GEMENOS: Cette année, Caroline Tejero et Nathalie Doleans n'ont pas eu le coeur à "faire le sapin". Chacune a perdu, récemment, un fils d'une vingtaine d'années. Comme pour d'autres parents confrontés à la mort d'un enfant, Noël tient du déchirement.
"Décembre pour moi, c'est la double peine", confie à l'AFP Caroline Tejero, fine silhouette aux longs cheveux blonds, podologue à Nîmes.
Son fils Clément, passionné de sport, étudiant à la prestigieuse école de commerce de l'Essec, s'est tué dans un accident de voiture le 14 novembre 2022 en Argentine, où il étudiait pour un semestre. Il avait 23 ans.
Le mois de décembre a vu passer son anniversaire, le 13, et maintenant arrive Noël, cette fête qui, pour leur petite famille - Clément, son frère Tristan et leurs parents - avait toujours été synonyme de "jardin illuminé, de musiques de Noël à fond dans la maison, de chocolat chaud et de chamallows", raconte Caroline.
"Pour moi, Noël maintenant c'est un déchirement. Quand je vois les décos, j'en ai des frissons parce que chaque année, on allait ensemble choisir notre sapin...", poursuit-elle.
Cette année la famille évitera la maison familiale et ses souvenirs à Bernis (Gard) pour se "réfugier" chez la soeur de Caroline, à Lyon.
Nathalie Doleans, infirmière, cheveux ondulés autour d'un visage rond, a aussi recours à la stratégie de l'évitement: "On voit les décos de Noël de plus en plus tôt dans les magasins, j'évite ces rayons".
La famille ira à Rouen, chez des proches, pour ne pas rester dans sa maison de Vestric-et-Candiac (Gard), celle où Théo, 21 ans, a passé son dernier Noël l'année dernière, hospitalisé à domicile en raison d'un cancer qui l'a emporté le 21 janvier 2023.
"Avant, on avait hâte que Noël arrive, on se donnait les cadeaux dans des chaussures sous le sapin. Aujourd'hui c'est une période très compliquée, c'est censé être une fête joyeuse, mais nous on souffre".
Plus de 6 090 jeunes de moins de 25 ans sont morts en France en 2020, selon les derniers chiffres de l'Institut national des statistiques (Insee).
«Bulle de douceur»
Malgré la douleur, Nathalie, Caroline et une trentaine de parents se sont retrouvés mi-décembre dans les collines de Provence, à Gémenos (Bouches-du-Rhône), pour un "week-end de Noël", à l'initiative de l'association "Le point rose" qui soutient les familles ayant perdu un enfant.
Au programme, groupes de parole, balades en forêt, accès à des thérapeutes, visite d'une chapelle avec de rares ex-voto en bois du XVIIIe siècle, ateliers créatifs pour les enfants, concert...
"Nous créons une bulle de douceur pour que les parents puissent penser Noël, qu'ils puissent toujours se reconnecter à la magie de ce moment, tout en sentant qu'ils ne sont pas décalés puisqu'ils sont avec d'autres familles dans la même situation", explique Nathalie Paoli, co-fondatrice du Point rose.
Nathalie, cette "fée qui nous donne tellement" selon un parent, a perdu sa fille Carla-Marie, qui aimait tant les chevaux et les coquelicots, à l'âge de neuf ans.
"Ici, on peut rire, mais aussi pleurer, on n'a pas besoin de mettre le masque du +tout va bien"+, apprécie Caroline. Et les discussions au Point rose donnent des clés pour passer des périodes compliquées comme Noël.
Christelle Ghezzi-Monnet, qui travaille dans une entreprise familiale de menuiserie, a perdu un de ses trois fils, Mathis, 16 ans, dans un accident de ski en 2019. Il rêvait d'être journaliste sportif. Son mari fait toujours le sapin, "car on veut que nos deux autres fils aient toujours un Noël". Elle, met toujours trois cadeaux au bas de l'arbre, le coeur serré.
La deuxième année, elle a apporté au repas de famille une bougie et une photo de Mathis. Et une année la famille a lancé dans le ciel nocturne des lanternes en pensant à Mathis: "C'était un beau moment de Noël, on n'est pas que dans la tristesse".
Christelle, Caroline et Nathalie tentent de faire le deuil en ne laissant pas la souffrance engloutir la beauté, la générosité et la vie.
Christelle et Caroline ont ainsi organisé des courses caritatives. Et Nathalie tente de réaliser des rêves de Théo, même les plus compliqués, comme rencontrer la star du football français Kylian Mbappé: "Si cela se fait un jour, ce serait un beau cadeau de Noël".