DAVOS: Najib Mikati, Premier ministre intérimaire du Liban, a déclaré mardi que les récentes attaques d'Israël sur le sol libanais, ainsi que les hostilités en cours à Gaza, offraient à la région deux issues possibles – gagnant-gagnant ou perdant-perdant.
Dans une interview accordée à Arab News lors du Forum économique mondial de Davos (FEM), Mikati a indiqué que la région était confrontée à un choix difficile entre une résolution diplomatique des nombreuses crises qui se chevauchent dans la région ou une escalade majeure.
«Nous sommes aujourd'hui confrontés à deux solutions: Soit une solution gagnant-gagnant, soit une solution perdant-perdant», a-t-il alerté. «Dans le scénario perdant-perdant, une guerre à l'échelle de la région serait déclarée, alors que le scénario gagnant-gagnant impliquerait la solution diplomatique requise.»
Mikati, qui dirige la première délégation libanaise à la réunion annuelle depuis 2019, année où la crise financière du pays a commencé, a affirmé que son pays était favorable à une solution diplomatique qui éviterait d'entraîner la région dans une guerre coûteuse.
«Depuis que la guerre a éclaté à Gaza, nous avons appelé à un cessez-le-feu, qui servirait de base à toute solution potentielle», a-t-il indiqué.
«Dès qu'un cessez-le-feu sera conclu à Gaza, nous étudierons une solution visant à instaurer une stabilité durable et permanente au Liban-Sud, conformément à la résolution 1701 des Nations unies, qui doit être pleinement appliquée», a-t-il ajouté.
La résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies a mis fin à la guerre de 2006 entre Israël et la milice libanaise du Hezbollah. Toutefois, depuis le début de la guerre à Gaza le 7 octobre, les forces israéliennes et les combattants du Hezbollah échangent des tirs le long de la frontière commune.
«Notre plus grande crainte est que ces violations conduisent à une guerre – une guerre prolongée et dévastatrice pour toutes les parties concernées.»
Najib Mikati, Premier ministre intérimaire du Liban
En novembre, Mikati a proposé un plan en trois étapes pour la paix à Gaza, en commençant par une pause de cinq jours des hostilités.
Pendant cette pause, le Hamas libérerait certains des otages qu'il a capturés lors de son attaque du 7 octobre contre le sud d'Israël, tandis qu'Israël autoriserait une plus grande partie de l'aide humanitaire à entrer dans la bande de Gaza, où les civils palestiniens subissent un siège depuis des mois.
Pendant ce temps, les dirigeants du monde entier commenceraient à travailler à l'organisation d'un sommet international visant à mettre en œuvre une solution permanente à deux États pour résoudre le conflit israélo-palestinien, qui dure depuis des décennies.
Toutefois, Israël s'est montré réticent à interrompre son opération militaire à Gaza. Au lieu de cela, il semble avoir élargi le champ de sa mission pour y inclure des frappes aériennes de précision contre les commandants du Hamas et du Hezbollah au Liban.
Saleh al-Arouri, chef adjoint du bureau politique du Hamas et fondateur de la branche armée du groupe, les Brigades d’Al-Qassam, a été tué lors d'une frappe israélienne présumée, avec plusieurs de ses hommes de main, dans un appartement situé dans un quartier de Beyrouth contrôlé par le Hezbollah, le 2 janvier.
Puis, le 8 janvier, Wissam al-Tawil, chef adjoint de la force Radwan du Hezbollah, a également été tué lors d'une attaque présumée de drone israélien sur un véhicule dans la ville de Khirbet Selm, dans le sud du Liban.
Le 9 janvier, Ali Hussein Burji, commandant des forces aériennes du Hezbollah dans le sud du Liban, a également été tué à Khirbet Selm lors d'une autre attaque aérienne israélienne présumée.
Les meurtres perpétrés sur le sol libanais n'ont fait qu'aggraver la menace d'escalade, les échanges de missiles et les attaques de drones le long de la frontière commune continuant de s'intensifier.
Selon le ministère libanais de l'Environnement, les bombardements israéliens ont brûlé 462 hectares de terres agricoles et de forêts, ce qui a provoqué l'exode des villages du sud, proches de la frontière avec Israël.
De même, les civils israéliens vivant près de la frontière ont été déplacés, craignant une attaque semblable à celle du Hamas le 7 octobre.
Un rapport d'Amnesty International confirme que «l'armée israélienne a tiré des obus d'artillerie contenant du phosphore blanc, une arme incendiaire, lors d'opérations militaires le long de la frontière sud du Liban» entre le 10 et le 16 octobre.
En outre, des vidéos vérifiées par Human Rights Watch (HRW) en octobre ont indiqué qu'Israël a utilisé du phosphore blanc lors d'opérations militaires au Liban-Sud et à Gaza, respectivement les 10 et 11 octobre.
HRW a déclaré le 12 octobre que ces attaques exposaient les civils «à des risques de blessures graves à long terme».
Le 9 janvier, le Liban a déposé une plainte officielle auprès du Conseil de sécurité des Nations unies accusant Israël de violer la résolution 1701, en invoquant l'utilisation d'armes interdites contenant du phosphore blanc.
Le droit international humanitaire interdit l'utilisation de phosphore blanc dans ou à proximité immédiate de zones civiles peuplées ou des infrastructures.
Cette substance incendiaire brûle à des températures extrêmement élevées et déclenche souvent des incendies qui se propagent et se poursuivent jusqu'à ce que le phosphore soit épuisé.
Les personnes exposées au phosphore blanc peuvent subir des dommages respiratoires, une défaillance des organes et d’autres blessures qui changent leurs vies. Les brûlures causées par la substance sont extrêmement difficiles à traiter et peuvent être mortelles lorsqu’elles affectent seulement 10% du corps.
«Nous avons déposé une plainte auprès des Nations unies concernant le type d'armes utilisées et d'autres violations commises par Israël», a déclaré Mikati à Arab News. «Notre plus grande crainte est que ces violations conduisent à une guerre – une guerre prolongée et dévastatrice pour toutes les parties concernées.»
Le Liban a déposé d'autres plaintes contre Israël auprès du Conseil de sécurité des Nations unies, notamment au sujet de l'assassinat ciblé présumé d'Al-Arouri, un commandant du Hamas.
Si une guerre totale éclate entre Israël et le Hezbollah, de nombreux Libanais craignent qu'elle soit bien plus dévastatrice que le conflit de 2006, qui a fait au moins 1 100 morts au Liban et a gravement endommagé les infrastructures civiles, notamment l'aéroport international Rafic Hariri.
Depuis 2019, le Liban est aux prises avec une série de crises politiques et économiques qui se chevauchent et qui ont plongé quelque 80% de la population dans la pauvreté. La crise financière du pays a été considérée comme l'une des pires au monde depuis les années 1850.
Cependant, le gouvernement libanais n'a pas réussi à mettre en œuvre les réformes essentielles exigées par le Fonds monétaire international pour s'attaquer aux causes profondes des problèmes économiques du pays.
Le Parlement libanais a également échoué à plusieurs reprises depuis octobre 2022 à élire un nouveau président, sa douzième tentative ayant échoué en juin de l'année dernière.
«Plus de quatorze mois se sont écoulés sans l'élection d'un président», a déclaré Mikati à Arab News, ajoutant qu'il espérait que «toutes les entités politiques au Liban feraient preuve du niveau de conscience nécessaire pour accélérer le processus».
Dans un contexte de tensions régionales, Mikati semble toutefois douter des progrès à court terme. «À l'heure actuelle, l'élection du président de la République libanaise est une priorité absolue, mais il y a eu de nouveaux développements», a-t-il soutenu.
«Ceci est particulièrement important en ces temps difficiles pour la région.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com