BORDEAUX: Capitale mondiale du vin, Bordeaux est devenue une place forte du jeu vidéo français, comme en témoigne la sortie jeudi du dernier chapitre de la saga "Assassin's Creed", développé pour la première fois dans les studios locaux d'Ubisoft.
L'histoire commence en 1990 avec la fondation du studio Kalisto, qui produit les premiers jeux vidéo "made in Bordeaux" sur ordinateurs et consoles.
"La Silicon Valley, Apple, Microsoft, ça m'attirait. Je me suis dit +Pourquoi ne pas faire ça dans mon environnement immédiat+", explique à l'AFP son fondateur Nicolas Gaume, aujourd'hui âgé de 52 ans.
Kalisto crée ses jeux maison ("Dark Earth", "Nightmare Creatures") et collabore avec Namco ou Gaumont pour développer et adapter des jeux originaux comme "Pac in Time" (1995) ou "Le Cinquième Elément" (1997).
Fort de ces succès mondiaux, Nicolas Gaume entre en Bourse en 1999 pour rivaliser avec les plus grands studios, mais "l'explosion de la bulle internet" l'année suivante entraîne sa liquidation soudaine.
L'entrepreneur girondin se reconvertit dans l'industrie spatiale mais 12 de ses 320 salariés poursuivent l'aventure en fondant Asobo en 2002.
Trophées à foison
"Kalisto est une base qui a semé des graines" de studios "dans la ville, dans la région", estime le directeur des opérations d'Asobo, Gregory Carreau, citant également Motion Twins et Shiro Games.
Asobo se démarque grâce à ses multiples récompenses et succès commerciaux.
En 2007, son adaptation du film "Ratatouille", en collaboration avec Pixar, se vend à plus de 2,5 millions d'exemplaires, incitant d'autres poids lourds du divertissement (Disney, Fox, Universal) à lui faire confiance.
En 2016, Microsoft lui confie le développement du 15e épisode de son simulateur de vol "Flight Simulator" qui est élu meilleur jeu vidéo français en 2021 à la deuxième édition des Pégases, l'équivalent des César.
Un an plus tôt, Asobo avait raflé six trophées pour "A Plague Tale: Innocence" mêlant survie, guerre de Cent ans et peste noire. Sa suite "A Plague Tale: Requiem", dépassera en 2022 le million de joueurs en deux semaines.
Expertise technique, qualité artistique et créativité narrative: ces jeux concentrent tous les ingrédients de la réussite de Bordeaux, devenu un des bastions nationaux du secteur avec Paris, Lyon ou Montpellier.
Un statut renforcé en 2017 par l'implantation d'un studio du géant français de l'industrie, Ubisoft - présent dans une cinquantaine de pays avec plus de 45 antennes et filiales.
Ubisoft a "profité de l'historique des jeux vidéo dans la ville, de la présence d'écoles d'art et d'écoles d'ingénieurs et de l'écosystème en termes d'animation à Angoulême", à une centaine de kilomètres au nord, explique le directeur général de l'antenne bordelaise, Julien Mayeux.
A cela s'ajoute en 2017 "l'arrivée de la LGV", la ligne de train à grande vitesse, et une "attractivité très forte de la ville" pour les talents du monde entier.
Ecoles spécialisées
Avec la livraison de nouveaux locaux en fin d'année, ce studio deviendra le plus grand (7 500 m2 de surface) de l'entreprise en France.
Il est déjà le premier dans l'Hexagone à avoir piloté le développement d'un épisode de la licence-culte "Assassin's Creed", lancée en 2007, après avoir codéveloppé le précédent, "Assassin's Creed Valhalla" (2020).
"Assassin's Creed Mirage est un retour aux sources pour le 15e anniversaire de la licence", poursuit Julien Mayeux, qui dirige plus de 420 salariés. "C'est une belle opportunité de nous mettre sur la carte des plus grands studios du monde, on la joue à fond".
En Nouvelle-Aquitaine, le secteur pèse "plus de 100 millions d’euros de chiffre d'affaires et représente plus de 1 000 emplois temps-plein", selon Marie-Charlotte Ynesta, déléguée générale de SO·Games, l'association régionale des professionnels du jeu vidéo.
En Gironde, les studios bénéficient d'une main d’œuvre formée sur place dans plusieurs écoles spécialisées.