Vietnam et Gaza: Comment l’attitude des Américains change lorsqu’ils découvrent la vérité

Un nuage de fumée obscurcit l’horizon de Gaza pendant les bombardements israéliens au milieu des combats en cours entre Israël et le Hamas (Photo, AFP).
Un nuage de fumée obscurcit l’horizon de Gaza pendant les bombardements israéliens au milieu des combats en cours entre Israël et le Hamas (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 07 novembre 2023

Vietnam et Gaza: Comment l’attitude des Américains change lorsqu’ils découvrent la vérité

Vietnam et Gaza: Comment l’attitude des Américains change lorsqu’ils découvrent la vérité
  • La réaction violente aux États-Unis et en Occident, provoquée par cette couverture médiatique déséquilibrée, a donné à Israël le feu vert pour poursuivre sa vengeance effrénée
  • Lorsque les Américains découvriront la vérité, leurs sentiments sur les crimes de guerre commis par Israël à Gaza changeront

Israël a toujours disposé d’une certaine suprématie, tant au niveau de la violence que de la guerre de propagande menée contre les Palestiniens, avec le soutien de politiciens occidentaux et de médias fortement biaisés.

Le Hamas aurait attaqué et tué 1 400 Israéliens, dont des femmes et des enfants, le 7 octobre. Les politiciens et les médias américains ont dénoncé quiconque remettait en question la version israélienne.

En revanche, les politiciens et les médias américains qualifient de «non vérifiées» les affirmations selon lesquelles Israël aurait tué principalement des civils, des femmes et des enfants palestiniens à Gaza. Israël rejette les critiques qui concernent la destruction de maisons et d’entreprises civiles.

La réaction violente aux États-Unis et en Occident, provoquée par cette couverture médiatique déséquilibrée, a donné à Israël le feu vert pour poursuivre sa vengeance effrénée. Les pertes civiles israéliennes sont choquantes et signalées sans aucune contestation, tandis que les pertes civiles palestiniennes sont minimisées et contestées.

La sympathie pour Israël en Occident est exagérée. Elle va au-delà des faits et de la réalité.

Il n’est guère surprenant de constater que, selon des sondages récents, les Américains pensent qu’Israël a raison dans sa politique de la terre brûlée contre la bande de Gaza et ils sont insensibles au carnage, tout en se montrant prêts à donner à Israël des milliards de dollars en aide militaire et «humanitaire».

Les dirigeants israéliens exploitent cela en qualifiant les Palestiniens d’«animaux» dans leur discours. Des personnalités politiques comme Nikki Haley exhortent le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, à «en finir» avec les Palestiniens.

«La sympathie pour Israël en Occident est exagérée. Elle va au-delà des faits et de la réalité.»

Ray Hanania

Les Palestiniens meurent alors que la reconstitution israélienne de Sa Majesté des mouches alimente la colère, la haine et davantage de préjugés. 

Mais cela ne durera pas éternellement. La vérité finit toujours par trouver son chemin.

Israël tue des Palestiniens, détruit leurs maisons et vole leurs terres presque chaque semaine depuis deux décennies, pratiquement sans aucune condamnation de la part des hommes politiques ou des médias américains.

Le même sondage qui montre que les Américains sympathisent avec Israël – comment ne pas le faire, compte tenu de cette couverture médiatique exagérée et déséquilibrée? – témoigne également de la profonde sympathie américaine pour les Palestiniens.

Les Américains finiront par aller au-delà de la propagande et des mensonges. Ils se rendront compte alors de l’horrible et dure vérité selon laquelle la violence est une conséquence directe des politiques et des actions israéliennes.

Pourquoi? Historiquement, les Américains ont montré que la vérité aura une incidence sur leurs croyances. Ils changeront ainsi de comportement, comme ils l’ont fait pendant la guerre du Vietnam.

Comme la guerre d’Israël à Gaza, celle du Vietnam était basée sur des mensonges et une propagande soigneusement gérée en Occident.

Les Américains craignaient qu’une prise de contrôle du Vietnam par les communistes ne s’étende à d’autres pays d’Asie du Sud-Est, puis à l’Europe, à l’Afrique et à l’Amérique du Sud. C’était ce qu’on appelait la «théorie des dominos».

Les mensonges et les exagérations ont été utilisés pour renforcer ce sentiment incontesté pendant la guerre du Vietnam, tout comme ils le sont dans la guerre d’Israël contre les Palestiniens.

L’attitude américaine a commencé à changer en 1969. Des rapports qui faisaient état de carnages perpétrés par des soldats américains contre les Vietnamiens ont fait surface. Des questions ont été soulevées au sujet d’un incident critique survenu en août 1964 qui a donné au président Lyndon Johnson le mandat pour lancer une offensive massive. Cela a commencé par une escarmouche dans le golfe du Tonkin le 2 août 1964. Le destroyer USS Maddox s’est engagé dans un échange avec trois torpilleurs de la marine nord-vietnamienne.

«Lorsque la vérité éclate au grand jour, le retour de bâton est brutal.»

Ray Hanania

M. Johnson a utilisé l’incident pour justifier la guerre. Il a finalement envoyé 500 000 soldats au Vietnam et, comme Israël, il s’est engagé dans une politique de la terre brûlée pour détruire le communisme (remplacez ce terme par «Hamas»).

La guerre du Vietnam a provoqué des destructions massives et la mort de millions de civils.

Malgré les soupçons selon lesquels l’incident du golfe du Tonkin était un mensonge, il a fallu des années pour le révéler. Cependant, les soupçons ont alimenté la méfiance et les inquiétudes du public se sont accrues.

Le déclic a eu lieu en septembre 1969, dix-huit mois après qu’une unité d’infanterie américaine a massacré environ 500 civils vietnamiens dans le village de My Lai (pensez à la ville de Gaza). Des hommes, des femmes, des enfants et des bébés (pensez à Gaza) ont été sauvagement tués ce jour-là, le 16 mars 1968.

Soudain, les médias ont commencé à enquêter sur d’autres massacres et à exposer le carnage dans des reportages télévisés. Les vidéos télévisées ont choqué les Américains, qui pensaient que tout se passait comme prévu. Des accusations ont été déposées contre vingt-six soldats américains, dont le chef du peloton de la compagnie C, le lieutenant William Calley Jr.

En 1972, une photo a été publiée d’une fillette de 9 ans, Phan Thi Kim Phuc, gravement brûlée au napalm, qui court, terrifiée, sur un sentier. On l’appelait la «Napalm Girl» et le photographe qui a pris la photo a remporté le prix Pulitzer.

Un autre cliché montre le général vietnamien Nguyen Ngoc Loan abattant à bout portant un prisonnier vietcong.

Les Américains se demandaient alors comment des horreurs aussi brutales pouvaient avoir lieu.

L’attaque du golfe du Tonkin, qui justifiait la guerre, s’est finalement révélé un mensonge. Le massacre de My Lai, des photos comme celle de la «Napalm Girl» et le prisonnier exécuté montrent à quel point l’armée américaine brutalise les civils. Cela a déclenché des manifestations partout aux États-Unis et dans les universités.

Les manifestants contre la guerre ont été qualifiés de «sympathisants communistes» et d’antipatriotes, tout comme ceux qui protestent contre la violence israélienne sont qualifiés d’«antisémites».

Des années plus tard, des analystes ont déclaré que c’était la multiplication des reportages vidéo télévisés et des photos cruelles qui avait montré la vérité aux Américains et contribué au changement de comportement perçu chez le public.

Les Américains ont fini par s’opposer à la guerre. Accablé par les manifestations, M. Johnson a décidé de ne pas se présenter aux élections. Son successeur, Richard Nixon, s’est battu contre cet «éveil» médiatique et a été contraint de se retirer du Vietnam. Il a finalement démissionné.

Il est possible de dissimuler assez longtemps la vérité. Mais, une fois qu’elle éclate au grand jour, le retour de bâton est brutal.

C’est l’une des raisons pour lesquelles Israël manipule et contrôle la couverture médiatique à Gaza et désactive l’accès de la population à Internet. Tout ce que vous voyez à la télévision américaine, ce sont des images de femmes et d’enfants israéliens qui souffrent ainsi que des vidéos militaires fournies par Israël qui montrent des frappes de missiles détruisant des bâtiments.

Les images de femmes et d’enfants palestiniens tués ou extraits des décombres des bâtiments détruits sont rarement diffusées par les médias américains. Mais elles sont bel et bien là. Et on les voit sur les réseaux sociaux.

Lorsque les Américains découvriront la vérité, leurs sentiments sur les crimes de guerre commis par Israël à Gaza changeront, tout aussi sûrement que lorsqu’ils ont appris la vérité sur les crimes de guerre au Vietnam.

Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur plusieurs fois primé de la mairie de Chicago. Il peut être joint sur son site Internet personnel à l’adresse suivante: www.Hanania.com.

X: @RayHanania

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com