Le prix littéraire de la Porte Dorée 2020, qui récompense des ouvrages sur la thématique de l’immigration, de l’exil ou des identités plurielles a été attribué en juin dernier à l’écrivain Mehdi Charef. Le jury, présidé par l’écrivain turc Nedim Gürsel, l’a désigné parmi une sélection d’auteurs établie par le comité de lecture interne du Palais de la Porte Dorée (Paris XIIe).
Auteur de Rue des Pâquerettes, publié l’an dernier aux éditions Hors d’atteinte, le cinéaste algérien retrouve ainsi l’écriture après treize ans d’interruption. Il n’avait cependant encore jamais abordé de front son arrivée en France à l’âge de 10 ans. C’est chose faite avec ce livre autobiographique, dans lequel il évoque son enfance à Tlemcen en Algérie, et son arrivée en France dans un bidonville de Nanterre.
Le premier d’une trilogie
Nous sommes en 1962 quand Mehdi, ses frères, ses sœurs et sa maman rejoignent le père de famille alors installé dans un baraquement de fortune. De ses observations, de son expérience, jaillissent des mots. Lucide, Medhi Charef y raconte l’étrangeté de l’exil, la boue ou encore les humiliations et le racisme ordinaire.
Extrait : « Les gens se dépêchent, les voitures klaxonnent, les cinémas laissent rêveur et il y a des Français partout, partout. Des femmes françaises, des hommes français. Pour moi qui en avais peur en Algérie, qui les craignais parce qu’ils en avaient fait leur pays… J’étais de ces enfants que leur présence écrasait, que leur emprise isolait ; colonisé, on naît indigène, va te soulager de cette putain de peau ! Et je resterai toujours l’indigène de quelqu’un, parce que toute sa vie, le colonisé garde le colon dans sa tête… »
Ce livre est le premier d’une trilogie retraçant l’enfance et l’adolescence de cette première génération d’immigrés algériens, venue rejoindre ses pères, arrivés en éclaireurs dans la France des années 1960-1970. Auteur notamment du Thé au harem d’Archi Ahmed en 1983, adapté au cinéma l'année suivante sur le conseil de Costa-Gavras, Mehdi Charef a publié trois autres romans et réalisé onze films. À 67 ans, il poursuit ainsi son aventure littéraire, son refuge pour apaiser certaines douleurs.