La justice continue d'enquêter sur l'incendie de Notre-Dame de Paris et sa pollution

Cette photographie montre des ouvriers travaillant sur des échafaudages autour de la structure en bois de la nouvelle flèche en place de la cathédrale Notre-Dame de Paris, sur l'île de la Cité à Paris, le 2 décembre 2023 lors des travaux de reconstruction. (AFP)
Cette photographie montre des ouvriers travaillant sur des échafaudages autour de la structure en bois de la nouvelle flèche en place de la cathédrale Notre-Dame de Paris, sur l'île de la Cité à Paris, le 2 décembre 2023 lors des travaux de reconstruction. (AFP)
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Publié le Mardi 05 décembre 2023

La justice continue d'enquêter sur l'incendie de Notre-Dame de Paris et sa pollution

  • Les investigations menées par trois juges d'instruction du pôle santé publique de Paris se poursuivent pour déterminer l'origine du feu, le 15 avril 2019, tandis que de nouvelles expertises ont été ordonnées
  • Certains des plaignants ont participé à un rassemblement de protestation sur le parvis de la cathédrale contre la reconstruction à l'identique de la flèche de Notre-Dame, c'est-à-dire avec des ornements en plomb

PARIS: Quatre ans et demi après l'incendie de Notre-Dame de Paris, personne n'a été inculpé dans le cadre des enquêtes sur les causes du sinistre - la piste accidentelle restant privilégiée - et la possible pollution au plomb.

Les investigations menées par trois juges d'instruction du pôle santé publique de Paris se poursuivent pour déterminer l'origine du feu, le 15 avril 2019, tandis que de nouvelles expertises ont été ordonnées, avait appris l'AFP en avril de source judiciaire.

"Les unes ont pour objectif d'affiner la zone et l'instant du départ des flammes. Les autres visent, par analyse des scellés, à déterminer les causes matérielles de l'incendie", avait-on précisé.

Sollicité mardi par l'AFP, la source judiciaire a confirmé que cette information judiciaire était toujours en cours, sans inculpation.

Au terme de l'enquête préliminaire, avant la saisine des magistrats instructeurs, le procureur de Paris de l'époque, Rémy Heitz, avait indiqué privilégier la piste accidentelle, évoquant un mégot mal éteint ou un dysfonctionnement électrique.

Rien ne semble depuis accréditer la piste criminelle.

"Au cours de l'année écoulée, l'intégralité des zones ont pu être déblayées" sans néanmoins révéler "de nouvel élément susceptible d'être exploité", avait souligné au printemps la source judiciaire.

Le 15 avril 2019, l'édifice vieux de plus de 850 ans et célèbre dans le monde entier, alors en travaux de restauration, s'était embrasé et avait perdu sa flèche, sa toiture, son horloge et une partie de sa voûte, ravagées par les flammes.

Plusieurs défaillances dans la sécurité de la cathédrale ont été identifiées, notamment dans le dispositif d'alarme de l'édifice, ce qui a contribué à retarder l'appel aux pompiers le jour de l'incendie, ou sur le système électrique d'un des ascenseurs.

Ces dysfonctionnements ne sont vraisemblablement pas à l'origine de l'incendie, mais ont pu permettre aux flammes de se propager dans l'édifice.

Quatre choses à redécouvrir sur Notre-Dame de Paris

A un an de la réouverture de la cathédrale Notre-Dame, ravagée par un incendie le 15 avril 2019, voici quatre choses à redécouvrir sur ce monument national.

Sauvée par un roman

Lorsque le roman "Notre-Dame de Paris" paraît en 1831, l'opinion réalise la décrépitude du joyau gothique. Révolution, pillages, incendies.... le vaisseau de pierre n'est plus que l'ombre de lui-même. Les autorités songent à abattre le bâtiment en ruines.

"(...) si belle qu'elle se soit conservée en vieillissant, il est difficile de ne pas soupirer, de ne pas s'indigner devant des dégradations, des mutilations sans nombre que simultanément le temps et les hommes ont fait subir au vénérable monument (...)", écrit Victor Hugo.

Sous sa plume, une émotion collective naît pour cette église personnifiée en une femme avec un corps de chaire et de pierre.

Le succès du livre est à l'origine de la création en 1834 du service des monuments historiques qui nommera Eugène Viollet-le-Duc comme architecte chargé de sa rénovation. Le chantier durera plus de 20 ans et confèrera à la cathédrale l'aspect qu'on lui connaissait avant le drame de 2019.

Des chimères pas si médiévales

Si les gargouilles qui ornent les gouttières de Notre-Dame datent du Moyen-Age, les chimères, elles, ont été ajoutées par Viollet-le-Duc.

Singe, homme sauvage, dragon, pélican... Ces créatures fantastiques inspirées des caricatures d'Honoré Daumier observent Paris de leur oeil mauvais depuis la balustrade supérieure. L'une d'elle, le Stryge, sorte de vampire ailé, cornu et tirant la langue, figure parmi les symboles de la ville.

Ces chimères sont aussi le reflet du regain d'intérêt pour le Moyen-Age. Le pays est pleine révolution industrielle mais l'architecte reprend des techniques de construction médiévales et crée de nouveaux éléments comme ces chimères et la flèche qui a disparu dans l'incendie du 15 avril 2019.

La flèche deux fois conquise

Constituée de 500 tonnes de bois, recouverte de 250 tonnes de plomb et culminant à 96 mètres de haut, la flèche de Notre-Dame est un défi architectural. Mais aussi un sommet par deux fois conquis.

Le 19 janvier 1969, des militants communistes suisses hissent un drapeau nord-vietnamien à son sommet et en sabotent l'accès. L'image est publiée dans le New York Times et Life Magazine. Il faut un pompier hélitreuillé pour parvenir à l'enlever. Les activistes ont révélé leur forfait 54 ans après dans un livre, "Le Vietcong au sommet de Notre-Dame".

Même scénario le 3 octobre 1972: lors d'un rassemblement de soutien aux militants du Front de libération de la Bretagne, des autonomistes parviennent à accrocher un drapeau au même endroit, nécessitant à nouveau l'envoi d'un hélicoptère pour le décrocher.

2.000 chênes 

Après de longs débats, le gouvernement s'est engagé à reconstruire à l'identique la charpente médiévale de Notre-Dame, surnommée la forêt.

En février 2023, le dernier des quelque 2.000 chênes nécessaires au chantier est abattu dans l'Orne (nord-ouest de la France).

Identifiés parfois par drone, les troncs ont été coupés, mis à sécher 12 à 19 mois puis transportés vers les charpentiers qui suivent les plans de Viollet-le-Duc.

«Dangerosité»

Depuis mars, la justice enquête par ailleurs sur les conséquences potentiellement néfastes pour la santé de cet incendie au retentissement mondial.

Deux juges d'instruction parisiens sont ainsi chargés d'une plainte déposée en juin 2022 par l'association Henri Pézerat de défense de la santé en lien avec le travail et l'environnement, le syndicat CGT - l'un des plus importants en France - et deux parents d'élèves, accusant les autorités de ne pas avoir pris toutes les précautions pour éviter des contaminations liées à la pollution au plomb provoquée par l'incendie.

Les juges enquêtent sur une possible mise en danger, aussi bien des riverains que des ouvriers qui ont dépollué le site, d'après la source judiciaire.

L'union départementale CGT a annoncé mi-novembre sur son site internet l'audition de son secrétaire général comme partie civile le 8 septembre par les magistrats instructeurs.

"Les deux heures et demie d'audition ont permis, à partir de données et de faits précis, d'argumenter sur la dangerosité du plomb et sur les manquements graves des autorités en charge de la santé des travailleurs et de la population", indique le syndicat.

Un représentant de l'association Henri Pézerat a également été entendu, d'après une source proche du dossier.

D'après une autre source proche du dossier, une même juge est désignée dans les deux dossiers afin "d'avoir une vision d'ensemble" du sujet.

Certains des plaignants ont participé jeudi à un rassemblement de protestation sur le parvis de la cathédrale contre la reconstruction à l'identique de la flèche de Notre-Dame, c'est-à-dire avec des ornements en plomb.

Dans leur plainte, ils estimaient que dans le brasier, 400 tonnes de plomb du toit et de la flèche de Notre-Dame étaient parties en fumée, soit "près de quatre fois les émissions annuelles de plomb dans l'atmosphère, dans la France entière".


Rouen: un homme armé tentant de mettre le feu à une synagogue tué par la police

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
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  • Selon une source proche du dossier, l'homme était armé «d'un couteau et d'une barre de fer»
  • «Il aurait menacé un policier d’un couteau et ce dernier a fait usage de son arme et l’individu est décédé», a précisé le procureur

ROUEN: Des policiers ont abattu vendredi matin un homme armé notamment d'un couteau qui tentait de mettre le feu à une synagogue à Rouen et les menaçait, a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Vers 6h45, les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", située rue des Bons enfants dans le centre historique de Rouen, a détaillé une source policière à l'AFP.

"Un individu a mis le feu à la synagogue de Rouen. Il aurait pris à partie les policiers et les pompiers", a pour sa part indiqué à l'AFP le procureur de Rouen, Frédéric Teillet.

Selon une source proche du dossier, l'homme était armé "d'un couteau et d'une barre de fer".

"Ensuite, il aurait menacé un policier d’un couteau et ce dernier a fait usage de son arme et l’individu est décédé", a précisé le procureur.

Une première enquête a été ouverte pour "incendie volontaire" visant un lieu de culte, "violences volontaires sur personnes dépositaires de l’autorité publique confiée à la DGPN, a fait savoir le parquet.

Un autre enquête a été ouverte sur les circonstances du décès de l'individu armé pour "violences volontaires avec armes ayant entrainé la mort sans intention de la donner", confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", a écrit M. Darmanin sur X.

L'homme abattu par les forces de l'ordre n'a pas été immédiatement identifié, a-t-on précisé de source policière.

Sollicité par l'AFP, le Parquet national antiterroriste indique être en train d'évaluer s'il se saisit du dossier.

De nombreux pompiers et policiers étaient déployés sur place vendredi matin, a constaté un journaliste de l'AFP.

«Sous le choc»

Selon le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, les pompiers maîtrisaient vendredi matin le départ de feu et il n'y aurait "pas d'autres victimes que l'individu armé".

"A travers cette agression et cette tentative d'incendie de la synagogue de Rouen, ce n'est pas seulement la communauté israélite qui est touchée. C'est toute la ville de Rouen qui est meurtrie et sous le choc", a réagi  le maire sur X.

"Tenter de brûler une synagogue, c'est vouloir intimider tous les Juifs. Une nouvelle fois, on veut faire peser un climat de terreur sur les Juifs de notre pays. Combattre l'antisémitisme, c'est défendre la République", a affirmé sur X le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Yonathan Arfi.

Gérald Darmanin avait demandé le 14 avril dernier aux préfets de renforcer la sécurité devant les lieux de culte juifs ainsi que devant les écoles confessionnelles, au lendemain de l'attaque menée par l'Iran contre Israël.

Les opérations militaires lancées par l'Etat hébreu contre la bande de Gaza, qui ont causé la mort de plus de 35.000 personnes, en représailles à l'attaque des combattants du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier ont provoqué une forte hausse des actes d'antisémitisme en France.

Début mai, le Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé que "366 faits antisémites" avaient été enregistrés au premier trimestre 2024, soit "une hausse de 300% par rapport aux trois premiers mois de l'année 2023".

Face à cette hausse, "pas un acte ne doit rester impuni, pas un antisémite ne doit avoir l'âme tranquille", avait affirmé le chef du gouvernement en promettant de "faire preuve d'une fermeté exemplaire à chaque acte".


Des Français musulmans s'exilent à l'étranger, fuyant la « morosité ambiante »

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
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  • Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ
  • Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre

PARIS: Après avoir échoué à 50 entretiens d'embauche pour un job de consultant, en dépit de ses qualifications et diplômes, Adam, Français de confession musulmane, a fait ses valises pour commencer une nouvelle vie à Dubaï.

"Je me sens beaucoup mieux ici qu'en France", estime désormais ce trentenaire d'origine nord-africaine.

"Ici on est tous égaux. On peut avoir comme patron une personne indienne, une personne arabe, un Français", témoigne-t-il à l'AFP, ajoutant que sa religion est "plus acceptée".

Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ dans des villes telles que Londres, New York, Montréal ou Dubaï.

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes".

En France, "vous devez faire deux fois plus d'efforts quand vous venez de certaines minorités", reprend Adam, qui ne donne pas son nom de famille, comme tous ceux interrogés par l'AFP.

Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre.

'Plafond de verre'

La France, ancienne puissance coloniale et pays d'immigration, compte une importante population d'origine maghrébine et africaine.

Les enfants d'immigrés venus chercher une vie meilleure ou appelés à constituer une main d'oeuvre bon marché dans les années 60 sont Français. Mais nombre d'entre eux se sentent étrangers dans leur propre pays, considérés comme des "citoyens de seconde zone". En particulier depuis les attentats jihadistes de 2015 en France.

"Le climat en France s’est largement dégradé. En tant que musulman on est pointé du doigt", estime sous couvert de l'anonymat un banquier franco-algérien de trente ans, qui s'apprête à quitter son pays en juin, direction Dubaï.

Il évoque notamment certaines chaînes d'info et éditorialistes assimilant tous les musulmans à des extrémistes religieux ou des fauteurs de troubles.

Ce fils d'une femme de ménage algérienne, titulaire de deux masters, estime en outre s'être heurté à un "plafond de verre" dans son parcours professionnel en France.

En France, les statistiques ethniques et religieuses sont interdites. Mais de nombreuses enquêtes documentent depuis des années les discriminations frappant les personnes d'origine immigrée dans la recherche d'emploi, de logement, les contrôles policiers...

Un candidat au nom français a près de 50% de chances supplémentaires d’être rappelé par un employeur par rapport à un candidat au nom maghrébin, rappelle ainsi l'Observatoire des inégalités dans son rapport 2023.

'Morosité'

Le rapport très particulier de la France à la laïcité, les polémiques récurrentes sur le voile musulman, provoquent aussi le malaise chez certains.

"Il y a une vraie spécificité française sur cette question. Dans notre pays, une femme qui porte le voile est reléguée à la marge de la société et il lui est notamment très difficile de trouver un emploi. Des femmes portant le hidjab qui veulent travailler sont donc assez logiquement amenées à quitter la France", explique Olivier Esteves, l'un des auteurs de l'étude, au Monde.

"On étouffe en France", raconte à l'AFP un Français de 33 ans d'origine marocaine, qui s'apprête à émigrer en Asie du sud-est avec sa femme enceinte, "pour vivre dans une société plus apaisée et où les communautés savent vivre ensemble".

Cet employé dans la tech veut fuir "la morosité ambiante" et les "humiliations" du quotidien liées à son patronyme et ses origines.

"On me demande encore aujourd’hui ce que je fais dans ma résidence", où il vit depuis plusieurs années. "Et c’est pareil pour ma mère quand elle me visite. Mais ma femme qui est blanche de peau n’a jamais eu cette question", raconte-t-il.

"Cette humiliation constante est d’autant plus frustrante que je contribue net à cette société en faisant partie des hauts revenus qui paient plein pot", s'insurge-t-il.

Paradoxalement, la société française est pourtant "plus ouverte qu'il y a vingt ans" et "le racisme recule", souligne le dernier rapport annuel de l'Observatoire des inégalités, notant que 60% des Français déclarent n'être "pas du tout racistes", soit deux fois plus qu'il y a 20 ans.

Et la part de ceux qui pensent qu’il y a des "races supérieures à d’autres" a été divisée par trois, de 14% à 5%.


Les députés érigent l'agriculture en « intérêt général majeur »

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  • "La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux"
  • L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein

PARIS: Les députés ont approuvé jeudi un article du projet de loi agricole qui prévoit de conférer à l'agriculture un caractère "d'intérêt général majeur", une innovation juridique censée répondre à une demande des agriculteurs, mais dont les oppositions contestent la portée.

"La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux", énonce cet article-clé du projet de loi.

L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein. "Sur le plan juridique, ça positionne l'agriculture en équilibre avec l'environnement", avait approuvé Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, premier syndicat agricole.

"Cela va venir produire, sur le long terme, des effets dans la manière dont vont pouvoir être pondérés différents objectifs de politiques publiques, et dans la manière dont, sur le terrain, des projets agricoles pourront être évalués, réalisés et développés", a affirmé le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.

Plusieurs députés -- à l'instar de juristes --, doutent cependant de sa portée.

La mesure "crée le fantasme d'une remise en cause de la charte de l'environnement" et "donne l'illusion au monde paysan qu'on a répondu de façon démagogique à toutes ces attentes d'être au-dessus du reste des normes, du droit", a fustigé Dominique Potier (PS).

Nicole Le Peih, rapporteure Renaissance, a admis qu'il s'agissait d'une "innovation juridique" qui ne "modifie pas la hiérarchie des normes".

"Il n'y a pas de remise en cause du principe constitutionnel de la protection de l'environnement" mais "lorsque plusieurs dispositions législatives seront en présence, voire seront contradictoires, l'agriculture fera désormais l'objet d'une attention spécifique", a-t-elle soutenu.

« Intentions »

L'article propose également une longue définition de la souveraineté alimentaire et agricole de la France, reposant notamment sur sa capacité à "produire, transformer et distribuer" les produits nécessaires à "une alimentation suffisante, saine (et) sûre".

Il pose aussi le principe "d'ici au 1er juillet 2025 puis tous les dix ans d'une programmation pluriannuelle de l'agriculture".

Le reste consiste surtout en une longue liste de bonnes pratiques que les politiques publiques sont censées suivre pour assurer cette "souveraineté alimentaire".

L'article a surtout permis à chaque groupe de faire valoir sa vision de l'agriculture, et au camp présidentiel de jouer la carte de la co-construction.

Il a intégré certains objectifs proposés par Les Républicains (justifier et évaluer les surtranspositions avant de les mettre en place, valoriser les agricultrices) ou la gauche (améliorer les conditions de travail des agriculteurs, développer la prévention sanitaire).

Mais l'article "n'a aucune valeur normative" et n'apporte "aucune contrainte", a déploré Sébastien Jumel (PCF). Aurélie Trouvé (LFI), a dénoncé l'absence de mesures pour des "prix planchers".

"C'est caricatural", a rétorqué Henri Alfandari (Horizons), estimant que les agriculteurs demandaient aussi de la clarté sur leurs missions. L'article pose des "intentions qui encouragent", pour Julien Dive (LR).

Les députés RN ont eux fustigé le manque de soutien à leurs amendements.

Les règles de la procédure parlementaire ont aussi donné lieu à une fin de séance kafkaïenne, les députés passant près d'une heure et demie à voter ou rejeter près de 560 amendements, dont certains avaient été débattus de nombreuses heures auparavant.

"C'était complètement dingue", soupirait une députée en sortant, mi-amusée, mi-fatiguée.