BEHENIY: Dans une petite ville malgache, à plus de 8.000 km de la France et ses hauts-lieux du foie gras, des éleveurs gavent des canards depuis 40 ans dans la tradition artisanale, au milieu de l'Océan Indien.
« Nous sommes la troisième génération », dit fièrement Zoé Rarivo, qui conditionne le foie gras et tient aussi le bien nommé restaurant « le Coin du foie gras » à Behenjy, à une cinquantaine de km de la capitale Antananarivo.
Sur cette île où 75% de la population vit avec moins de deux euros par jour, Behenjy est devenue la capitale locale de ce produit de luxe.
La technique transmise par sa grand-mère est tirée des enseignements de Français installés dans les années 1980 dans l'ancienne colonie, raconte Zoé.
Elever les bêtes pendant six mois, les gaver quotidiennement au maïs sans trop forcer pendant 21 jours, un peu d'huile pour faire passer: « Gaver un canard, c'est tout un art », raconte Rahaja Holinirina, qui s'est plutôt lancée dans l'élevage de canetons.
« Superstition »
Car dans ce coin du monde, il y a les éleveurs d'un côté, ceux qui gavent de l'autre. Et une superstition empêche tout mélange: « Quelqu'un qui verse le sang d'un canard en lui coupant la tête pour prendre son foie, n'arrivera jamais à faire pondre et éclore les œufs d'une cane », explique Rahaja.
Une autre raison plus terre à terre est que « le cycle de production de 21 jours pour le gavage est incompatible avec le cycle d'élevage de six mois des canetons », dit Myriam Rakotoarisaina, qui a choisi de se concentrer sur le gavage.
Pour les paysans de l'île plus généralement connue pour sa vanille et les litchis, le foie gras est une source intéressante de revenus qu'ils cumulent généralement avec une autre activité, souvent la culture du riz qui occupe une place prépondérante.
« Foie gras bouilli »
A six euros le pot de 250 grammes, soit 30 euros le kilo, le foie gras ne se retrouvera pas sur toutes les tables pour les fêtes de fin d'année à Madagascar.
Un des défis des producteurs locaux a d'ailleurs été d'initier de nombreux Malgaches à ses saveurs et texture si particulières. « C'est un produit de luxe considéré comme réservé aux Occidentaux », explique Zoé Rarivo.
De temps à autre, des touristes de passage achètent aussi l'insolite foie gras malgache.
Ceux qui le produisent se laissent eux-même tenter, mais pas souvent. « On préfère le foie gras du canard bouilli à la malgache », décrit Myriam Rakotoarisaina. Avec un peu de sauce tomate, une échalotte et accompagné de riz.
Et s'il est de coutume sur l'île de montrer sa richesse par ce qu'on place sur la table, il est plus courant à l'approche du Réveillon de laisser crier une oie dans sa cour pendant quelques jours, pour montrer qu'on a de quoi s'offrir une volaille pour Noël.