Deux récents événements majeurs ont plongé la France et l’Europe dans l’angoisse de voir revenir à grands pas le terrorisme. L’assassinat d’un professeur de lettres, Dominique Bernard, dans la ville d’Arras au nord de la France, et la froide exécution de deux Suédois à Bruxelles par un Tunisien se réclamant de Daech ont fait l’effet d’une bombe.
Réaction immédiate: une réunion en urgence des ministres de l’Intérieur des pays de l’Union européenne (UE) pour évaluer l’ampleur de cette menace et les mesures à prendre pour s’en protéger.
En réalité, la menace terroriste n’avait jamais disparu des radars des services de sécurité européens, mais elle était de basse intensité, selon l’expression d’usage. Le ministère de l’Intérieur français affirmait dans sa communication que ses services de sécurité parvenaient régulièrement à faire échouer un attentat tous les deux mois.
La France et le monde arabe ont une longue Histoire d’impacts politiques violents et de répercussions de crise régionales. Dans les années 1980, ce fut le terrorisme irano-libanais qui occupait le devant de la scène avec les attentats du célèbre Georges Ibrahim Abdallah. Dans les années 1990, c’est le terrorisme du GIA algérien qui secoua la France. Dans les années 2000, ce sont les crises irakienne et syrienne, ayant enfanté Daech qui frappèrent l’Europe au cœur.
Désormais se dessine une grande crainte de voir cette guerre entre Israël et le Hamas palestinien exporter la violence sur les territoires européens.
Plus que les autres pays de l’UE, la France a des raisons démographiques et historiques d’avoir peur de ces impacts. Elle a cette particularité d’abriter à la fois la plus grande communauté juive et la plus grande communauté arabo-musulmane d’Europe.
La grande peur, c’est que les clivages du Proche-Orient avec les violences terroristes et militaires qu’ils entraînent se traduisent en violences verbales et politiques en France.
Le spectre du terrorisme est si présent en France que la moindre alerte, soit-elle fantaisiste, provoque la fermeture de lieux publics comme le musée du Louvre ou le château de Versailles. Sans oublier les régulières fermetures de nombreux aéroports soumis à des alertes.
Plusieurs événements de la vie politique française ont généré de vives polémiques et sont des conséquences directes de cette guerre. Le premier est le schisme provoqué au sein de la Nupes (alliance de gauche) à cause du refus de la France insoumise de reconnaître le Hamas et ses attaques contre les colonies israéliennes comme un acte terroriste. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a même décidé de poursuivre Danièle Obono, une des icônes de la France insoumise, pour apologie du terrorisme. Lui-même en tant que ministre de l’Intérieur est poursuivi par Karim Benzema, star du football mondial, pour l’avoir accusé d’entretenir des relations avec la mouvance des Frères musulmans.
La deuxième polémique est la décision du ministère de l’Intérieur d’interdire une manifestation propalestinienne de peur qu’elle ne dégénère en troubles à l’ordre public. Cet argument sécuritaire n’a pas convaincu le Conseil d’État, la plus haute juridiction française, qui a invalidé cette décision.
Le spectre du terrorisme est si présent en France que la moindre alerte, soit-elle fantaisiste, provoque la fermeture de lieux publics comme le musée du Louvre ou le château de Versailles. Sans oublier les régulières fermetures de nombreux aéroports soumis à des alertes.
La menace terroriste qui pèse aujourd’hui sur la France et l’Europe est diversement analysée. Parce que des organisations terroristes comme Al-Qaïda et Daech ont été militairement vaincues dans leurs bastions géographiques par la coalition internationale contre le terrorisme, une certaine conviction s’est installée dans les milieux politiques et sécuritaires français que ces organisations ne sont plus en capacité d’organiser sur les territoires européens des opérations terroristes type 11-Septembre américain ou le Bataclan français.
Mais cette incapacité d’organisation que l’on attribue aux défaites militaires de ces structures terroristes ne peut faire l’impasse sur la possible existence de cellules dormantes ni de ce phénomène de «loups solitaires» qui se radicalisent en silence et qui passent subrepticement à l’acte terroriste. Le fruit de ce que l’écrivain et universitaire Gilles Kepel avait baptisé «djihad d’atmosphère».
Ce retour du spectre du terrorisme qui pourrait être inspiré par la violence du Proche-Orient est à l’origine de nombreuses mesures d’exception comme la proclamation de l’état d’urgence attentats en France. Ces inquiétudes surgissent dans un contexte politique particulièrement tendu sur des problématiques d’immigration qui dominent actuellement le débat politique. Cette situation se produit à la veille des élections européennes et au moment où les partis politiques préparent leurs candidats pour la prochaine élection présidentielle.
Les obsessions migratoires des uns ajoutées aux angoisses terroristes des autres confèrent au débat politique des clivages aigus et une surenchère qui favorise fatalement le discours de l’extrême droite.
L’Europe dans son ensemble est saisie d’effroi à l’idée de subir des opérations terroristes directement inspirées de cette crise du Proche-Orient. C’est ce qui explique que sa diplomatie marche sur des œufs sur un terrain miné de contradictions.
Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.