PARIS: "Ferme ta gueule!": Gérard Larcher, s'en est vertement pris mercredi au leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, un langage inhabituel de la part du président du Sénat mais relativisé par une partie de la classe politique face aux polémiques suscitées par le tribun de la gauche radicale.
M. Larcher était interrogé par RTL sur un message au vitriol de M. Mélenchon traitant la journaliste Ruth Elkrief de "manipulatrice" et affirmant que "si on n'injurie pas les musulmans, cette fanatique s'indigne", publié sur le réseau social X.
Le chef de file de LFI "s'est mis en dehors de l'arc républicain", a estimé le président LR du Sénat, fustigeant "quelqu'un qui a des millions d'abonnés sur X et qui se comporte de cette manière, qui en quelque sorte par sa parole crée un brasier qui peut enflammer, diviser".
Alors que la journaliste a dû être placée sous protection policière, M. Mélenchon "montre du doigt (...) et on voit bien avec quelle allusion derrière", a-t-il ajouté, alors que le leader Insoumis est régulièrement accusé de flirter avec l'antisémitisme sur fond de conflit au Proche-Orient.
Exaspéré, M. Larcher a finalement résumé le fond de sa pensée à l'endroit du triple-candidat à l'élection présidentielle: à la question "Vous lui dites quoi, ce matin? Tais toi?", le patron de la chambre haute a répondu "Oui, ferme ta gueule!".
Après plusieurs heures de silence, Jean-Luc Mélenchon a expliqué mercredi soir sur X vouloir "laisser le ridicule inonder tout le champ de (ses) adversaires depuis le propos de Gérard Larcher".
"Toutes les indignations des chiens de garde (après ses déclaration sur Ruth Elkrief, NDLR) sont annulées par le silence de la classe médiatique devant le borborygme du brave soldat Larcher", a-t-il encore dénoncé.
Dans la matinée, ce sont les proches du leader LFI qui, sans surprise, étaient montés au front.
"Le président du Sénat (...) se vautre dans l'indignité la plus complète en direct à la radio (...) Vivement le +dry january+", le mois de janvier sans alcool, s'est indignée la chef de file des députés LFI, Mathilde Panot.
"Gérard Larcher reprend les mots de Jean-Marie le Pen", a dénoncé le coordinateur des Insoumis, Manuel Bompard, tandis que le député mélenchoniste Aurélien Saintoul a dénoncé un Gérard Larcher "grossier, inepte".
D'autres figures de partis de gauche, dont le numéro un du PS, Olivier Faure, se sont également émus des propos du président du Sénat.
«Message clair et fort»
Tout en dénonçant la forme des propos de M. Larcher, la majorité a pour sa part montré une certaine compréhension sur le fond.
"Si mes enfants devaient tenir ce genre de propos à propos de n'importe qui, on aurait une discussion un peu serrée", a reconnu le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.
Mais "je peux parfaitement comprendre que, dans le moment que nous connaissons, il y ait une forme de ras-le-bol de voir les invectives se succéder de la part de Mélenchon qui, encore une fois, fait prendre des risques à des gens très bien", a-t-il ajouté.
"Le président du Sénat ne devrait pas dire ça", a jugé le président de la commission des Lois de l'Assemblée, Sacha Houlié. "Face aux outrances de Jean-Luc Mélenchon, il appartient à la classe politique d'être un peu plus responsable et de prendre plus de hauteur", a-t-il plaidé.
Mais il a accusé dans le même temps Jean-Luc Mélenchon "d'être le meilleur tract pour Marine Le Pen avec sa façon de cannibaliser le débat".
A droite, en revanche, le président des Républicains Eric Ciotti a applaudi des deux mains. "Message clair et fort adressé à Mélenchon. Bravo à Gérard Larcher, on ne pouvait dire mieux", a-t-il réagi, pointant des Insoumis qui "veulent saper nos institutions" et "détruire la République".
Après son refus de qualifier le mouvement palestinien Hamas de terroriste, une attitude qui a entraîné la fin de l'union de gauche Nupes avec ses partenaires, M. Mélenchon a multiplié les critiques contre le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, etc.
Ses détracteurs l'accusent de manier l'ambiguïté antisémite et de multiplier les tensions pour cultiver le vote musulman, et notamment des jeunes de quartiers populaires.