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Comment cette horreur se finira-t-elle ? La bande de Gaza pourra-t-elle y survivre ? Depuis le 7 octobre, personne n’a la moindre idée – y compris, semble-t-il, le cabinet israélien – de ce qui définit une victoire. L’accent est uniquement mis sur le bombardement massif à court terme de Gaza, sans aucune considération sur le long terme. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, évoque une guerre longue, notamment parce que sa seule voie de survie politique est d’être un chef de guerre.
Sans une fin clairement définie du conflit, Israël perdra à nouveau à Gaza. Il pourrait vaincre le Hamas, mais il ne pourra pas l’éradiquer. Militairement, Israël pulvérisera Gaza, mais où cela mène-t-il ? C’est d’ailleurs le résultat de chacune des six guerres menées par Israël contre Gaza, et celui de ses guerres contre le Hezbollah au Liban.
Israël a démontré ses capacités militaires destructrices, qui n’ont jamais fait de doute. Mais il a également mis en lumière les énormes vulnérabilités politiques dont se nourrissent ses opposants. Il remporte la bataille militaire, mais perd la guerre politique. C’est pour cela que la bande de Gaza est occupée depuis cinquante-six ans et sous blocus depuis seize ans. C’est aussi pour cela qu’Israël n’a jamais réussi à atteindre un quelconque degré de sécurité. Si vous fomentez la haine, l’amertume et le désespoir, le Hamas et d’autres groupes s’en nourriront comme ils l’ont toujours fait. Le Hamas pourrait devenir plus puissant en Cisjordanie. Israël va-t-il également transformer cette région en une nouvelle Gaza ? La réalité est que lorsque les Palestiniens jouiront d’une liberté, d’une sécurité et d’une prospérité véritables, ils seront bien plus attirés par d’autres forces politiques.
Même les États-Unis en Irak ont compris la nécessité d’essayer de convaincre la population civile. Le fait que leurs tentatives étaient ineptes, sans conviction, soutenues par peu de ressources et dépourvues d’une véritable stratégie «du cœur et de l’esprit» était une partie essentielle de leur échec si lamentable. Eux aussi sont considérés comme vainqueurs sur le plan militaire, mais il ne se sont toujours pas remis de l’humiliation politique.
Le Hamas estime que survivre à l’assaut israélien serait une victoire. Si ses dirigeants pouvaient sortir des décombres – les seules montagnes de Gaza –, cela constituerait un succès. Le Hamas n’a pas non plus de finalité crédible, mais cela ne surprend personne. Le fait qu’il ne doive jouer aucun rôle politique ou militaire à Gaza est largement approuvé au niveau international, mais la manière d’y parvenir n’est tout simplement pas expliquée. Un retrait convenu du Hamas de Gaza pourrait être souhaitable, mais il est peu probable.
«Plus Israël continuera à anéantir Gaza, plus toute solution politique deviendra difficile.»
Chris Doyle
C’est l’une des raisons pour lesquelles un cessez-le-feu immédiat est important. C’est pourquoi le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a eu tort de le rejeter une fois de plus la semaine dernière, car il était publiquement en désaccord avec ses homologues arabes de haut rang. Plus Israël continuera à anéantir Gaza, plus toute solution politique deviendra difficile. Les puissances régionales seront également moins disposées à contribuer à la reconstruction à Gaza. Pourquoi les puissances régionales devraient-elles mettre la vie de leurs citoyens en danger dans le cadre d’une future force de maintien de la paix alors que l’assaut israélien rend une telle mission de plus en plus difficile? Plus les bombardements se poursuivent, plus le traumatisme subi par chaque Palestinien à Gaza est grand. Jusqu’à quel point Israël cherche-t-il à rendre plus compliquée la tâche de gouverner Gaza?
Les Israéliens devront toujours vivre avec 5 à 6 millions de Palestiniens, soit en tant que citoyens palestiniens d’Israël, soit en tant que Palestiniens des territoires occupés, y compris Gaza. Israël aura toujours pour voisins des États arabes, dont les populations regardent avec horreur le massacre qui se déroule sous leurs yeux.
La communauté internationale devrait influer sur le résultat et cela commence dès maintenant. Supposons que le Hamas ne soit plus au pouvoir à Gaza. Quelle sorte d’autorité intérimaire pourrait-on établir ? Quels États pourraient être disposés à contribuer à une force de maintien de la paix ? L’option d’une occupation militaire israélienne directe dans laquelle les geôliers se déplaceraient du périmètre de la bande de Gaza vers l’intérieur serait extrêmement coûteuse.
Si une autorité intérimaire était créée, combien de temps durerait-elle ? Quelles en seraient les dispositions sur le long terme ? L’Autorité palestinienne de Ramallah a rejeté, à juste titre, toute idée selon laquelle elle prendrait le contrôle de Gaza à l’aide d’avions et de chars israéliens, craignant d’être considérée comme complice de l’écrasement de la bande par Israël.
La légitimité ne peut venir que de la population de Gaza. Que ceux qui pensent qu’on peut remplacer l’occupation israélienne par un autre occupant se détrompent. Les élections municipales pourraient être un point de départ. Cela permettrait que la gestion technique quotidienne de la bande de Gaza soit entre les mains des personnes qui y vivent, avec l’aide financière et les conseils de l’ONU, compte tenu du défi.
Mais des élections palestiniennes libres et équitables pour une autorité nationale unique doivent suivre. Les dernières ont eu lieu en 2006. Les dirigeants palestiniens actuels manquent de légitimité électorale. Ce serait l’occasion de s’attaquer à l’un des principaux obstacles à un processus politique. Il faut démontrer que les négociations donnent des résultats satisfaisants pour les Palestiniens, comme ils n’en ont jamais eu pendant les années d’Oslo. C’est ce à quoi le Hamas est parvenu: se moquer du Fatah parce qu’il n’a rien obtenu en échange de plusieurs années de discussions.
«Que ceux qui pensent qu’on peut remplacer l’occupation israélienne par un autre occupant se détrompent.»
Chris Doyle
Israël autorisera-t-il les élections ? Il exigera que le Hamas n’y participe pas, mais des dispositions raisonnables pourraient être prises pour exclure tout candidat qui appelle à des attaques contre des civils. C’est là que la communauté internationale doit faire preuve de fermeté. Israël ne doit pas faire obstacle à la tenue d’élections palestiniennes crédibles – et ces dernières doivent également, comme le stipulent les accords d’Oslo, avoir lieu à Jérusalem-Est.
Sans une vie économique normale et sans liberté, Gaza restera un enfer et ne connaîtra jamais la paix. Il faudra la reconstruire, déblayer les décombres et retirer les munitions non explosées. Un fonds devrait être créé immédiatement et Israël devrait y contribuer. Cela doit également dépendre de la fin du siège israélien et de l’autorisation de l’entrée de tous les matériaux, notamment pour construire un système d’eau et d’égouts adéquat. Cela implique de permettre aux Palestiniens de Gaza de voyager librement après le conflit, notamment vers la Cisjordanie. Un passage sûr vers la Cisjordanie devrait aussi être mis en place, comme convenu dans les accords d’Oslo, qui prévoyaient un port et un aéroport pour Gaza. Les pêcheurs de Gaza doivent être autorisés à pratiquer librement leur activité.
La Cisjordanie ne peut pas non plus être ignorée comme elle l’a été. Il faut s’attaquer à l’entreprise de colonisation israélienne. Pendant trop longtemps, la communauté internationale a fait abstraction de cette question, recyclant les mêmes vieux communiqués de presse pour exprimer ses inquiétudes. Les colonies sont illégales et tout ce programme doit prendre fin. À court terme, les communautés palestiniennes chassées par la violence des colons doivent être autorisées à retourner dans leurs villages ainsi qu’à vivre en paix et en sécurité. Aucune paix n’est possible sans cela.
Ce n’est que maintenant que les hommes d’État internationaux commencent à discuter des solutions à long terme nécessaires pour résoudre les problèmes sous-jacents. Après les guerres précédentes, ces dernières ne se sont jamais concrétisées. Il le faut absolument cette fois. Le plus tôt sera le mieux.
Chris Doyle est directeur du Conseil pour la compréhension arabo-britannique, basé à Londres. Il travaille auprès de ce conseil depuis 1993 après avoir obtenu un diplôme spécialisé en études arabes et islamiques, avec distinction honorifique, à l’université d’Exeter. Il a accompagné et organisé les visites de nombreuses délégations parlementaires britanniques dans les pays arabes.
X: @Doylech
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com
