PARIS : Bientôt débarrassée de la litanie des 49.3, Elisabeth Borne fait tout, dans la discrétion, pour durer à Matignon en se projetant au moins jusqu'aux Jeux olympiques, sur fond de rumeurs de remaniement.
Dans l'immédiat, l'idée de changements au gouvernement s'est éloignée après la relaxe mercredi du garde des Sceaux par la Cour de justice de la République.
Elisabeth Borne s'est aussitôt "réjouie" de cette décision, comme soulagée pour elle aussi, car une condamnation aurait pu conduire à une refonte de son équipe et accentuer les spéculations sur son propre remplacement.
Mais la question d'un changement de locataire rue de Varenne reste posée par certains au sein du camp présidentiel qui souhaiteraient donner, dès janvier, un nouvel élan à l'action de l'exécutif.
Devant cette perspective, la Première ministre préfère se projeter dans six mois.
Matignon a ainsi donné une publicité inhabituelle à une série de dîners de travail cette semaine avec les députés de la majorité relative sur "les priorités du premier semestre" 2024.
Pour dissiper l'idée d'un "manque de souffle", aux dires d'une députée Renaissance, Elisabeth Borne a aussi mis en scène les cogitations de l'exécutif sur les nouveaux chantiers qui suivront la loi immigration, sur laquelle son avenir est en jeu.
Elle conviera lundi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et celui du Travail, Olivier Dussopt, pour discuter de "proposition nouvelles" en faveur du plein emploi, selon son entourage. Bruno Le Maire pousse à davantage de réformes pour y parvenir.
Campagne «invisible»
Elle a aussi dit attendre des propositions de ses ministres régaliens Gérald Darmanin (Intérieur) et Eric Dupond-Moretti (Justice) sur les violences des "bandes", qui ont pourtant déjà fait l'objet d'un plan interministériel en 2021.
Elisabeth Borne, en poste depuis 18 mois, doit d'autant plus défendre sa place que les ambitions de ses ministres s'expriment davantage qu'il y a un an, et ce pendant que les 49.3 s'enchaînent, parfois sous les quolibets, et génèrent comme une "dévitalisation du gouvernement", note un député Renaissance.
Devant une partie des députés macronistes mardi soir, elle a souligné le besoin de "redonner du sens à ce qu'on fait dans un contexte pas évident entre 49-3 et l'actualité nationale et internationale". Elle les a invités à "ne pas renoncer à transformer le pays", a rapporté l'un d'eux.
Même si, selon une autre source au sein du groupe, elle n'a "pas vraiment donné de vision de long terme, de cap".
Comme pour souligner qu'elle continue de se voir à Matignon, Elisabeth Borne a écarté la semaine dernière l'idée d'être tête de liste aux élections européennes. "Ce n'est pas mon projet", a-t-elle dit en marge d'un déplacement à Strasbourg. Et d'ailleurs "qui serait Première ministre ?", avait-on balayé à Matignon.
Elisabeth Borne "est en campagne pour rester" mais cette fois il s'agit d'une campagne "invisible" où "tu ne prends pas de risque", analyse un cadre de la majorité. Car "la campagne suractive, ça ne plaît pas" au président.
«Une préfète»
Multipliant consultations et "feuilles de route", Elisabeth Borne avait bataillé de longues semaines avant l'été pour rester à Matignon, après avoir porté la très contestée réforme des retraites. Pour laquelle elle avait échappé à la censure, à seulement neuf voix.
Les tensions s'étaient multipliées entre les deux têtes de l'exécutif.
Par exemple le chef de l'Etat n'avait pas apprécié qu'elle s'engage, dans un entretien à l'AFP, à ne plus recourir au 49.3 sur les textes non financiers.
La Première ministre "délivre, elle ne fait pas d’erreur" mais "il manque un truc", note le cadre de la majorité.
Elle avait ensuite généré fin août, "malgré elle, beaucoup d'attentes" en intervenant à la rentrée politique de Gérald Darmanin, selon une source ministérielle, après quoi elle s'est moins exposée médiatiquement.
Pourtant les mêmes qui souhaiteraient un changement admettent que son profil obéissant, de "réponse immédiate au président", correspond à ce que veut ce dernier.
Car "c'est fondamentalement une préfète", résume une source au MoDem.
"Nommer un Premier ministre de combat" c'est "tout l'inverse de ce que Macron a cherché jusqu'ici" pour Matignon, abonde un ancien locataire de la rue de Varenne.