Pendant des années, Israël a eu la réputation, largement imméritée, d'être un exemple de propagande. Nombreux sont ceux qui pensent à ses porte-parole habiles et bien formés, aux messages bien rodés. Mais comment la propagande israélienne a-t-elle évolué depuis le 7 octobre?
La guerre de l'information menée par Israël fait partie intégrante de sa guerre contre Gaza. Il y consacre d'énormes ressources et s'approprie l'histoire.
En tant que puissance occupante, Israël détermine une grande partie de ce que nous voyons. Il a été en mesure de contrôler la couverture médiatique des attaques du 7 octobre et leurs conséquences en Israël. Les journalistes internationaux n'ont été autorisés à entrer dans la bande de Gaza que lorsqu'ils étaient intégrés aux côtés de l'armée israélienne. La semaine dernière, CNN a obtenu un accès indépendant et a produit un rapport dévastateur qui ne fait que confirmer ce que les journalistes palestiniens ont communiqué. Israël a coupé les télécommunications, notamment Internet, à Gaza. Qui sait quelles histoires n'ont pas encore été racontées? Quelles preuves de crimes possibles ont été enterrées sous les montagnes de décombres?
L'armée israélienne sait que si l'on ne peut pas tuer l'histoire, il faut tuer le messager. Depuis le 7 octobre, Israël a tué au moins 57 journalistes palestiniens à Gaza, voire 90 selon certains rapports. Qui peut oublier les mensonges et la désinformation qui ont entouré l'assassinat de la journaliste d'Al Jazeera Shirine Abou Akleh par Israël en 2022?
La machine de propagande israélienne est amplifiée par des porte-parole qualifiés, des ambassades bien dotées en personnel dans le monde entier et des organisations satellites capables de soutenir la propagande. Ceux qui contestent la ligne médiatique israélienne sont souvent traqués. Même le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, en a été victime après avoir osé donner un contexte à la crise à Gaza en évoquant la situation de crise dans la bande avant le 7 octobre.
En règle générale, les messages présentent tous les Palestiniens comme des membres du Hamas. Lorsqu'un grand nombre de Palestiniens ont été arrêtés, ligotés et déshabillés, il a été affirmé qu'il s'agissait de miliciens, alors qu'il n'y avait aucune preuve de leur appartenance à ce groupe. Pour étayer ce discours, le Hamas est présenté comme identique à Daech, ce qui n'est pas le cas.
Loin de fournir un flux d'informations exactes et crédibles depuis le 7 octobre, les récits officiels israéliens ont souvent été démantelés au moindre examen. Le porte-parole du Premier ministre, Ofir Gendelman, a ainsi posté une image montrant des Palestiniens simulant des blessures devant la caméra. Le seul problème, c'est qu'il s'agit d'un tournage pour un drame libanais intitulé The Reality («La réalité»). On aurait pu penser que cette vidéo serait immédiatement supprimée, mais elle est restée en ligne. En effet, M. Gendelman, a publié, il y a deux ans, une vidéo prétendant montrer le Hamas en train de tirer des roquettes, alors qu'elle provenait en réalité de Syrie.
Loin d'être exacts et crédibles, les récits officiels israéliens ont souvent été démantelés par un simple examen minutieux
- Chris Doyle
La propagande israélienne adore présenter les Arabes comme des êtres fourbes. Prenons l'exemple de l'histoire de la poupée en octobre. Les comptes officiels israéliens sur les médias sociaux ont affirmé que les images d'un Palestinien portant un enfant palestinien blessé et piégé dans un linceul étaient en fait une poupée et que le Hamas avait posté l'image avant de la supprimer. La vérification des faits par les médias a démontré que ce n’était pas une poupée et qu'il s'agissait en réalité d'un petit garçon.
Dès le début, Israël a contesté le nombre de morts palestiniens. Il a réussi à faire en sorte que même la Maison Blanche, ainsi que la plupart des grands médias, s'y adonnent également, surtout en affirmant que le ministère palestinien de la Santé à Gaza n'est qu'un organe de propagande du Hamas. Toutefois, les évaluations des précédents bombardements israéliens sur Gaza montrent qu'en fin de compte, les chiffres officiels palestiniens finissent par correspondre étroitement aux chiffres israéliens.
L'un des domaines les plus flagrants de la propagande israélienne est celui de l'aide humanitaire. L'ambassadeur israélien à Londres a nié l'existence d'une crise humanitaire. D'autres traiteront cette situation comme une simple crise humanitaire plutôt que comme une crise politique ayant des conséquences humanitaires. Même après qu'Israël a tué près de 20 000 Palestiniens à Gaza, dont 61% étaient des civils, les porte-parole israéliens déclarent régulièrement que le Hamas en est responsable. À croire qu'il ne s'agit pas de bombes israéliennes larguées sur des écoles, des hôpitaux et des boulangeries. Les 8 000 enfants palestiniens victimes sont-ils à blâmer pour leur mort?
L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (Unrwa) est une cible privilégiée de la propagande israélienne, car il maintient en vie la plupart des Palestiniens de Gaza. Un compte officiel israélien sur les médias sociaux a affirmé que «des dizaines de roquettes trouvées dans le nord de Gaza étaient cachées sous des boîtes de l'Unrwa», comme si ces boîtes constituaient une preuve de la complicité de l'Unrwa. Un ambassadeur israélien a même reproché à l'Unrwa de détruire «l'avenir de générations de Palestiniens». Il est également affirmé qu'un enseignant d'une école de l'Unrwa aurait pris un otage, mais le journaliste israélien qui a publié cette information n'a pas encore communiqué de détails à l'agence à ce sujet. Aucune preuve n'a été apportée pour étayer cette affirmation.
Le ciblage des hôpitaux par Israël est un sujet de discorde majeur, puisque seuls huit des 36 hôpitaux de Gaza fonctionnent aujourd'hui. Sauf dans les circonstances les plus exceptionnelles, le bombardement d'hôpitaux est un crime de guerre. Les propagandistes israéliens ont affirmé que le Hamas avait installé son centre de commandement et de contrôle dans le plus grand hôpital de Gaza, Al-Shifa. À l'appui de cette affirmation, son département des effets spéciaux a créé une vidéo fictive de ce à quoi ce centre était censé ressembler. À ce jour, aucun centre de commandement de ce type n'a été découvert.
La fausse vidéo TikTok d'une infirmière palestinienne constitue, pour sa part, une comédie exceptionnelle par son ineptie, mais elle est tout de même devenue virale en tant qu'outil de désinformation. Une infirmière prétendument palestinienne est apparue dans un maquillage immaculé au milieu de ce qui était censé être l'hôpital Al-Shifa et a affirmé que le Hamas dirigeait l'établissement. L'accent était épouvantable. Les explosions en arrière-plan semblaient fausses. La vidéo a rapidement été supprimée.
Tout cela n'est qu'une distraction. Israël a bombardé de nombreuses cibles dans le domaine de la santé, en particulier des hôpitaux. Le dernier en date est l'hôpital Kamal Adwan, qui a été effectivement détruit. Israël n'a pas fourni de preuves suffisantes pour justifier qu'il s'agit de cibles.
La question est de savoir si cette propagande fonctionne. A-t-elle servi à consolider un récit particulier? Les points de vue israéliens ont beaucoup de succès, mais il se peut que la crédibilité d'Israël soit plus que jamais remise en question au fur et à mesure que ce chapitre du conflit se poursuit.
Pourtant, comme dans chaque guerre qu'Israël mène contre les Palestiniens, malgré toute la propagande plus ou moins habile, un facteur anéantit et sape tous ses efforts: l'ampleur monumentale des destructions subies par les zones palestiniennes. Il suffit de quelques images des décombres urbains, des cratères géants et des paysages urbains effondrés pour que les personnes neutres sachent tout ce qu'elles ont besoin de savoir. Il ne s'agit pas d'un acte d'autodéfense ciblé, mais d'un bombardement massif, prolongé et impitoyable d'une population civile captive, aussi brutal que n'importe quel autre bombardement de ce siècle.
Chris Doyle est directeur du Conseil pour la compréhension arabo-britannique basé à Londres.
X: @Doylech
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com