le Dimanche 21 janvier 2024

À quel point les enquêtes israéliennes sur la guerre sont-elles efficaces et à qui profitent-elles exactement?

  • L’enquête menée par l’armée israélienne sur les défaillances des services de renseignement et de sécurité avant le 7 octobre a révélé de profondes divergences au sein de l’élite israélienne
  • Les experts juridiques affirment que de telles enquêtes existent pour blanchir la réputation d’Israël et semblent avoir peu de conséquences

LONDRES: Les tensions entre les dirigeants israéliens ont récemment été mises en évidence lorsque l’armée israélienne aannoncé qu’elles procédait à une enquête sur les défaillances des services de renseignement et de sécurité avant l’attaque du Hamas du 7 octobre.

Cette décision marque une rupture importante avec la position précédemment unifiée des élites politiques et militaires israéliennes, qui affirmaient qu’aucune enquête de ce type n’aurait lieu tant que la guerre à Gaza serait en cours.

Or, l’enquête n’a pas pour but de se pencher sur le nombre de victimes civiles du conflit, mais plutôt de déterminer, selon les termes d’un porte-parole de l’armée, comment «minimiser les pertes pour nos forces».

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Des soldats de l’armée israélienne prennent position lors d’un raid militaire dans le camp de réfugiés d’Askar, près de la ville de Naplouse en Cisjordanie, le 31 décembre 2023. (AP)

Hassan ben Imrane, avocat et membre du conseil d’administration de Law for Palestine, a déclaré qu’il n’était pas surpris que l’enquête de l’armée israélienne ne se concentre pas sur le nombre élevé de morts palestiniens à Gaza, qui a désormais dépassé les 24 000, selon le ministère de la Santé dirigé par le Hamas.

«Je n'ai connaissance d’aucun cas où les victimes palestiniennes d’enquêtes ou de procédures judiciaires israéliennes ont eu à répondre de leurs actes», confie M. Imrane à Arab News. 

Néanmoins, l’ouverture de l'enquête par Herzi Halevi, le chef d’état-major israélien, a créé un schisme entre les ministres et les responsables militaires, les membres de la coalition gouvernementale de Benjamin Netanyahou étant particulièrement vexés que l’armée israélienne mène une enquête sur elle-même.

 

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Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou visite la ligne de front à Gaza pendant les premiers jours de l’offensive de l’armée israélienne sur Gaza, en octobre 2023. (AP)

 

Malgré la portée limitée de l’enquête, les organisationshumanitaires ont salué la volonté de l’armée de rendre des comptes.

«Évidemment, Oxfam soutient tous les efforts visant à enquêter et à traiter toutes les atrocités criminelles de masse et toutes les violations des droits de l’homme, quel qu’en soit l'auteur», affirme un porte-parole de l’ONG à Arab News. 

L’enquête a également obtenu le soutien des rivaux politiques de M. Netanyahou, notamment Benny Gantz, qui fait partie du cabinet de guerre formé après l’attentat du 7 octobre.

M. Gantz, qui a déjà été à la tête de l’armée israélienne, a qualifié les critiques formulées à l’encontre de l’enquête d’«attaque à motivation politique en pleine guerre», ajoutant qu’il n’avait jamais vu une conduite aussi médiocre après que des échauffourées ont éclaté au sujet de l’enquête lors d’une réunion du cabinet de sécurité, le 4 janvier.

Cette enquête est la deuxième menée par l’armée depuis qu’Israël a lancé son opération militaire contre le groupe militant palestinien Hamas à Gaza, à la suite de l’attaque sans précédent menée par le groupe le 7 octobre, qui a fait quelque 1200 morts et 240 otages.

La première enquête portait sur l’assassinat accidentel par l’armée israélienne de trois otages qui avaient échappé à la captivité du Hamas. Ils ont été assassinés malgré le fait qu’ils brandissaient un drapeau blanc portant l’inscription «SOS» en hébreu et qu’ils s’étaient entièrement dévêtus, à l’exception de leurs sous-vêtements, pour montrer qu’ils n’étaient pas armés.

Marco Sassoli, professeur de droit international à l’Université de Genève, a relevé la rapidité avec laquelle l’enquête sur la mort des otages a été ouverte et conclue.

«Lorsque l’armée israélienne a tué les otages israéliens, elle a immédiatement annoncé l’ouverture d’une enquête. Les conclusions de l’enquête ont été publiées avec la même rapidité», raconte M. Sassoli à Arab News. En effet, l’enquête a publié ses conclusions sur les assassinats du 18 décembre moins d’une semaine plus tard, le 21 décembre.

«Mais nous savons que l’armée israélienne a également tué de nombreux Palestiniens, y compris des combattants du Hamas, qui pourraient éventuellement se rendre et qui doivent alors être respectés. De tels meurtres constitueraient une violation des lois de la guerre.»

 

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Les otages Alon Shamriz (à gauche), Samer Al-Talalka (au centre) et Yotam Haim ont été tués par des soldats israéliens alors qu’ils s’étaient fait identifier comme otages. (Photo, AP)

 

Pour Hassan ben Imrane et Marco Sassoli, le caractère limité de la dernière enquête sur les défaillances des services derenseignement reflète la réticence de l’armée, du gouvernement et du système judiciaire israéliens à examiner le comportement de leurs troupes et la conduite de la guerre.

Cette réticence est commune à de nombreux gouvernements, a précisé M. Sassoli, rappelant que les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie n’ont pas enquêté immédiatement sur les allégations de mauvaise conduite de leurs propres troupes en temps de guerre.

«Si l’on se penche sur les guerres d’Israël, on peine à trouver des responsables pour le comportement des troupes, des commandants et des hommes politiques qui ont été à l’origine de violations du droit humanitaire international. De même, si l’on se tourne vers les États-Unis, qu’en est-il de la reddition de comptes concernant Guantanamo Bay ?», a-t-il souligné. 

«En vertu du droit international humanitaire, il existe une obligation d’enquêter sur les crimes de guerre — non pas sur chaque acte de guerre, mais sur les épisodes où il semble qu’un crime de guerre ait pu être commis.»

 

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L’avocat palestinien Hassan ben Imrane a déclaré qu’il n’était pas surpris que l’enquête de l’armée israélienne ne se concentre pas sur le nombre élevé de morts palestiniens à Gaza. (AP)

 

Obligé ou non, Israël semble peu enclin à lancer une telle enquête, du moins dans l’immédiat. Toutefois, rappelant les précédentes enquêtes menées par les Israéliens sur des actes commis à l’encontre de Palestiniens, M. Imrane a assuré qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter.

«Israël a tendance à utiliser son système judiciaire d’une manière qui pourrait être assimilée à l’idée du “bon flic/mauvais flic”», a-t-il expliqué.

«Essentiellement, les tribunaux et les enquêtes existent pour un but et ce but est de  blanchir la mauvaise réputation d’Israël. Il y a une affaire sur laquelle ils se focalisent particulièrement, celle des colons israéliens qui ont tué la famille Dawabsheh et brûlé vif leur fils de 18 mois.»

Dans cette affaire, l’un des auteurs de l’incendie criminel a été condamné à perpétuité et un autre, mineur au moment des faits, à une peine de 42 mois.

Cependant, même dans cette affaire, M. Imrane a indiqué que l’enquête n’était pas «sérieuse», mais qu’il s’agissait plutôt d’une décision politique destinée à rendre le gouvernement israélien plus présentable sur la scène internationale.

«Il existe des exemples plus récents de ce blanchiment de réputation, notamment lorsque la Cour suprême a érigé en infraction pénale l’incitation au génocide», a-t-il ajouté. 

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Le caractère limité de la dernière enquête sur les défaillances des services de renseignement reflète la réticence de l’armée, du gouvernement et du système judiciaire israéliens à examiner le comportement de leurs troupes et la conduite de la guerre, estime Marco Sassoli, professeur de droit international à l’Université de Genève. (Photo, AFP)

 

«Mais cela n’a été réalisé qu’après 95 jours d’actes et de déclarations génocidaires de la part de tous les Israéliens, et après que l’Afrique du Sud a engagé des poursuites contre Israël devant la Cour internationale de justice.»

«Il s’agit de soutenir les revendications que l’équipe de défense du gouvernement présentera à la Cour.»

Alexander Hinton, directeur du Centre d’étude des génocides et des droits de l’homme de l’université Rutgers, dans le New Jersey, comprend le sentiment de résignation que de telles enquêtes peuvent susciter.

«Ces enquêtes sont toujours politiques et semblent parfois n’avoir que peu de conséquences. Toutefois, elles sont importantes car elles peuvent avoir un effet dissuasif, exposer les faits, identifier les coupables et, parfois, aboutir à l’obligation de rendre des comptes, voire à un procès», explique-t-il à Arab News.

«Cette possibilité ne plaît pas à certains membres de droite du gouvernement de Netanyahou.»

M. Sassoli est, lui aussi, moins cynique dans son évaluation des avantages des futures enquêtes sur le conflit.

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Un garçon palestinien assis sur les décombres d’un bâtiment détruit après une frappe israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 29 décembre 2023. (AP)

Bien qu’il ne les considère pas comme un baume pour les victimes, il estime néanmoins qu’il est important de «ne pas perdre espoir» dans la capacité des enquêtes à apporter des changements à l’avenir, tout en reconnaissant que pour ce faire, il est nécessaire d’élargir leur portée.

«C’est le cas pour les enquêtes militaires en général, mais en ce qui concerne Israël et la Palestine, le contexte est essentiel», a-t-il noté.

«D’un point de vue académique et humanitaire, une véritable enquête aborderait les questions relatives aux blocus, aux colonies et peut-être aussi au manque de perspective accordé à la population israélienne dans son environnement médiatique.»

En l'absence d'une telle portée, M. Sassoli estime que ces enquêtes revêtent quand même une certaine importance et qu’elles exercent une certaine pression sur les dirigeants politiques d’Israël.

Lorsqu’on lui demande si cette pression se traduit par des différences opérationnelles sur le terrain, il admet qu’il est«difficile de répondre à cette question». Si on lui avait posé la question il y a six mois, il aurait été enclin à répondre par l’affirmative.

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Des proches pleurent le corps de Hamza al-Dahdouh, journaliste de la chaîne de télévision Al Jazeera, tué lors d’une frappe aérienne israélienne à Rafah, dans la bande de Gaza, le 7 janvier 2024. Une enquête est en cours sur la conduite de la guerre de l’armée israélienne. (AFP)
 

«Mais aujourd’hui, on assiste à quelque chose qui s’apparente à la réponse des États-Unis à la guerre contre le terrorisme, au cours de laquelle les politiciens ont essentiellement imposé une approche “sans gants”», observe M. Sassoli, faisant référence aux allégations entourant l’utilisation de techniques d’interrogatoire renforcées et de restitutions extraordinaires au cours de la période qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001 à Washington et à New York.

«D'une certaine manière, j’estime qu’il est très important de comprendre cela. Si l’on reprend l’exemple des États-Unis, l’armée américaine s’est montrée incroyablement réticente à utiliser la torture préconisée par (l’ancien secrétaire à la défense Donald) Rumsfeld, et ce n’est que sous l’effet d’une pression politique massive que l’armée a accepté de telles techniques.» 

«Je pense que les revendications de Gaza indiquent que les violations du droit international par l’armée israélienne sont le résultat de pressions politiques. Ce sont les hommes politiques et certains avocats militaires qui posent problème.»

Si c’est le cas, un nouveau groupe d’hommes politiques israéliens pourrait être plus ouvert à mener une enquête qui conduirait à des changements tangibles dans le traitement des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie par l’armée.

Un tel changement pourrait être imminent, certaines informations suggérant que M. Gantz s’est lassé des incessantesmanœuvres politiciennes au sein du camp de M. Netanyahou.

 

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Pour Benny Gantz, membre du conseil de guerre israélien et ancien chef de l’armée, la critique de l’enquête est «une attaque à motivation politique en pleine guerre». (Photo, AFP)

Le mépris supposé de M. Gantz pour son partenaire de coalition semble découler de la conviction largement répandue selon laquelle l’objectif principal du Premier ministre sortant est de se décharger de sa responsabilité dans l’attaque du Hamas qui a déclenché la guerre, plutôt que de résoudre le conflit avec les Palestiniens.

Cependant, M. Imrane reste sceptique quant au fait qu’une administration, actuelle ou future, puisse lancer une enquête qui bénéficierait aux Palestiniens.

Le gouvernement israélien ne s’occupe des Palestiniens que«lorsqu’ils constituent un problème, au niveau national ou international», a-t-il constaté.

«Les accords d’Oslo, par exemple, n’ont été conclus qu’après la première Intifada. C’est la raison pour laquelle ils ont ressenti le besoin de négocier. Ils ont besoin de se protéger. Le gouvernement israélien est entièrement centré sur lui-même.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Abbas appelle le Hamas à libérer les otages à Gaza, frappes israéliennes meurtrières

Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé mercredi le Hamas à libérer les derniers otages retenus à Gaza, où des frappes israéliennes ont fait 25 morts, selon les secours, laissant des "corps calcinés" et des victimes ensevelies sous les décombres. (AFP)
Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé mercredi le Hamas à libérer les derniers otages retenus à Gaza, où des frappes israéliennes ont fait 25 morts, selon les secours, laissant des "corps calcinés" et des victimes ensevelies sous les décombres. (AFP)
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  • Le président palestinien a affirmé mercredi depuis Ramallah, en Cisjordanie occupée, que le Hamas avait fourni à Israël "des prétextes pour commettre ses crimes dans la bande de Gaza, le plus flagrant (de ces prétextes) étant la détention d'otages"
  • "C'est moi qui en paie le prix, notre peuple en paie le prix, pas Israël (...) Libérez-les", a déclaré Mahmoud Abbas, qui n'exerce plus d'autorité sur Gaza depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007

GAZA: Le président palestinien Mahmoud Abbas a appelé mercredi le Hamas à libérer les derniers otages retenus à Gaza, où des frappes israéliennes ont fait 25 morts, selon les secours, laissant des "corps calcinés" et des victimes ensevelies sous les décombres.

Rompant une trêve de deux mois, Israël a repris le 18 mars son offensive sur le territoire palestinien, affirmant vouloir contraindre le mouvement islamiste à libérer les otages qu'il retient depuis l'attaque du 7 octobre 2023.

Le président palestinien a affirmé mercredi depuis Ramallah, en Cisjordanie occupée, que le Hamas avait fourni à Israël "des prétextes pour commettre ses crimes dans la bande de Gaza, le plus flagrant (de ces prétextes) étant la détention d'otages".

"C'est moi qui en paie le prix, notre peuple en paie le prix, pas Israël (...) Libérez-les", a déclaré Mahmoud Abbas, qui n'exerce plus d'autorité sur Gaza depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007.

Après plus de 18 mois de guerre, l'ONU a fait état de cas de "malnutrition aiguë sévère" parmi les 2,4 millions d'habitants du territoire, dont la plupart ont été déplacés par les combats.

Selon un responsable du mouvement, une délégation du Hamas se trouve actuellement au Caire pour discuter avec les médiateurs de "nouvelles idées" visant à rétablir un cessez-le-feu.

"Vivre comme les autres" 

Mercredi, la frappe israélienne la plus meurtrière a détruit une école qui abritait des déplacés dans la ville de Gaza, dans le nord, faisant onze morts et 17 blessés, "y compris des femmes et des enfants", a déclaré à l'AFP le porte-parole de la Défense civile palestinienne, Mahmoud Bassal.

"Le bombardement a provoqué un incendie massif dans le bâtiment et plusieurs corps calcinés ont été retrouvés", a-t-il dit.

Au total, 25 personnes ont été tuées dans les frappes qui ont visé plusieurs secteurs du nord de Gaza ainsi que Khan Younès, dans le sud, selon la Défense civile.

"Nous avons reçu des appels de détresse signalant plusieurs personnes disparues sous les décombres dans différentes zones de la bande de Gaza ", a affirmé Mahmoud Bassal.

Plusieurs corps enveloppés dans des linceuls blancs ont été transportés à l'hôpital al-Chifa, où se recueillaient des femmes éplorées.

"Nous ne voulons rien d'autre que la fin de la guerre pour pouvoir vivre comme le font les gens dans le reste du monde", s'exclamait Walid Al Najjar, un habitant de Khan Younès.

Selon Mahmoud Bassal, les secouristes manquent "des outils et équipements nécessaires pour les opérations de sauvetage et pour récupérer les corps".

L'armée israélienne n'a pas commenté dans l'immédiat.

Mardi, elle avait dit avoir détruit environ "40 engins du génie utilisés à des fins terroristes, y compris lors du massacre du 7 octobre".

Elle affirme que le Hamas utilise ces engins "pour poser des explosifs, creuser des tunnels souterrains, percer des clôtures de sécurité et dégager les gravats pour retrouver des armes et du matériel militaire".

Mesure "intolérable" 

Selon le ministère de la Santé du Hamas, 1.928 Palestiniens ont été tués depuis le 18 mars, portant à 51.305 le nombre de morts à Gaza depuis le début de l'offensive de représailles israélienne.

La guerre a été déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Sur les 251 personnes enlevées, 58 sont toujours otages à Gaza dont 34 sont mortes, selon l'armée israélienne.

La situation est aggravée par le blocage de l'aide humanitaire imposé par Israël depuis le 2 mars.

Les ministres des Affaires étrangères français, britannique et allemand ont conjointement exhorté mercredi Israël à cesser ce blocage, y voyant une mesure "intolérable" qui expose les civils à "la famine, des épidémies et la mort".

"Plusieurs personnes souffrant de malnutrition aiguë sévère à Gaza ont été admises à l'hôpital cette semaine", a indiqué mardi le bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), ajoutant que ces cas étaient "en augmentation".

"Malgré des approvisionnements extrêmement faibles, environ 180 cuisines communautaires continuent de fonctionner chaque jour. Cependant, beaucoup d'entre elles sont sur le point de fermer car les stocks s'épuisent", a-t-il prévenu.

 


Turquie: puissant séisme de magnitude 6,2 au large d'Istanbul

Un puissant séisme de magnitude 6,2, dont l'épicentre est situé en mer de Marmara, a secoué mercredi Istanbul, sans faire de victime ni de dégât, selon les autorités turques. (AFP)
Un puissant séisme de magnitude 6,2, dont l'épicentre est situé en mer de Marmara, a secoué mercredi Istanbul, sans faire de victime ni de dégât, selon les autorités turques. (AFP)
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  • Deux secousses au moins, à une fraction de seconde d'intervalle, ont été fortement ressenties dans tous les quartiers de l'immense ville de 16 millions d'habitants située sur le Bosphore et la Mer de Marmara
  • Des milliers de personnes se sont jetées dans les rues en proie à la panique

ISTANBUL: Un puissant séisme de magnitude 6,2, dont l'épicentre est situé en mer de Marmara, a secoué mercredi Istanbul, sans faire de victime ni de dégât, selon les autorités turques.

Selon l'Agence nationale de la gestion des catastrophes AFAD et le ministre de l'Intérieur Ali Yerlikaya, "un séisme de 6,2 s'est produit au large de Silivri, en mer de Marmara" peu avant 13H00 (10H00 GMT).

Deux secousses au moins, à une fraction de seconde d'intervalle, ont été fortement ressenties dans tous les quartiers de l'immense ville de 16 millions d'habitants située sur le Bosphore et la Mer de Marmara.

Des milliers de personnes se sont jetées dans les rues en proie à la panique, ont constaté les journalistes de l'AFP.

"J'ai senti la secousse je me suis jeté dehors" confie un peintre, rencontré près de la Tour de Galata après avoir dévalé ses quatre étages.

Les autorités n'ont pas fait état de victimes ni de dégâts.

Le président Recep Tayyip Erdogan a indiqué "suivre les développements de près".

"Tous nos services d'urgence sont en état d'alerte. Aucun bâtiment ne s'est effondré selon les informations dont nous  disposons à ce stade. Nous poursuivons les recherches", a indiqué le gouvernorat d'Istanbul qui appelle "les citoyens à ne pas s'approcher de bâtiments endommagés".

La municipalité indique elle aussi suivre la situation, précisant qu'"aucun cas grave n'a été sigalé jusqu'à présent".

La hantise du "Big one" 

Outre le séisme principal, l'AFAD précise avoir enregistré trois autres secousses de magnitude 3.9 à 4.9 dans la même zone.

La Turquie est traversée par deux failles qui ont causé de nombreux drames par le passé.

Istanbul vit dans la hantise du "Big one": elle est située à 20 km de la faille nord-anatolienne et les plus pessimistes des experts prévoient un séime de magnitude 7 au moins d'ici à 2030, qui provoquerait l'effondrement partiel ou total de centaines de milliers d'édifices.

Le sud-est du pays a subi un violent tremblement de terre en février 2023 qui a fait au moins 53.000 morts et dévasté la cité antique d'Antakya, l'ex Antioche.

Le district de Silivri abrite notamment l'une des principales prisons du pays, où se trouvent notamment incarcérés le maire d'oppposition d'Istanbul Ekrem Imamoglu et le mécène et philanthrope Osman Kavala.

C'est également là qu'ont été conduits de très nombreux manifestants interpellés lors de la vague de contestation qui a suivi l'arrestation de M. Imamgolu le 19 mars, incarcéré à Silivri six jours plus tard.

Le réseau d'entraide des parents des jeunes détenus a affirmé sur X que l'établissement n'avait pas subi de dégâts.

 


1978 - Les Accords de Camp David: Un chemin trompeur vers la paix

Anouar el-Sadate (gauche) serre la main de Menahem Begin en présence du président américain Jimmy Carter. (AFP)
Anouar el-Sadate (gauche) serre la main de Menahem Begin en présence du président américain Jimmy Carter. (AFP)
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  • Si les accords ont valu à Sadate et Begin le prix Nobel, ils n'ont que peu contribué à l'établissement d'une paix durable au Moyen-Orient
  • En 1978, la population de colons ne comptait que 75,000 personnes. En 1990, elle avait triplé pour atteindre 228,000. Aujourd'hui, plus d'un demi-million de colons israéliens occupent au moins 370 colonies

CHICAGO — En se rendant à Jérusalem, le président égyptien Anouar el-Sadate poursuivait une vision ambitieuse: prévenir tout nouveau conflit et résoudre la crise israélo-arabe par voie diplomatique. Sa démarche reposait sur la conviction profonde qu'une paix véritable ne pourrait être fragmentaire. Elle devait, selon lui, englober non seulement l'Égypte et ses voisins arabes — Jordanie, Syrie et Liban — mais s'articuler essentiellement autour d'un engagement formel d'Israël à se retirer des territoires occupés et à permettre l'émergence d'un État palestinien souverain.

Face aux parlementaires israéliens réunis à la Knesset, Sadate a prononcé un discours-fleuve dont l'une des déclarations les plus marquantes résonne encore aujourd'hui : "Mon voyage n'a pas pour objectif un accord bilatéral isolant l'Égypte... Car même si tous les États du front parvenaient à un accord avec Israël, cette paix resterait fragile et illusoire tant qu'une solution équitable à la question palestinienne ne sera pas trouvée. C'est cette paix juste et pérenne que la communauté internationale appelle unanimement de ses vœux."

Sadate n'aura pas vécu assez longtemps pour constater à quel point il avait raison:  l'obstination israélienne à maintenir son emprise sur les territoires occupés allait effectivement déclencher un engrenage fatal. Cette politique d'occupation a progressivement nourri les courants extrémistes, multipliés les cycles de violence, fragilisée la stabilité de l'Égypte elle-même, et fait voler en éclats tout espoir d'une réconciliation durable dans la région.

L'objectif unique du Premier ministre israélien Menahem Begin était d'éliminer la menace militaire égyptienne, de diviser les "États du front" arabes et de bloquer les revendications en faveur d'un État palestinien.

Sadate fut naïf de faire confiance à Begin, l'un des terroristes les plus impitoyables du Moyen-Orient. Begin avait orchestré certaines des atrocités civiles les plus odieuses durant le conflit israélo-arabe de 1947-1948, notamment le massacre de près de 100 civils dans le petit village palestinien de Deir Yassine. 

Légende: La une du journal relatait l'avancement des accords, notant que le sommet avait atteint "une étape décisive".
Légende: La une du journal relatait l'avancement des accords, notant que le sommet avait atteint "une étape décisive".

Ce massacre, au cours duquel des femmes enceintes furent sauvagement assassinées et leurs corps jetés dans le puits du village, a profondément choqué la population arabe de Palestine, provoquant un exode massif de réfugiés terrorisés. Avant son discours à la Knesset, Sadate avait visité le mémorial de l'Holocauste Yad Vashem qui, ironie du sort, est édifié sur les vestiges de Deir Yassine.

Déroulé tapis rouge par Israël et les États-Unis, Sadate se vit propulsé au rang de chef d'État modèle pour son audace pacificatrice. Sa tournée américaine de 1978 prit des allures de triomphe: banquets somptueux et réceptions officielles dans les métropoles du pays. À Chicago, pourtant, un autre accueil l'attendait. J'étais là, mêlé à une foule de 500 Américains d'origine arabe, scandant notre opposition à ce que nous considérions comme une véritable reddition diplomatique.

Les Accords de Camp David ont valu à Sadate et Begin le Prix Nobel de la paix 1978, mais aussi l'opprobre du monde arabe. La Ligue arabe réagit en excluant l'Égypte et en transférant le siège de l'organisation du Caire à Tunis.

La stratégie d'Israël était transparente pour tous, sauf pour Sadate. Il signa les accords après 12 jours d'intenses négociations en 1978, du 5 au 17 septembre. Mais quelques semaines auparavant, Begin avait inauguré la colonie d'Ariel, sur des terres confisquées en Cisjordanie à plus de 16 kilomètres à l'est de la Ligne verte, devenue depuis un symbole de la guerre continue d'Israël contre l'État palestinien et le centre de l'expansion des colonies israéliennes.

Malgré cette réalité troublante sur le terrain, Sadate signa un traité de paix formel avec Israël à la Maison Blanche le 26 mars 1979, mettant officiellement fin au conflit entre les deux pays.

Dates clés

14 février 1977
Le président américain Jimmy Carter écrit à son homologue égyptien Anouar el-Sadate et au Premier ministre israélien Yitzhak Rabin pour exprimer son engagement à trouver "un règlement de paix durable au Moyen-Orient".

 21 octobre 1977
Dans une lettre manuscrite, Carter fait appel à Sadate: "Le moment est venu d'avancer, et votre soutien public précoce à notre approche est extrêmement important — peut-être vital".

 11 novembre 1977
Après l'annonce par Sadate de son intention de visiter Israël, le nouveau Premier ministre israélien, Menahem Begin, s'adresse au peuple égyptien depuis Jérusalem en plaidant pour "plus de guerres, plus d'effusion de sang".

3 août 1978
Carter adresse des lettres confidentielles à Sadate et Begin, leur proposant une rencontre.

5 septembre 1978
Sadate et Begin arrivent à Camp David pour dix jours de pourparlers.

17 septembre 1978
À 21h37, Carter, Begin et Sadate embarquent à bord de l'hélicoptère présidentiel Marine 1 et s'envolent du Maryland vers la Maison Blanche. À 22h31, Begin et Sadate signent un cadre pour la paix.

27 octobre 1978
Sadate et Begin reçoivent conjointement le Prix Nobel de la paix.

26 mars 1979
Sadate et Begin signent le traité de paix égypto israélien à Washington.

6 octobre 1981
Sadate est assassiné au Caire par des extrémistes islamiques opposés au traité de paix.

Si l'on examine les cinq fondements de l'accord, seuls deux ont franchi le cap de la concrétisation. L'Égypte a récupéré le Sinaï, sous conditions de démilitarisation, et la normalisation diplomatique formelle entre Le Caire et Tel-Aviv, mettant officiellement un terme à l'état de belligérance.
 
Les trois autres engagements sont restés lettre morte: les négociations pour résoudre la question palestinienne, avec la participation jordanienne, ont stagné; l'introduction de l'autonomie palestinienne en Cisjordanie et à Gaza dans un délai de cinq ans a échoué; et la fin des colonies israéliennes n'a même jamais été amorcée.

Les accords n'ont jamais été autorisés à entraver les plans visant à renforcer l'emprise d'Israël sur les territoires occupés. Lorsque le président américain Jimmy Carter a perdu sa réélection le 4 novembre 1980, et que Sadate a été assassiné lors d'un défilé militaire le 6 octobre 1981, Begin a reçu carte blanche pour enterrer définitivement le "rêve" de Sadate.

Malgré leurs divergences politiques, le président américain Ronald Reagan tenta de poursuivre la vision de paix au Moyen-Orient portée par Carter et proposa, en août 1982, un "gel" des colonies, exhortant Israël à accorder aux Palestiniens une "autonomie" comme étape vers un État. 

Le Premier ministre israélien Menahem Begin (gauche) et le président égyptien Anouar el-Sadate conversent et plaisantent lors d'une rencontre en juillet 1979 à Alexandrie. AFP
Le Premier ministre israélien Menahem Begin (gauche) et le président égyptien Anouar el-Sadate conversent et plaisantent lors d'une rencontre en juillet 1979 à Alexandrie. AFP

La réaction de Begin fut immédiate. Le 2 septembre 1982, avec Carter et Sadate hors-jeu, il conduisit une initiative à la Knesset pour consolider l'emprise d'Israël sur la Cisjordanie, Jérusalem Est et le plateau du Golan, augmentant la population de colons juifs. Israël, déclara le Cabinet, "se réserve le droit d'appliquer sa souveraineté sur les territoires à l'issue de la période de transition de cinq ans" vers "l'autonomie" palestinienne explicitement envisagée dans les Accords de Camp David.

En 1978, la population de colons ne comptait que 75,000 personnes. En 1990, elle avait triplé pour atteindre 228,000. Aujourd'hui, plus d'un demi-million de colons israéliens occupent au moins 370 colonies ou "avant-postes" en Cisjordanie et à Jérusalem Est.

Cette année, le 20 janvier, premier jour de son second mandat, le président américain Donald Trump a levé les sanctions imposées par l'administration Biden sur des groupes de colons d'extrême droite accusés de violences contre les Palestiniens.

Ironie du sort, alors que les accords de Camp David devaient créer un climat d'espoir et d'optimisme, leur progression limitée au seul retour du Sinaï a engendré un sentiment de fatalisme nourrissant l'extrémisme, comme en témoignent de façon dramatique les attaques meurtrières du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Si le cessez-le-feu entre Le Caire et Tel-Aviv tient toujours, l'incapacité chronique à résoudre la question palestinienne a considérablement affaibli la portée historique des accords. Ce qui devait incarner une paix globale s'est progressivement dégradé en un simple pacte de non-agression formalisé. Aujourd'hui, les relations égypto-israéliennes se résument essentiellement à une collaboration sécuritaire.

Ray Hanania est un ancien journaliste politique primé de la mairie de Chicago. Il est chroniqueur pour Arab News et anime l'émission de radio Ray Hanania. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com