PARIS : Après de premières injections très médiatisées, les maisons de retraite sont «à fond dans la préparation» de la vaccination massive de leurs résidents mais des questions demeurent sur le consentement des personnes âgées et leur confiance dans le vaccin.
«La majorité des Ehpad sont à fond dans leur préparation. Il faut un peu de temps pour recueillir le consentement des résidents et organiser les consultations médicales préalables donc on se prépare surtout pour la semaine du 11 janvier», résume Florence Arnaiz-Maumé, du Synerpa, syndicat des maisons de retraite privées.
Le gouvernement a récemment précisé que, lorsque le résident souffre de troubles cognitifs - comme la maladie d'Alzheimer -, il revient à son tuteur ou curateur, à la personne désignée comme «de confiance», ou à défaut à sa famille, de donner leur consentement, mais pas forcément par écrit.
Pour les professionnels du secteur - en première ligne puisque les résidents des Ehpad seront vaccinés en priorité -, le «plus grand flou» demeure néanmoins sur la manière d'évaluer si la personne est apte à se prononcer seule, ou pas, déplore la gériatre Emmanuelle Deschamps, directrice médicale du groupe SOS Seniors qui regroupe quelque 70 Ehpad.
«Quand les familles ne seront pas d'accord avec la décision du résident, ça sera compliqué», anticipe cette médecin, qui évoque les cas de «certaines personnes sous tutelle mais qui peuvent quand même donner leur avis».
Pour lever les doutes, le groupe SOS Seniors a adressé aux familles des documents d'information sur le vaccin et leur proposera en janvier de rencontrer des médecins en ligne. Les dates de la campagne de vaccination, «imposées par les autorités sanitaires», ne «seront pas modifiables», et un «refus de participation pourrait entraîner une perte de chance pour le résident», explique le groupe dans un courrier adressé aux proches.
Car l'autre grande inconnue de cette campagne à venir concerne l'adhésion des personnes âgées à la vaccination.
Retrouver la vie d'avant
Francine Serra, 85 ans, qui vit dans une petite résidence au Pouget (Hérault), s'est à peine posé la question: «J'ai dit oui immédiatement, je serai plus tranquille», souligne la vieille dame, qui croit savoir que la vingtaine d'autres résidents de son établissement sont également «tous d'accord».
Philippe Wender, 83 ans et président de l'association Citoyennâge qui regroupe des résidents de maisons de retraite, se fera également vacciner. Mais il confie avoir «entendu des doutes» dans les conversations, notamment sur le fait que les seniors puissent servir de «cobayes». «Les gens ont un peu peur. Pourtant, ce qui est sûr, c'est que tout le monde en a marre de ce virus», estime-t-il.
Pour le Dr Deschamps, il est d'autant plus difficile de convaincre les réticents qu'on ne peut pas promettre qu'une fois vaccinés ils retrouveront leur vie d'avant, sans geste barrière. «Les gens se disent "mais alors, à quoi ça sert?" La réponse, c'est que le vaccin permet d'éviter les formes graves de la maladie. On reviendra à la vie d'avant mais pas tout de suite, seulement quand tout le monde sera vacciné».
Le président du syndicat de généralistes MG France, Jacques Battistoni, rappelle qu'«il ne faut pas perdre de vue les véritables enjeux: pour ces personnes il y a un risque très élevé de mourir en cas d'infection au Covid, face à un risque très hypothétique sur le vaccin, qui peut avoir quelques effets indésirables immédiats».
Les seniors sont «moins méfiants» que l'ensemble de la population, mais une «concorde nationale» autour de la vaccination est nécessaire, pour éviter que la défiance les gagne à leur tour, estime Mme Arnaiz-Maumé.
Quant aux salariés des maisons de retraite, ils semblent bien plus sceptiques: selon un sondage interne réalisé fin novembre par la Fehap - qui représente les établissements privés non lucratifs - 76% des soignants ne souhaitent pas se faire vacciner.
Une tendance que regrette Pascal Champvert, de l'association de directeurs de maisons de retraite Ad-Pa, mais qui ne l'étonne guère: les professionnels du secteur s'estiment mal traités par les gouvernements successifs depuis de nombreuses années, analyse-t-il, or «l'appétence pour le vaccin traduit la confiance dans les pouvoirs publics».