PARIS: Des députés de la majorité planchent avec le gouvernement sur une réécriture d'un article-clé du projet de loi immigration sur les travailleurs des métiers en tension, qui rétablirait un droit à régularisation, sauf exceptions invocables par le préfet pour s'y opposer, a appris l'AFP de sources parlementaires.
La mesure initiale qui prévoyait une régularisation de plein droit des travailleurs sans-papiers dans ce secteur, a été largement restreinte par les sénateurs, qui ont adopté le projet de loi mardi.
Selon la version issue du Sénat, les travailleurs pourront obtenir un titre de séjour d'un an "à titre exceptionnel" et non de plein droit comme le prévoyait la mouture du gouvernement. La procédure, à la main des préfets, serait également assortie de conditions multiples.
Alors que l'examen du texte démarrera à l'Assemblée en commission la semaine du 27 novembre, puis dans l'hémicycle celle du 11 décembre, les groupes de la majorité planchent avec l'exécutif sur une nouvelle rédaction.
"Je travaille à une solution qui ne soit ni le droit opposable général et absolu, ni le pouvoir discrétionnaire absolu du préfet", a confirmé le député Florent Boudié, rapporteur général Renaissance du projet de loi à l'Assemblée.
Les critères qui remettraient en cause la délivrance d'un titre de séjour seraient inscrits dans la loi, et pourraient comprendre la menace à l'ordre public, le non-respect des valeurs de la République ou encore la polygamie, selon des députés interrogés.
"Ce n'est plus le droit opposable général et absolu", qui figurait dans le projet de loi initial, a précisé M. Boudié, "dans la mesure où le préfet pourra ou devra (ce point reste encore à préciser, ndlr) s'opposer à une régularisation".
D'ex-soutiens de Macron alertent sur une «dérive dangereuse»
"Le texte adopté au Sénat constitue une rupture" car il "tourne le dos à la vocation d'intégration de notre pays", affirment une dizaine de personnalités parmi lesquelles l'ex-ministre socialiste Marisol Touraine, l'ex-diplomate Pascal Brice, le réalisateur Romain Goupil, le patron du groupe d'économie sociale et solidaire SOS Jean-Marc Borello, ou encore les économistes Philippe Aghion et Philippe Martin, inspirateurs du programme de M. Macron en 2017.
Autant de mesures qui "relèvent d'une hostilité de principe non seulement à l'égard de l'immigration mais des étrangers eux-mêmes", estiment les signataires, qui demandent aux élus des groupes Renaissance, Modem et Horizons "de ne pas voter ces dispositions".
"Il vous revient de stopper une dérive dangereuse et de mettre le pays sur le chemin de l'efficacité et de l'apaisement", insistent les auteurs de la missive, qui attendent en particulier "un droit en faveur de la régularisation des travailleurs étrangers sans-papiers", principale pierre d'achoppement avec la droite.
Si des votes pour ou des abstentions des députés LR semblent indispensables au passage du texte, la réécriture pourrait être d'abord destinée à rassurer au sein du camp présidentiel, qui n'est pas à l'unisson sur ce sujet.
"Nous ne souhaitons pas la réintroduction de l'article 3 tel qu'il existait avant le passage au Sénat", parce qu'il comprenait un "droit opposable à la régularisation", a déclaré mercredi le président du groupe Horizons Laurent Marcangeli, allié de Renaissance et du MoDem au sein du camp présidentiel.
"A titre personnel, je pense que ce droit ne doit pas être opposable", a indiqué de son côté le député Renaissance Mathieu Lefèvre face à la presse parlementaire (AJP), estimant qu'il fallait laisser une certaine marge d'appréciation aux préfets, mais pas un "pouvoir total".