Le recrutement militaire des enfants: un phénomène inquiétant aux lois internationales

«Les groupes terroristes attirent des enfants et les utilisent dans les guerres, l'espionnage, la pose d'explosifs et parfois l’exécution d'attentats-suicides, avec une influence idéologique claire» affirme Dya-Eddine SAÏD BAMAKHRAMA. (photo AFP)
«Les groupes terroristes attirent des enfants et les utilisent dans les guerres, l'espionnage, la pose d'explosifs et parfois l’exécution d'attentats-suicides, avec une influence idéologique claire» affirme Dya-Eddine SAÏD BAMAKHRAMA. (photo AFP)
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Publié le Mercredi 23 décembre 2020

Le recrutement militaire des enfants: un phénomène inquiétant aux lois internationales

Le recrutement militaire des enfants: un phénomène inquiétant aux lois internationales
  • Il ressort clairement de ce récit que le phénomène du recrutement d'enfants est aussi vieux que l'humanité et qu'il s'est poursuivi à travers les âges sans répondre aux lois internationales qui le criminalisent
  • La coopération internationale est nécessaire pour resserrer les vis sur ce phénomène effrayant

Le phénomène du recrutement des enfants dans les conflits armés est un crime international selon la loi, mais sa persistance dans diverses zones de conflit dans le monde inquiète la communauté des droits de l'homme et constitue un défi flagrant à de nombreux accords internationaux pertinents. Ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui, ses racines remontent plutôt au Moyen Âge qui a été témoin de l’utilisation à grande échelle d’enfants comme chevaliers.

En 1764, le roi Louis XV inaugure la première école militaire de France, qui comprend plus de 200 élèves, âgés de 8 à 11 ans, soumis à des lois militaires strictes pendant leur séjour dans l’établissement. À l'ère moderne, les deux guerres mondiales furent pleines d'exemples terribles de recrutement d'enfants par des pays en conflit.

Dans les années 1990, des rapports internationaux indiquent que durant la guerre Iran-Irak entre 1980 et 1988, l'Iran a recruté des enfants âgés de 8 à 12 ans, et des milliers d'entre eux ont été tués ou blessés à la suite de ces actions.

Il ressort clairement de ce récit que le phénomène du recrutement d'enfants est aussi vieux que l'humanité et qu'il s'est poursuivi à travers les âges sans répondre aux lois internationales qui le criminalisent. Et cela peut être attribué à l'existence d'une faiblesse manifeste dans la performance des tribunaux pénaux internationaux dans la mise en cause et la poursuite de ceux qui ont commis ces crimes dans diverses régions du monde.

Il est facile de laver le cerveau d’un enfant et de le tromper, en raison de son jeune âge et de son manque de conscience. Par conséquent, les groupes terroristes attirent des enfants et les utilisent dans les guerres, l'espionnage, la pose d'explosifs et parfois l’exécution d'attentats-suicides, avec une influence idéologique claire.

Ces dernières années, la communauté internationale a vu de plus en plus d’enfants recrutés et exploités par des groupes terroristes et des groupes extrémistes violents. Des rapports internationaux ont mis en lumière l’ampleur de ce phénomène alarmant. Les estimations de l'Organisation des nations unies (ONU) indiquent que Boko Haram a recruté et utilisé près de 8 000 enfants au Nigeria, entre 2009 et 2018.

Pour la seule année 2015, les Nations unies ont vérifié 274 cas impliquant des enfants recrutés par l'État islamique en Syrie. Les Nations unies ont pu constater que les centres de la campagne d'Alep, de Deir Ezzor et de la campagne de Raqqa dispensaient une formation militaire à au moins 124 garçons âgés de 10 à 15 ans.

Un rapport de l'ONU a déclaré que des groupes armés en Somalie (Mouvement Al-Shabaab) avaient recruté et utilisé jusqu'à 2 228 enfants et 72 filles en 2018.

Le Forum arabo-européen des droits de l’homme a présenté à la 42e session du Conseil des droits de l’homme des nations unies, qui s’est tenue en mai dernier dans la capitale suisse, Genève, un mémorandum révélant le recrutement par la milice de 23 000 enfants yéménites dans le pays. Afin de contenir la catastrophe, il a créé la Coalition arabe pour le soutien de la légitimité au Yémen, en coordination avec les Nations unies, le Child Protection Unit, dans le commandement des forces conjointes. Cette unité prend en charge les enfants soldats et les réhabilite en plusieurs étapes, en commençant par les procédures de désarmement, y compris en plaçant les enfants dans un programme de traitement et de réadaptation, et en les motivant par des cadeaux et des récompenses, avant de les remettre au gouvernement légitime au Yémen et de les rendre à leurs familles. 

C’est un pas qui mérite reconnaissance et salut des efforts de la Coalition arabe pour restaurer la légitimité au Yémen sous la direction de l’Arabie saoudite.

Quant aux raisons de la propagation de ce phénomène, de nombreux facteurs entrent en jeu, notamment: la désintégration familiale, le manque d’orientation, l'irrégularité à l’école quelle qu’en soit la raison, ou l'abandon en raison d'un échec scolaire. La carte du recrutement d'enfants dans le monde montre que la pauvreté et des facteurs sociaux tels que l'ignorance continuent de pousser des dizaines de milliers d'enfants à rejoindre les milices armées et les armées, en plus des facteurs liés à l'incitation religieuse ou ethnique.

De 7 à 12 ans, des traits sociaux commencent à se former chez l'enfant. Il apprend donc à nouer des amitiés et à suivre les règles sociales, et dès lors, il devient un terrain très fertile pour les groupes terroristes. Ces derniers cultivent de différentes façons les valeurs et les coutumes au sein des rassemblements d'enfants, centrées sur leur incitation à l’autonomie par des méthodes brutales, l'exploitation et la violation de leurs droits. Cette étape est caractérisée par une vaste imagination, parfois illogique, et certains enfants se voient comme des héros. Et là intervient la manipulation de leur esprit avec l’utilisation de certains jeux sous forme d'armes, de pistolets, de mitrailleuses… Sans oublier les vêtements et outils militaires.

Les enfants sont généralement recrutés pour des raisons économiques, car ils reviennent «moins cher» que les adultes, bien qu'ils ne soient pas nécessairement moins efficaces. Les jeunes enfants ne se soucient pas de l'argent et de la richesse... Et il est plus facile de les intimider et de les contrôler, physiquement ou psychologiquement. En plus, des caractéristiques tactiques prévalent dans le recrutement des enfants. Leur utilisation augmente, en particulier les filles de plus en plus utilisées à des fins d’espionnage, de transmission de messages, de transport de matériel et d’attentats suicides. 

Les raisons de ce phénomène sont utilitaires dans la plupart des cas. Les enfants sont moins conscients des dangers auxquels ils sont confrontés. Par conséquent, ils manifestent moins d'anxiété, sont également plus susceptibles de faire ce qu'on leur demande, et bénéficient généralement d’un avantage: ils éveillent moins les soupçons, ce qui peut être très important, à l'approche des cibles par exemple.

Les efforts pour éradiquer le crime de recrutement d'enfants, ou du moins le réduire, doivent commencer par les institutions de socialisation, avec, en tête, la famille, les lieux de culte, les médias et l'école, afin de protéger et de donner à l'enfant une bonne éducation jusqu’à ce qu’il soit solide et qu’il atteigne sa maturité. Les enfants doivent être inscrits dans des centres de découverte et de développement des talents, pour qu'ils consacrent leur temps libre à l'utile et au bénéfique. Ils regorgent d’une énergie qu'ils pourraient mal utiliser s'ils ne sont pas adoptés et pris en charge.

La coopération internationale est nécessaire pour resserrer les vis sur ce phénomène effrayant, en commençant par les coulisses du Conseil de sécurité des nations unies, et en passant à l’action sur la base du chapitre sept, en renvoyant les cas présumés de recrutement dans les zones de conflit du monde au procureur de la Cour pénale internationale pour enquête et examen. Je suggère également de profiter de l'expérience de la direction des forces conjointes de la Coalition pour soutenir la légitimité au Yémen afin de réhabiliter les enfants recrutés, prendre soin d'eux et leur permettre de s'intégrer et de revenir sur la bonne voie.

Dans tous les cas, la famille reste le protecteur et la base pour la préservation de l'enfant, sa bonne réhabilitation, son éducation, son enseignement et son immunisation contre toutes les dérives qui affectent le comportement individuel ou collectif.
 

Dya-Eddine Saïd Bamakhrama est l'ambassadeur de la République de Djibouti à Riyad et doyen du corps diplomatique en Arabie saoudite. @dya_bamakhrama

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com