PARIS: Exclue des Républicains mais encore présidente du groupe LR au Conseil de Paris, avec l'ambition de mener une alliance Républicains-Renaissance aux municipales de 2026: la nomination surprise de Rachida Dati, jeudi, ébranle le paysage politique parisien.
"C'est pour le moins surprenant et audacieux, mais on a été dans le dépassement depuis 2017, on continue": Catherine Ibled, seule élue affichée Renaissance du Conseil de Paris, n'a pas caché qu'il lui fallait "atterrir" après l'annonce de l'entrée de Rachida Dati dans l'équipe du nouveau Premier ministre Gabriel Attal.
"Les bras m'en sont tombés, comme à tout le monde", abonde le sénateur Rémi Féraud, un proche de la maire PS Anne Hidalgo. Celle-ci n'a pas attendu l'annonce officielle de la nomination pour souhaiter "bon courage aux acteurs du monde de la culture compte tenu des épreuves qu'ils vont traverser".
Candidate de la droite aux municipales de 2020, Mme Dati n'avait pas pu empêcher la réélection de Mme Hidalgo. Mais avec 34% des voix au second tour, elle a redonné une dynamique à son camp.
Depuis bientôt quatre ans, dans son rôle de première opposante, à la tête d'un groupe de 53 élus sur 163, elle s'est affirmée comme la candidate incontournable des LR en vue de l'échéance de 2026.
«Un ticket pour 2026»
Juste avant sa nomination, l'ancienne ministre de la Justice a réuni les maires et parlementaires LR de la capitale pour conforter cette position, selon plusieurs élus présents, malgré son exclusion du parti, annoncée dans la soirée par le président de ce dernier, Eric Ciotti.
Rachida Dati "reste LR de coeur", a commenté pour l'AFP Jean-Pierre Lecoq, relativisant cette sentence.
Le maire LR du VIe arrondissement a été le premier élu de la droite parisienne à afficher publiquement son soutien, esquissant la possibilité d'une alliance entre macronistes et Républicains.
"Cette nomination est une bonne nouvelle et un espoir: celui d'un changement d'orientation politique de la part du Président de la République, (...) un espoir également pour la Culture avec la force et les engagements que nous lui connaissons, et enfin un espoir pour Paris", a-t-il déclaré.
"Il ne fait aucun doute que Rachida Dati assurera pleinement cette mission" au ministère, "tout en poursuivant le travail que nous avons entamé pour préparer l'alternance", poursuit-il.
"Il va falloir un ticket" pour 2026, a dit à l'AFP la maire du VIIIe arrondissement Jeanne d'Hauteserre, résumant le pacte conclu entre Mme Rachida Dati et Gabriel Attal, cité jusqu'ici parmi les candidats potentiels pour mener les macronistes aux municipales.
Quant aux autres élus de la droite parisienne, ils n'ont pas répondu aux premières sollicitations de l'AFP.
Un «deal» sans Horizons
"C'est un coup de poignard dans le dos, leur cheffe les abandonne pour rejoindre Macron", estime le socialiste Rémi Féraud. Et de l'autre côté, "c'est une claque pour les Parisiens qui se disaient encore récemment macronistes de gauche", ajoute-t-il.
Pour M. Féraud, la "priorité pour Emmanuel Macron a été de punir (Clément) Beaune", qui avait organisé un dîner avec d'autres ministres en désaccord sur le texte de loi immigration et n'a pas été reconduit dans l'immédiat comme ministre des Transports, "et de marginaliser (Pierre-Yves) Bournazel", le candidat putatif de son ex-Premier ministre Edouard Philippe et du parti Horizons.
Horizons n'est pas concerné par l'accord passé entre Emmanuel Macron, Gabriel Attal et Rachida Dati, a fait savoir M. Bournazel à l'AFP: "tout deal fait sans nous ne nous engage pas".
"Certains - ou certaines - sont constants dans le choix de servir leurs ambitions personnelles. Pour ma part, la constance signifie fidélité à Paris: quand on aime sa ville, on ne l'abandonne pas", a-t-il aussi dit dans un communiqué, visant sans la nommer Rachida Dati.
"Rachida Dati n'a qu'une obsession, ses intérêts et nourrir son narcissisme", prévient le premier adjoint (PS) Emmanuel Grégoire, qui ne cache pas non plus son envie de succéder à Mme Hidalgo, se disant pour une fois "bien d'accord" avec M. Bournazel.
Et de rappeler la mise en examen de Mme Dati, notamment pour "corruption", dans l'enquête sur des contrats noués par une filiale de Renault-Nissan, quand Carlos Ghosn en était le PDG.