PARIS: Elisabeth Borne est arrivée lundi après-midi à l'Elysée pour s'entretenir avec Emmanuel Macron, alors qu'un remaniement gouvernemental semble imminent et que le ministre de l'Education Gabriel Attal paraît le mieux placé pour lui succéder à Matignon, selon des sources proches de l'exécutif.
La voiture de Mme Borne a franchi la grille d'honneur peu avant 15H00 et la Première ministre en est descendue seule, un dossier sous le bras, puis s'est engouffrée dans le Palais.
Les conseillers du chef de l'Etat n'ont pas précisé le motif de ce rendez-vous, alors qu'ils avaient immédiatement expliqué, dimanche soir, qu'une précédente rencontre avec le président visait à évoquer des "dossiers importants" comme la vague de froid ou les inondations.
Le sort d'Elisabeth Borne était en suspens ces derniers jours, beaucoup de proches d'Emmanuel Macron misant sur un vaste chamboule-tout gouvernemental avec son propre départ.
Le nom du jeune ministre de l'Education nationale Gabriel Attal, 34 ans, est remonté lundi dans les pronostics de la macronie pour lui succéder à Matignon. Il devrait être chargé de former le prochain gouvernemnt, a indiqué un proche de l'exécutif.
Jusque-là, tous décrivaient une course à deux: Julien Denormandie, 43 ans, marcheur de la première heure et quasiment ombre portée du chef de l'Etat depuis dix ans; et Sébastien Lecornu, 37 ans, actuel ministre des Armées issu de la droite, qui s'est au fil des années taillé une place dans le cercle des conseillers politiques du président.
Elisabeth Borne semble ainsi plus menacée que jamais après 20 mois de bail à Matignon, même si plusieurs proches du chef de l'Etat mettent en garde contre la tentation d'enterrer trop vite ses chances de maintien.
L'entourage présidentiel avait fait savoir qu'il était déterminé à agir rapidement, après un week-end à phosphorer: "Il rêverait de faire cela lundi", avait ainsi affirmé l'un de ses fidèles, avec toutes les réserves d'usage liées à la complexité des équations.
"A mon sentiment, on est dans les dernières heures", dit un ministre, pour qui "le président a besoin de caler une photographie d'ensemble" entre un "mouvement d'ampleur" au gouvernement et la tête de liste pour les élections européennes de juin.
Emmanuel Macron devait devait enchaîner lundi après-midi avec ses traditionnels voeux au Conseil constitutionnel puis aux autorités religieuses, à huis clos.
Déjà donnée partante l'été dernier, Elisabeth Borne a pour atout sa résilience après avoir fait passer deux lois difficiles (retraites, immigration) et surmonté près d'une trentaine de motions de censure à l'Assemblée.
Le choix de son successeur, si elle devait cette fois être remerciée, est loin d'être neutre pour maintenir l'équilibre précaire du camp présidentiel, mis à mal dernièrement par les divisions sur loi immigration. Si le patron des députés Renaissance, Sylvain Maillard, a assuré sur LCI que ses troupes "travailleront en toute loyauté" avec le prochain Premier ministre, d'autres redoutent un coup de barre à droite.
"Rendez-vous"
Comme la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, attachée au "dépassement" des clivages traditionnel, promesse du macronisme initial, qui a estimé sur franceinfo que "sortir l'aile gauche de la majorité, ce serait faire le jeu des oppositions".
Allié de poids du chef de l'Etat, le patron du MoDem François Bayrou a semblé dimanche accorder sa préférence à Julien Denormandie, "quelqu'un de très estimable", tout en insistant sur "le message" qui devrait accompagner un changement de gouvernement.
Emmanuel Macron compte inscrire ces mouvements dans une séquence plus large, ouverte depuis ses voeux du 31 décembre, qui doit se prolonger par un énigmatique "rendez-vous avec la nation" courant janvier.
Avec un fil conducteur, à l'heure où ce deuxième quinquennat Macron se cherche encore un récit: "le réarmement", affirme un proche. A savoir le "réarmement civique", notamment grâce à l'école, "le réarmement industriel", ou encore le "réarmement européen" à l'approche d'élections pour lesquelles le camp présidentiel est largement distancé dans les sondages par le Rassemblement national.
Pour cela, le même évoque un "remaniement de réarmement" avec "beaucoup de sortants". Plusieurs membres de la garde rapprochée du chef de l'Etat, dont François Bayrou, appellent à en profiter pour resserrer un gouvernement qui compte aujourd'hui 39 membres.
A quoi bon s'encombrer puisque "le Premier ministre, ce sera Emmanuel Macron", tout comme ses ministres des Affaires étrangères, de la Défense ou de la Culture, a ironisé sur France 2 le candidat de gauche aux européennes Raphaël Glucksmann, dénonçant la "dérive personnelle du pouvoir".
"Tout le monde s'en fout du remaniement", a même affirmé son collègue socialiste Jérôme Guedj sur franceinfo, estimant que "le problème de ce gouvernement, c'est que le scenario est nul".