Réac la politique nataliste? Macron fait renaître le débat

Le président français Emmanuel Macron fait un geste alors qu'il s'exprime lors d'une conférence de presse pour présenter le cap du nouveau gouvernement de la France au palais de l'Élysée à Paris, le 16 janvier 2024. (Photo Ludovic Marin AFP
Le président français Emmanuel Macron fait un geste alors qu'il s'exprime lors d'une conférence de presse pour présenter le cap du nouveau gouvernement de la France au palais de l'Élysée à Paris, le 16 janvier 2024. (Photo Ludovic Marin AFP
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Publié le Samedi 20 janvier 2024

Réac la politique nataliste? Macron fait renaître le débat

  • «Notre France sera plus forte par la relance de sa natalité», a déclaré Emmanuel Macron mardi, soucieux d'«améliorer les choses» par un nouveau congé de naissance, plus court et mieux rémunéré, et un «grand plan de lutte contre l'infertilité»
  • Le chef de l'Etat a défendu un «réarmement démographique», suscitant une levée de bouclier des associations féministes et des écologistes comme Sandrine Rousseau pour qui «l'utérus des femmes n'est pas une affaire d'État»

PARIS : En prônant le «réarmement démographique» de la France, Emmanuel Macron a surpris. Veut-il flatter des valeurs réactionnaires ? Non, répondent des historiens rappelant que la natalité a toujours été éminemment politique en France et que le président se situe plutôt dans une tradition de centre-droit.

«Notre France sera plus forte par la relance de sa natalité», a déclaré Emmanuel Macron mardi, soucieux d'«améliorer les choses» par un nouveau congé de naissance, plus court et mieux rémunéré, et un «grand plan de lutte contre l'infertilité».

Évoquant une «stratégie» pour encourager les naissances, dont le nombre en 2023 est le plus bas depuis 1946, le chef de l'Etat a défendu un «réarmement démographique», suscitant une levée de bouclier des associations féministes et des écologistes comme Sandrine Rousseau pour qui «l'utérus des femmes n'est pas une affaire d'État».

«Ce vocabulaire un peu guerrier (du président, ndlr), cette idée que l'on ferait des enfants pour la Nation fait penser au discours nataliste de la fin du XIXe siècle quand il était question de dénatalité et qu'on avait peur que l'Allemagne ait plus d'habitants donc plus de soldats que la France», relève Sandra Brée, chercheuse au CNRS spécialiste de démographie historique.

- De Gaulle vs Giscard -

Mais l'encouragement à avoir des enfants serait-il la parade à un déclin du pays donc un apanage de la seule droite réactionnaire ?

«Si on ne fait rien pour la natalité, le déséquilibre démographique touche toutes les générations», rappelle Christophe Capuano, professeur d'histoire à l'université de Grenoble. Il cite l'équilibre du système des retraites autour duquel notre modèle social est structuré mais aussi la nécessité d'avoir des jeunes pour aider les plus âgés.

Il s'agit donc d'un enjeu collectif qui devrait a priori séduire la gauche. Mais cette dernière, observe-t-il, «ose peu aborder ces questions, peut-être par crainte d'être taxée d'avoir une vision sexiste de cette politique publique».

Les politiques de natalité défendues par la droite et l'extrême-droite «promeuvent des dispositifs conservateurs, centrés sur les mères de famille, voire des dispositifs les écartant du marché du travail».

En revanche, la proposition du président est «une version égalitaire femme/homme avec un même congé», explique-t-il, relevant que les politiques de natalité centrées sur les seules femmes, comme dans les pays du Sud de l'Europe, ont échoué.

Christophe Capuano note également l'absence de coercition ou de répression, comme dans l'entre-deux guerres, puis sous Vichy et même encore après la guerre lorsque la pilule et l'avortement étaient interdits.

Le ton du chef de l'Etat est très éloigné de celui du Général De Gaulle qui, en 1945, appelait les Françaises à faire «12 millions de beaux bébés».

Mais, «il n'est pas en rupture avec ce que pouvait dire Valéry Giscard d'Estaing dans les années 70», conclut l'historien, ou de ce que dit François Bayrou, soit un discours de «centre-droit».

L'ancien président avait fait voter de haute lutte, avec la gauche et contre la droite, la dépénalisation de l'avortement en 1974 mais avait aussi mis en place une prime de naissance en 1978-1979, lorsque la natalité a commencé à chuter.

- Immigration vs épanouissement personnel -

«Le discours nataliste est plus souvent mis en avant à droite mais (...) c'est une question qui traverse les clivages politiques», confirme Didier Breton, professeur de démographie à l'université de Strasbourg.

A droite, on avance plutôt un moyen de «ne pas faire appel à l'immigration». A gauche, la volonté de favoriser l'épanouissement par «la vie personnelle et familiale».

«Dans les deux cas, il y a l'idée que les politiques publiques doivent soutenir les gens qui veulent avoir des enfants», sauf, relève Didier Breton, «un courant égalitaire, féministe» qui s'insurge, estimant qu'elles «cantonnent les femmes à leur fonction  reproductive».

Il s'étonne néanmoins que l'initiative du chef de l'État intervienne «paradoxalement à un moment où la situation sociale est le moins en faveur de la natalité avec la dégradation des services publics, la hausse du coût du mode de garde, du logement» et plus généralement l'absence de confiance dans l'avenir.


Après les tensions, Paris et Alger entament un nouveau chapitre

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
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  • Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont décidé de relancer les échanges bilatéraux
  • L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique

Après avoir frôlé la rupture, un nouveau chapitre s'ouvre dans les relations entre la France et l'Algérie.

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise.

Le communiqué publié par le palais de l'Élysée fait suite à plusieurs signes récents de rapprochement, notamment l'entretien accordé par Tebboune aux journalistes des médias publics algériens, où il a exprimé sa volonté de renouer le dialogue avec son homologue français et de mettre fin à ce qu'il a qualifié de «période d'incompréhension» entre leurs deux pays.

L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique, centrée sur trois axes prioritaires: la coopération sécuritaire, la gestion des flux migratoires et les questions mémorielles.

Le communiqué conjoint, publié à l’issue de cet échange, souligne la volonté des deux chefs d’État de dépasser les crises récentes pour amorcer une relation apaisée et mutuellement bénéfique.

Premier résultat concret dans le cadre de cette volonté affichée, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot se rend à Alger le 6 avril pour des entretiens avec son homologue algérien Ahmed Attal.

Les ministres devront détailler un programme de travail ambitieux et en décliner les modalités opérationnelles et le calendrier de mise en œuvre.

La coopération sécuritaire doit reprendre sans délai, notamment pour lutter contre le terrorisme au Sahel et sécuriser les frontières de la région.

La gestion des migrations irrégulières et la question des réadmissions de ressortissants algériens en situation irrégulière en France sont au cœur des discussions. 

Cette dynamique s’inscrit dans la continuité de l’engagement du président français, exprimé dès le début de son premier mandat et même avant, lors de sa campagne électorale en Algérie, où il avait qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité».

Plus tard et dès son élection en 2017, Macron a affiché sa volonté de regarder «la vérité en face». Sa première visite officielle en Algérie marquait la priorité qu’il entend donner à la relation franco-algérienne, en posant les bases d’un dialogue sincère et apaisé. 

Cet engagement a été réaffirmé par la déclaration d’Alger en août 2022, qui prévoyait la mise en place d’une «commission mixte des historiens» chargée d’examiner les archives et de favoriser une meilleure compréhension mutuelle.

Les enjeux de ce rapprochement, dont l’objectif est la poursuite du travail de refondation des relations bilatérales, dépassent le cadre strictement bilatéral et s’inscrivent dans un contexte géopolitique et sécuritaire complexe.

La coopération entre Paris et Alger est essentielle pour répondre aux défis régionaux, notamment dans le Sahel, où le terrorisme et l’instabilité menacent la sécurité de l’Afrique du Nord et de l’Europe. 

La France et l’Algérie partagent un intérêt commun pour la lutte contre les groupes armés et leur coopération stratégique revêt une importance capitale pour stabiliser la région.

La gestion des flux migratoires reste un point de tension récurrent, car si la France souhaite des mécanismes de réadmission efficaces, l’Algérie demande le respect de la dignité et des droits de ses ressortissants. 

Malgré la volonté de réconciliation affichée, le dossier mémoriel reste un obstacle majeur.

La question des excuses officielles pour les crimes coloniaux demeure sensible. Si Emmanuel Macron a reconnu des «crimes contre l’humanité» en 2017, les demandes d’excuses formelles de l’Algérie n’ont pas encore été pleinement satisfaites. 

Les travaux de la commission mixte des historiens, lancés à l’été 2022, doivent permettre d’approfondir la recherche sur cette période sombre et de poser les bases d’un dialogue apaisé.

Malgré les gestes d’ouverture, les relations entre Paris et Alger restent fragiles, en partie en raison d’une méfiance réciproque, alimentée par des perceptions contradictoires des enjeux bilatéraux.

L’un des points de friction les plus marquants est la question du Sahara occidental. La position française, perçue comme favorable au Maroc, a suscité des crispations du côté algérien, allant jusqu’au rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France. 

Pour Alger, le soutien implicite de Paris au plan d’autonomie marocain est perçu comme un alignement qui remet en cause l’équilibre diplomatique régional.

Bien que la France ait tenté de clarifier sa position, en affirmant vouloir accompagner une dynamique internationale de sortie de crise, ce dossier demeure une source de tension. 

Au-delà des relations diplomatiques, les opinions publiques des deux pays jouent un rôle crucial dans l’évolution du partenariat.

En Algérie, une partie de la population reste méfiante vis-à-vis des intentions françaises, nourrie par un sentiment de souveraineté exacerbée et par la mémoire toujours vive des exactions coloniales. 

En France, la question algérienne suscite également des clivages politiques. Certains considèrent les gestes mémoriels comme une forme de repentance excessive, tandis que d’autres appellent à une reconnaissance plus franche des torts commis pendant la colonisation. 

La relance des relations entre la France et l’Algérie repose sur un équilibre délicat entre la reconnaissance du passé, la gestion des défis actuels et la mise en œuvre d’une coopération tournée vers l’avenir. 

Malgré la volonté politique manifeste, la concrétisation de ce partenariat dépendra de la capacité des deux dirigeants à dépasser les clivages historiques et à impulser une dynamique durable.


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau.